Le Traité de Stratégie d'Hervé Coutau-Bégarie, constitue une œuvre encyclopédique qui vise à réhabiliter l'étude systématique de la stratégie en tant que discipline intellectuelle et pratique, en s'appuyant sur une analyse historique, conceptuelle et prospective approfondie. L'auteur, historien et théoricien français spécialisé dans les questions navales et stratégiques, structure son ouvrage en trois livres principaux, précédés d'une introduction générale qui défend l'enseignement de la stratégie comme un domaine essentiel pour comprendre les conflits humains, en distinguant notamment la stratégie pure, qui relève d'une réflexion abstraite sur les principes universels, de la stratégie appliquée, orientée vers des contextes concrets comme les opérations militaires. Coutau-Bégarie argue que la stratégie possède deux faces, comme le dieu romain Janus, l'une tournée vers l'art du commandement et l'autre vers l'analyse méthodique, et il insiste sur la distinction entre le stratège, qui agit dans le feu de l'action, et le stratégiste, qui théorise à distance, en s'inscrivant dans une tradition stratégique française marquée par des penseurs comme Guibert ou Beaufre. L'objectif du traité est de fournir un cadre exhaustif pour appréhender la stratégie non seulement comme un art militaire mais comme une dialectique des intelligences dans un milieu conflictuel, en étendant son domaine aux sphères non militaires comme l'économie ou la diplomatie, tout en soulignant les limites d'une généralisation excessive qui pourrait diluer son essence fondée sur la force et les fins politiques. Parmi les problèmes abordés figurent la mutation contemporaine de la guerre, où la sécurité ne repose plus uniquement sur la défense armée mais intègre des approches comme le désarmement ou la dissuasion, posant des enjeux tels que le spectre d'une stratégie sans guerre effective, où la menace l'emporte sur l'action. Un argument clé repose sur l'étymologie grecque de la stratégie, dérivée de « stratêgos » signifiant général, pour tracer sa naissance chez les Anciens comme chez les Chinois avec Sun Zi, dont le traité L'Art de la guerre met en avant la dialectique des intelligences et l'importance de l'ennemi comme constituant essentiel de la relation stratégique, comme l'illustre la citation : « Connais ton ennemi et connais-toi toi-même ; en cent batailles, tu ne seras jamais en péril » (section 19, renvoyant à Sun Zi). Coutau-Bégarie critique les confusions conceptuelles modernes, comme l'assimilation de la stratégie à l'économie, en arguant que la première repose sur la force physique tandis que la seconde sur des échanges pacifiques, et il limite la portée de la théorie des jeux en stratégie en notant qu'elle néglige souvent la dimension psychologique et les frictions imprévisibles décrites par Clausewitz, dont les lois d'action réciproque soulignent que la guerre est une continuation de la politique par d'autres moyens (section 33, citant De la guerre, livre I, chapitre 1).
Définition. La stratégie chez Coutau-Bégarie désigne l’art/science de conduire un conflit contre un adversaire pensant, au moyen de la force, en vue d’une finalité politique ; elle est relationnelle (adversaire constitutif), dialectique (action/réaction, brouillard et friction), et hiérarchisée (articulation avec politique, opératique, tactique). La première définition historique est celle d'un art du commandement (chap. 1). La seconde définition est celle d'une « dialectique des volontés et des intelligences utilisant la force pour régler leur conflit » (repris dans le Bréviaire stratégique). Les autres définitions sont données tout au long de notre commentaire.
Thèse. L’ouvrage n’est pas qu’un catalogue : il propose trois thèses centrales, des choix de méthode, une typologie des niveaux et modalités de l’action, des études de cas et une réflexion sur la culture stratégique et la géostratégie, en cherchant un équilibre entre héritage clausewitzien, retours aux classiques (Jomini, Mahan, Douhet, Castex, Beaufre) et problématiques contemporaines (dissuasion, RMA, conflits asymétriques, spatial). L’auteur le dit d’ailleurs : « Le besoin de synthèse n’a pas diminué » et le traité assume son « volume propre à décourager les meilleures volontés » pour compenser « l’éclatement de la stratégie » par une cartographie raisonnée du domaine afin d'apporter une grammaire stratégique commune.
Thèse 1. La stratégie est une dialectique de volontés et d’intelligences, finalisée politiquement et fondée sur la force. Cette définition, disséquée dans les sections « Essence » et « Épistémologie » (29-41 et 42-46), tient en quatre lignes de crête : 1°) la stratégie renvoie à une relation adversative, structurée par l’ennemi, ce qui implique la « dialectique des intelligences » et l’imprévisibilité induite (friction, coups, ripostes) ; 2°) elle se distingue du droit, de la diplomatie et de l’économie par le rôle assigné à la force comme moyen spécifique ; 3°) elle demeure subordonnée à la politique, qui fixe la finalité ; 4°) elle conserve une validité transhistorique, malgré l’évolution des moyens.
Thèse 2. Il existe une unité de la stratégie malgré la diversité des domaines. En distinguant nettement la politique, la stratégie, l’opératique et la tactique, Coutau-Bégarie rappelle la trilogie classique et ses démembrements au XXe siècle, puis montre l’« interpénétration croissante » des niveaux. L’unité recherchée passe par des principes invariants (activité, concentration, économie des forces, liberté d’action, sûreté…) et par des dialectiques récurrentes (offensive/défensive, choc/manœuvre/feu, direct/indirect, anéantissement/usure), retravaillées à la lumière des nouveaux milieux (air, mer, espace) et des configurations contemporaines (dissuasion, crises limitées, guerres irrégulières).
Thèse 3. La stratégie est à la fois science (au sens de corpus de connaissances transmissibles), méthode (procédures d’analyse et de décision) et art (création située, jugement et décision sous incertitude). L’auteur explicite cette triangulation dès l’« Introduction générale – Défense et illustration de l’enseignement de la stratégie » : la stratégie est science pour le « stratégiste » et art pour le « stratège », les deux dimensions se répondant continuellement. Il emprunte ici à la tradition russe la paire « théorie/pratique » pour souligner la boucle de rétroaction entre enseignement, doctrine, retour d’expérience et innovation. Introduction générale, 1-4
Apports. L'ouvrage apporte une grammaire stratégique. Le livre donne un cadre pour articuler buts politiques, moyens militaires et effets stratégiques dans des conflits de plus en plus entremêlés. Il façonne une grammaire commune pour décideurs et analystes : clarifier l’ennemi et le centre de gravité, hiérarchiser les niveaux (politique/stratégie/opératique/tactique), choisir l’option (directe/indirecte, anéantissement/usure), calibrer l’économie des forces, anticiper la friction, penser les espaces (terre/mer/air/espace), et boucler la victoire stratégique sur sa conclusion politique. Cette grammaire s’avère utile pour évaluer, par exemple, des opérations de maîtrise des espaces communs (lignes maritimes, infrastructures de communication), des campagnes aériennes visant à la paralysie, ou des manœuvres de crise où la dissuasion et l’action s’entrecroisent. Par sa méthode pluraliste, le Traité aide à éviter deux écueils: le juridisme désarmé et le technicisme hors-sol ; il réhabilite l’histoire comme laboratoire d’hypothèses, sans perdre de vue la spécificité de chaque conflit.
Méthodes. L’ouvrage défend la pluralité méthodologique et décrit huit méthodes: historique (retour aux cas et aux classiques pour éprouver les concepts), réaliste (prise en compte des contraintes matérielles et politiques), rationnelle‑scientifique (modélisations prudentes, théorie des jeux, économie, sans confusion des registres), prospective (scénarios et anticipation), géographique (topo-, morpho-, physio-, météostratégies), culturaliste (cultures stratégiques comme filtre d’interprétation), synthétique (combinaisons ajustées au problème), philosophique (clarification des concepts, examen des finalités). L’auteur met en garde contre l’illusion d’un « facteur déterminant » unique et plaide pour une méthode « pour l’action », c’est‑à‑dire orientée vers la décision sous incertitude, avec un soin particulier pour le renseignement, l’évaluation d’hypothèses et l’art du commandement. Introduction générale; Livre I, chap. IV (Théorie et Doctrine; Méthodes; Principes; Décision).
Problématiques. Cinq problèmes traversent l’ensemble. 1°) La subordination de la stratégie à la politique dans un contexte de « globalisation stratégique »: jusqu’où peut-on étendre le champ stratégique sans dissoudre la distinction entre guerre et paix, civil et militaire, décision et gestion ? 2°) La dialectique emploi/menace de la force à l’ère nucléaire: comment stabiliser la dissuasion sans la vider de sa crédibilité, et comment articuler posture déclaratoire, stratégie des moyens et stratégie opérationnelle ? 3°) L’interpénétration des niveaux: dans des opérations limitées, médiatisées, juridicisées, où l’événement tactique (un tir, une bavure, une frappe) résonne immédiatement au niveau stratégique et politique, comment garder cohérence et économie des forces ? 4°) Les marges d’efficacité des stratégies régulières face à l’irrégularité: dispersion des acteurs, porosité des espaces, montée des formes non territoriales (subversion, terrorisme), contrainte des opinions publiques et des alliances ; d’où l’importance de la protection des flux, du renseignement, de la légitimité et du temps. 5°) La dimension systémique: du complexe militaro-industriel à la RMA comprise comme « système de systèmes », l’auteur interroge les promesses et les angles morts des discours technologiques, appelle à la prudence méthodologique et au recentrage sur le but politique et l’intelligence de l’adversaire. Voir Livre I, chap. VIII (mutation, dissuasion, « stratégie intégrale », RMA) et Livre III (géostratégie des espaces communs).
Argumentation. L’argumentation suit un parcours en sept temps. 1°) Concept et constitution: une archéologie du terme et des usages (Grecs et Romains pragmatiques, pensée chinoise classique, renaissance au XVIIIe siècle, modèle prussien) pour montrer que la stratégie émerge comme art du commandement puis s’étend au-delà du strict champ militaire. 2°) Catégories du conflit: relecture de la trilogie politique/stratégie/tactique et de l’« opératique », avec une insistance sur l’articulation des niveaux et leur relativité selon les époques, les sociétés et les technologies. 3°) Science stratégique: cartographie des écoles (asiatiques, européennes modernes, contemporaines) et de leurs tensions internes ; la réflexion clausewitzienne sur la « friction » et les « lois d’action réciproque » sert de pivot pour intégrer hasard, incertitude et escalade, tandis que Jomini, Beaufre et Liddell Hart sont mobilisés pour discuter les logiques d’anéantissement, d’usure et d’indirect. 4°) Méthode: séries de méthodes complémentaires — historique, réaliste, rationnelle-scientifique, prospective, géographique, culturaliste, philosophique — avec un plaidoyer constant pour la pluralité méthodologique, les allers-retours entre cas et concepts, et une méfiance envers le réductionnisme d’un « facteur déterminant » unique. 5°) Principes et dialectiques: refus d’un catéchisme intemporel au profit de « principes vrais » contextualisés et d’une pensée des contre-effets ; l’initiative et la liberté d’action y sont centrales, mais toujours rapportées à la finalité politique. 6°) Processus et options: description des grandes options (direct/indirect, anéantissement/usure, destruction/interdiction, guerre totale/conflit limité), des modalités (choc, manœuvre, feu) et du processus stratégique (surprise, rupture, poursuite, retraite, victoire et traduction politique du succès). 7°) Systèmes et mutations: la grande transformation contemporaine (dissuasion, « globalisation » de la stratégie, RMA, dilatation des espaces communs, e.g. cybers, spatial), avec un avertissement sur les dérives d’une « stratégie intégrale » qui subsumerait tout au détriment du primat du politique.
Exemples. Sur mer, la dualité bataille/blocus/course et la « bipolarité » de la stratégie maritime sont examinées de l’époque de la galère aux guerres sous-marines des deux conflits mondiaux, avec un aller-retour constant aux classiques: Mahan pour la bataille décisive et la maîtrise, Castex pour la critique du fétichisme de la bataille et l’accent sur la guerre des communications, la « flotte en vie » et la manœuvre indirecte à la mer. Ces lignes s’articulent avec l’essor contemporain des sous-marins, des aéronavales, des systèmes de surveillance et de la guerre des flux. Pour l’air, l’ouvrage revisite Douhet, Trenchard et Mitchell, la « peur du bombardier » en Grande-Bretagne, la consolidation doctrinale américaine, puis les débats post-Golfe et post-Kosovo sur la « paralysie stratégique » et les limites du bombardement contre des adversaires dispersés et résilients. Pour la dissuasion, l’auteur expose la tension entre menace d’emploi et emploi réel, l’instabilité potentielle des postures et la recherche d’un « dialogue stratégique », tout en soulignant les risques d’une tentation d’« action » nucléaire. Enfin, dans les champs irréguliers, un long parcours historique mène des petites guerres d’Ancien Régime aux guerres révolutionnaires, insurrectionnelles et postcoloniales, jusqu’aux conflits asymétriques et aux terrorismes contemporains, en rappelant l’importance de la contre-insurrection, du renseignement et des effets politiques du temps long. Sur ces ensembles, le Traité met en regard les traditions nationales (française, allemande, britannique, russe, américaine) et les cultures stratégiques (Chine, Japon, Rome/Byzance) pour dégager des constantes et des lignes de fracture.
Limites. Hervé Coutau-Bégarie anticipe lui‑même plusieurs limites à sa propre démarche. 1°) Une dépendance aux corpus disponibles: il souligne dans la Préface la « misère des bibliothèques » françaises en matière d’études stratégiques, ce qui a ralenti l’accès à certaines sources et conduit, de son aveu, à une moindre mobilisation de la littérature allemande et russe. Cette contrainte matérielle et linguistique pèse sur quelques sections de la cartographie des écoles contemporaines. Préface, 7e éd., p. 28-31. 2°) Un risque d’ampleur… qui s’étiole en précision: la visée encyclopédique paye un tribut à l’hétérogénéité des exemples ; certaines monographies (par exemple sur la stratégie aérienne entre-deux-guerres) restent plus allusives que d’autres (maritime). 3°) Un débat ouvert avec l’école culturaliste: tout en intégrant un chapitre spécifique aux cultures stratégiques, l’auteur en borne la portée pratique et théorique — rappelant que la culture n’est qu’un facteur parmi d’autres et qu’il faut distinguer unité théorique et diversité doctrinale. 4°) Une prudence à l’égard des promesses technologiques (RMA, « système de systèmes »): l’ouvrage questionne l’optimisme techniciste et rappelle la primauté de l’ennemi pensant et de la friction. Ces limites ne sont pas des faiblesses rédhibitoires : elles font partie du pacte de lecture d’un « traité » qui se veut outil de travail, à actualiser par des lectures spécialisées et des retours d’expérience.
Editions successives. Les 7 éditions ont toutes été publiées par Economica/ISC
La 1re édition (1999)
La 2e édition (2002) est augmentée et fait 1005 pages
La 4e édition (2003) compte environ 1020 pages.
La 6e édition (2009) a vu l’adjonction d’un chapitre sur les cultures stratégiques.
La 7e édition (2011) s’enrichit d’un chapitre sur les stratégies irrégulières.
INTRODUCTION GÉNÉRALE – DÉFENSE ET ILLUSTRATION DE L’ENSEIGNEMENT DE LA STRATÉGIE
L'Introduction générale pose les fondations épistémologiques de l'ensemble de l'ouvrage. Coutau-Bégarie y défend la stratégie comme un champ de savoir nécessaire et spécifique, menacé par l'oubli en France et par la dilution de son sens. Il commence par établir le caractère dual de la stratégie, à l'image du dieu Janus, à la fois théorie abstraite et pratique concrète. Il distingue soigneusement la stratégie pure, qui étudie les concepts fondamentaux, de la stratégie appliquée, qui concerne la conduite des opérations. Une autre distinction cruciale est établie entre la stratégie méthodique, systématisée par Jomini, qui cherche des règles quasi scientifiques, et la stratégie sublime, portée par un génie comme Napoléon et théorisée par Clausewitz, qui intègre le friction, le hasard et le talent du chef. Coutau-Bégarie introduit aussi la figure du stratégiste, le théoricien de la stratégie, qu'il faut distinguer du stratège, le praticien. Il insiste sur l'existence d'une riche tradition stratégique française, souvent méconnue, et définit l'objet de son traité : procéder à une enquête fondamentale sur la nature, les méthodes et les domaines de la stratégie, avec pour but d'en restaurer la légitimité intellectuelle et d'en clarifier le domaine, qui s'étend du niveau politique le plus élevé jusqu'à la conduite tactique.
LIVRE PREMIER – STRATÉGIE GÉNÉRALE
Dans le Livre Premier dédié à la stratégie générale, Coutau-Bégarie développe la thèse selon laquelle la stratégie forme un concept unifié malgré ses extensions historiques et thématiques, en la définissant comme une dialectique des volontés dans un environnement conflictuel où la force sert des fins politiques, distincte du droit qui régule et de la diplomatie qui négocie sans recours systématique à la violence. Il argue pour l'unité épistémologique de la stratégie en explorant sa classification en niveaux, de la grande stratégie qui intègre la politique à la tactique focalisée sur le combat, en soulignant le démembrement au XXe siècle avec l'émergence de la stratégie opérationnelle, ou opératique, qui relie la stratégie à la tactique par des manœuvres intermédiaires, comme dans les campagnes napoléoniennes où la concentration des forces permit des victoires décisives malgré des infériorités numériques locales (section 57). Des exemples tirés de la pensée stratégique asiatique, comme celle de Sun Bin qui prolonge Sun Zi en insistant sur l'adaptation au terrain, contrastent avec la sclérose de la pensée chinoise postérieure, limitée par un dogmatisme confucéen, tandis que la pensée occidentale ancienne, des Grecs pragmatiques aux Byzantins avec leur approche de guerre irrégulière, illustre une évolution vers une science stratégique plus méthodique au XVIIIe siècle, avec des figures comme Montecuccoli qui, dans ses Mémoires, définit la stratégie comme l'art de commander des armées entières (section 97). Les limites de cette science résident dans sa rareté due à des déterminants sociaux, comme le monopole étatique sur la guerre, et dans la difficulté de sa connaissance, marquée par des éclipses médiévales où la réflexion tactique l'emporta sur la stratégique. Parmi les enjeux, l'auteur aborde la stratégie comme méthode, en distinguant théorie, qui vise l'idéalisme ou le réalisme, et doctrine, qui adapte les principes à un système de forces spécifique, avec des méthodes variées comme l'historique pour tirer des leçons du passé ou la prospective pour anticiper les mutations, tout en critiquant la recherche d'un facteur déterminant unique qui ignorerait la friction clausewitzienne, cette résistance imprévue qui complique toute décision stratégique. Une citation illustrative provient de Clausewitz : « Tout dans la guerre est très simple, mais la chose la plus simple est difficile » (section 180, De la guerre, livre I, chapitre 7), soulignant les problèmes de la décision stratégique, marquée par la complexité du renseignement et la subjectivité des hypothèses. Coutau-Bégarie pose aussi la stratégie comme un art évolutif, soumis à une loi de complexité croissante due aux innovations techniques, avec des options comme la stratégie directe d'anéantissement versus l'indirecte d'usure, exemplifiée par la défensive de Wellington à Waterloo qui contrecarra l'offensive napoléonienne, et il interroge les modalités comme le choc, la manœuvre ou le feu, en notant les limites d'une approche purement offensive dans les contextes de guerre limitée. Enfin, il traite la stratégie comme culture, avec une approche culturaliste qui identifie des permanences comme la culture russe axée sur la profondeur territoriale, mais en limitant cette méthode par son relativisme excessif qui pourrait masquer l'unité théorique de la stratégie, et comme irrégularité, en analysant les guérillas historiques de la Chouannerie à la guerre révolutionnaire maoïste, posant l'enjeu de l'asymétrie contemporaine où les stratégies régulières perdent en efficacité face au terrorisme, défini comme une forme non-territoriale de subversion (section 270).
Introduction du Livre Premier
Cette introduction situe la guerre comme un phénomène social total, matrice de l'histoire et compétence régalienne fondamentale de l'État. Coutau-Bégarie analyse la mutation contemporaine de la guerre avec l'avènement de l'ère nucléaire et des conflits asymétriques, qui complexifient sa nature. Il examine ensuite les différentes doctrines de sécurité : la sécurité par le désarmement, qu'il juge souvent utopique ; la sécurité par la défense, modèle classique ; et la sécurité sans défense, concept problématique illustré par certaines neutralités. Il conclut en évoquant le spectre de la stratégie, c'est-à-dire son extension à tous les domaines de la vie sociale, ce qui nécessite plus que jamais une définition rigoureuse.
Chapitre I – La stratégie en tant que concept
Ce chapitre est une enquête philosophique sur l'essence de la stratégie. Il retrace d'abord son étymologie (le strategos grec, commandant de l'armée) et son évolution sémantique, de l'art militaire des Anciens à sa systématisation au XVIIIe siècle, notamment avec le modèle prussien. La première définition historique est celle d'un art du commandement. Coutau-Bégarie décrit ensuite l'extension du concept : d'abord à la permanence de la stratégie en temps de paix, puis aux stratégies non militaires (économique, diplomatique), aboutissant à une généralisation qui mène à une confusion conceptuelle. La section centrale est consacrée à l'essence de la stratégie, définie comme une dialectique des volontés dans un milieu conflictuel, fondée sur la force et orientée vers des fins politiques. Coutau-Bégarie marque une différence nette avec la théorie des jeux (qui suppose une rationalité parfaite) et avec l'économie (fondée sur l'échange et non la coercition). Il souligne que la stratégie d'entreprise est une métaphore, non une transposition littérale. La dernière section aborde l'épistémologie de la stratégie, affirmant son unité malgré la diversité de ses domaines, sa logique propre, sa dimension psychologique primordiale et son dualisme fondamental (offensive/défense, ruse/force, etc.).
Chapitre II – La stratégie en tant que catégorie du conflit
Ce chapitre est une entreprise de clarification taxinomique. Coutau-Bégarie présente d'abord la trilogie classique Politique- Stratégie-Tactique, héritée du XIXe siècle : la politique fixe le but ; la stratégie prépare et conduit la guerre pour atteindre ce but ; la tactique gagne les batailles. Il précise les distinctions avec la logistique (l'art de faire parvenir) et l'organique (l'art d'organiser les forces). Il analyse ensuite le démembrement de cette trilogie au XXe siècle avec l'émergence de nouveaux niveaux : la Grande Stratégie (ou stratégie des moyens généraux de la nation), la stratégie opérationnelle (niveau du théâtre d'opérations) et l'opératique (niveau intermédiaire entre la stratégie et la tactique). Le chapitre se conclut sur l'articulation complexe et l'interpénétration croissante de ces niveaux, rendant les catégories plus relatives mais toujours indispensables à la pensée.
Chapitre III – La stratégie en tant que science
Ici, Hervé Coutau-Bégarie pose la question du statut scientifique de la stratégie. Il délimite son champ par rapport à la science militaire, plus technique. Il interroge son universalité, concluant que si ses principes fondamentaux sont universels, leurs applications sont contingentes et dépendent de facteurs sociaux, culturels et technologiques. Il souligne la rareté d'une véritable science stratégique, souvent entravée par le secret, la politisation et la difficulté de modéliser un phénomène aussi complexe que la guerre. Ce chapitre est un plaidoyer pour une approche rigoureuse et méthodique de la stratégie comme discipline intellectuelle.
Chapitre IV – La stratégie en tant que méthode
Chapitre V – La stratégie en tant qu'art
Chapitre VI – La stratégie en tant que culture
LIVRE DEUXIÈME – LES STRATEGIES PARTICULIERES
Le Livre II sur les stratégies particulières examine les domaines maritimes et aériens, en thèse principale que ces stratégies conservent une autonomie relative par rapport à la stratégie générale tout en s'y articulant, avec une épistémologie propre marquée par un retard théorique sur la pratique, comme dans la stratégie maritime où la pensée navale émerge tardivement au XIXe siècle avec Mahan, qui argue dans The Influence of Sea Power upon History que la maîtrise des mers détermine la puissance des nations (section 345). Coutau-Bégarie argue pour une relecture critique des classiques, en utilisant des méthodes comme la géographique pour analyser les espaces océaniques, et il illustre par des exemples comme la bataille de Trafalgar où la manœuvre de Nelson combina choc et feu pour une victoire décisive, tout en soulignant les limites de la bataille navale dans les contextes de blocus ou de guerre sous-marine, comme durant les deux guerres mondiales où la course allemande mit en péril les communications alliées. Les problèmes contemporains incluent la dilatation de l'espace maritime par les avancées techniques, posant des enjeux comme la fin potentielle des flottes de surface face aux sous-marins et missiles, avec une classification des missions allant de la dissuasion nucléaire à la projection de forces. Pour la stratégie aérienne, l'auteur trace son émergence avec des pionniers comme Douhet, qui dans Il dominio dell'aria prône le bombardement stratégique comme moyen d'anéantissement rapide (section 404), argumentant pour une dialectique entre tactique aérienne et stratégie, exemplifiée par les opérations de la Seconde Guerre mondiale où le syndrome d'Hiroshima illustre les enjeux éthiques du bombardement massif, tandis que les limites résident dans le déclin théorique post-1945, relancé par des débats après la guerre du Golfe sur la paralysie stratégique via des frappes précises. Un enjeu majeur est l'intégration de l'air dans les opérations de surface, comme l'appui au sol ou le transport, où la maîtrise de l'air conditionne la victoire sans garantir une conclusion politique, comme vu au Vietnam.
LIVRE TROISIÈME – GÉOSTRATÉGIE
Le Livre III sur la géostratégie réaffirme la thèse que la géographie structure la stratégie en facteurs statiques comme le terrain et dynamiques comme les ressources, définissant la géostratégie comme une stratégie unifiée des grands espaces qui intègre topostratégie (étude des obstacles naturels comme les montagnes) et physiostratégie (impact des distances), avec des arguments tirés de Clausewitz qui voit le terrain comme un multiplicateur de forces (section 476, De la guerre, livre V). Des exemples incluent les fortifications comme obstacles défensifs, limitées par leur procès historique face aux innovations comme l'artillerie, et les enjeux contemporains portent sur la dilatation des espaces maritimes et aériens, où la mer agit comme obstacle relatif mais aussi comme voie de richesse, posant des problèmes juridiques avec le droit de la mer qui multiplie les conflits territoriaux. Pour l'espace, Coutau-Bégarie aborde sa militarisation avec des systèmes passifs comme l'observation satellite et actifs comme la défense antimissile, en soulignant les limites d'un milieu hostile et fragmenté qui rend la maîtrise incertaine, avec une citation prospective : « L'espace est la quatrième dimension de la stratégie, où la fragmentation politique complique l'homogénéité physique » (section 539). Globalement, le traité met en lumière les enjeux de la mutation systémique de la stratégie, de la dissuasion nucléaire à la révolution dans les affaires militaires (RMA), en critiquant l'impérialisme stratégique qui subordonne la politique, et il conclut sur l'irréductible spécificité de la stratégie face aux asymétries futures, en appelant à une prospective équilibrée entre continuités et ruptures.
Chapitre XV – Les facteurs de la géostratégie
Coutau-Bégarie définit la géostratégie comme l'étude de l'influence des facteurs spatiaux sur la stratégie. Il classe ces facteurs en deux groupes. Les facteurs statiques : la topostratégie (le relief, les obstacles naturels), la morphostratégie (la forme des territoires), la physiostratégie (les distances, les positions) et la météostratégie (le climat). Les facteurs dynamiques : les ressources, les voies de communication, les bases, les fortifications. Il conclut sur la dialectique entre l'espace, les forces et le temps.
Chapitre XVI – Géostratégie maritime
L'auteur étudie les spécificités de la mer comme milieu stratégique. Il décrit ses fonctions négatives (obstacle) et positives (voie de communication, source de richesse, théâtre d'opérations). Il analyse la dilatation de l'espace maritime avec l'évolution du droit de la mer et les conséquences stratégiques qui en découlent, ainsi que les caractéristiques uniques de la guerre sur mer (absence de front, importance des distances et de la météo).
Chapitre XVII – Géostratégie aérienne
Ce chapitre est consacré au milieu aérien, caractérisé par son homogénéité physique mais son compartimentage politique. Coutau-Bégarie examine le rôle unificateur de l'avion, qui lie la terre et la mer, et le particularisme de la guerre aérienne, avec le débat entre le bombardement stratégique et l'appui tactique.
Chapitre XVIII – Géostratégie spatiale
Le traité se clôt sur la nouvelle frontière qu'est l'espace. Coutau-Bégarie en présente les caractéristiques (milieu hostile, ouvert, fragmenté) et les fonctions stratégiques : systèmes passifs (observation, communication, alerte) et la problématique des systèmes actifs (militarisation, défense antimissile, potentiel de bataille spatiale). Il pose les bases de la réflexion sur ce domaine en devenir.
INTRODUCTION GÉNÉRALE – DÉFENSE ET ILLUSTRATION DE L’ENSEIGNEMENT DE LA STRATÉGIE
- Janus ou les deux faces de la stratégie : Dans cette première section, Coutau-Bégarie présente la stratégie sous une optique duale, à l'image du dieu romain Janus, aux deux visages. Il expose la stratégie comme étant à la fois un art, relevant de la pratique, de l'intuition et de la créativité du chef, et une science, construite sur l'étude, les principes et la rationalité. Cette bipolarité est essentielle pour comprendre la complexité de la discipline, qui ne peut être réduite ni à une simple technique, ni à une pure spéculation théorique. L'auteur soutient que l'enseignement de la stratégie doit prendre en compte cette ambivalence pour former des esprits capables d'agir et de penser le conflit.
- Stratégie pure et stratégie appliquée : L'auteur distingue ici la stratégie pure, qui se penche sur les concepts fondamentaux, les principes intemporels et les lois générales du conflit, de la stratégie appliquée, qui concerne la mise en œuvre concrète de ces concepts dans des situations particulières, avec leurs contraintes et leurs spécificités. La stratégie pure offre un cadre théorique solide, tandis que la stratégie appliquée impose l'adaptation et la contextualisation, démontrant que la théorie sans la pratique est vaine, et la pratique sans la théorie est aveugle.
- Stratégie méthodique et stratégie sublime : Cette section propose une autre paire de concepts pour qualifier les approches stratégiques. La stratégie méthodique découle d'une démarche rationnelle, systématique, tirant les leçons de l'expérience et de l'analyse, et s'appuyant sur des doctrines établies et des processus décisionnels structurés. Par contraste, la stratégie sublime, propre aux grands capitaines et aux génies militaires, transcende les règles et les méthodes pour créer des solutions inattendues et des manœuvres audacieuses, souvent perçues comme hors du commun. Cette dimension souligne l'importance du facteur humain, de l'audace et de l'originalité dans la conduite des opérations.
- Le stratège et le stratégiste : Une distinction fondamentale est établie entre le stratège, qui est l'acteur de terrain, celui qui commande et qui prend les décisions au cœur de l'action, et le stratégiste, qui est le penseur, l'analyste, le théoricien qui réfléchit sur la stratégie, en dégage les principes et en conceptualise les évolutions. Le stratège est confronté à l'incertitude et à la friction, tandis que le stratégiste opère dans un cadre plus serein, permettant une réflexion profonde et une systématisation des connaissances. « La stratégie est, à la fois, un art, en tant que pratique du stratège, et une science […], en tant que savoir du stratégiste. »
- La tradition stratégique française : Hervé Coutau-Bégarie met en lumière la richesse et les particularités de la pensée stratégique française, héritière de figures illustres et marquée par des événements historiques singuliers. Il s'agit de resituer la démarche de l'ouvrage dans un courant intellectuel national, de valoriser un patrimoine de pensée souvent méconnu et de souligner ses contributions spécifiques à l'élaboration de la théorie stratégique générale.
- Objet de la réflexion : L'auteur précise que son travail a pour objet de délimiter et de défendre le champ propre de la stratégie, alors que le concept tend à s'élargir de manière excessive, menaçant de le vider de son sens initial. Il s'agit de recentrer la stratégie sur son noyau dur, celui de l'organisation de la force à des fins politiques, et de résister à la tentation de l'appliquer « à n'importe quoi ».
- But du traité : Le but avoué de ce traité est d'offrir une réflexion panoramique et synthétique sur la stratégie générale, avant d'aborder les stratégies particulières et la géostratégie. L'ambition est de proposer un cadre de compréhension rigoureux et exhaustif, permettant de naviguer dans la complexité des phénomènes conflictuels.
- Domaine du traité : Cette section circonscrit le champ d'étude de l'ouvrage, qui s'étend de la stratégie militaire classique aux nouvelles formes de confrontation, incluant la géostratégie et les stratégies spécifiques aux différents milieux (terre, mer, air, espace). Le domaine est vaste, mais il est abordé avec le souci constant de maintenir la cohérence et l'unité fondamentale du concept stratégique.
- Plan du traité : L'auteur expose ici la structure de son œuvre, divisée en plusieurs livres et chapitres, guidant le lecteur à travers une progression logique, des concepts généraux aux applications spécifiques et aux dimensions géographiques de la stratégie.
LIVRE PREMIER – STRATÉGIE GÉNÉRALE
INTRODUCTION
- La guerre comme matrice de l’histoire : Cette introduction au premier livre pose une thèse forte selon laquelle la guerre n'est pas un phénomène marginal ou accidentel, mais une force structurante qui a profondément façonné le cours de l'histoire des sociétés humaines. Elle agit comme une matrice, produisant des transformations sociales, politiques, technologiques et culturelles, et se trouve à l'origine de nombreuses évolutions de l'État et de ses compétences.
- La guerre comme compétence légitime de l’État : Poursuivant la réflexion sur la guerre, l'auteur insiste sur le fait que la capacité à faire la guerre, et à contrôler l'usage de la violence légitime, demeure une prérogative essentielle et fondatrice de l'État. C'est cette compétence qui lui confère sa souveraineté et sa capacité à garantir la sécurité de ses citoyens, tant vis-à-vis des menaces externes qu'internes.
- La mutation contemporaine de la guerre : Hervé Coutau-Bégarie aborde ici les profondes transformations que connaît la guerre à l'époque contemporaine. Ces mutations affectent la nature des acteurs, la forme des conflits, les technologies employées et les finalités poursuivies. Elles conduisent à un élargissement du champ stratégique et à une complexification des dynamiques conflictuelles, remettant en question les cadres d'analyse traditionnels.
- La sécurité par le désarmement : Cette section explore une approche de la sécurité qui privilégie la réduction des armements, voire leur suppression, comme moyen d'éviter les conflits et de garantir la paix. L'auteur analyse les fondements et les limites de cette perspective, en la confrontant à la réalité des relations internationales et à la nature persistante du conflit.
- La sécurité par la défense : Par contraste avec le désarmement, cette partie examine l'option de la sécurité par la défense, c'est-à-dire par le maintien de capacités militaires robustes et dissuasives. C'est une stratégie qui repose sur la force, qu'elle soit utilisée ou menacée, pour protéger les intérêts de l'État et prévenir les agressions. L'auteur analyse les composantes d'une telle stratégie et ses implications.
- La sécurité sans défense ? : Cette question rhétorique interroge la possibilité d'une sécurité qui ne reposerait pas sur une capacité de défense, que ce soit par le désarmement unilatéral ou par la confiance dans des mécanismes supranationaux. L'auteur critique cette notion, la considérant comme une utopie risquée, et réaffirme la nécessité d'une défense crédible pour assurer la sécurité d'un État.
- Le spectre de la stratégie : Cette section conclut l'introduction en brossant un tableau vaste et complexe du champ d'application de la stratégie, de la guerre ouverte aux formes de compétition plus subtiles, en passant par la dissuasion et les conflits irréguliers. Le spectre de la stratégie est large, mais l'auteur s'attache à y déceler des invariants et une unité conceptuelle.
CHAPITRE IER – LA STRATÉGIE EN TANT QUE CONCEPT
- Étymologie de la stratégie : L'exploration commence par l'origine du terme « stratégie », issu du grec ancien strategia, désignant l'art du général, le commandement des armées. Cette démarche étymologique permet de saisir les premières acceptions du concept et de comprendre comment il s'est progressivement constitué et enrichi au fil des siècles.
SECTION I – LA CONSTITUTION DE LA STRATÉGIE
- La naissance de la stratégie chez les Anciens : Cette partie retrace les premières manifestations de la pensée stratégique dans l'Antiquité, en s'appuyant sur les récits historiques et les écrits des penseurs de l'époque. Elle met en lumière l'émergence de principes d'action et de raisonnements liés à la conduite de la guerre, notamment en Grèce et à Rome, où l'organisation militaire et les manœuvres prenaient une dimension stratégique.
- La stratégie chez les Chinois : Un regard est porté sur la tradition stratégique chinoise, avec une attention particulière portée à des œuvres majeures comme « L'Art de la guerre » de Sun Zi. L'auteur y cherche les spécificités de cette pensée, qui privilégie souvent la ruse, la manœuvre indirecte, la non-confrontation directe et la victoire sans combat, par opposition à la vision occidentale plus centrée sur l'affrontement décisif. Les thèses de Sun Zi sur la connaissance de soi et de l'ennemi, l'importance du renseignement et la capacité à s'adapter aux circonstances sont ici des exemples fondamentaux de cette approche.
- La renaissance de la stratégie au XVIIIe siècle : Après une période où l'art de la guerre est resté fragmenté, le XVIIIe siècle est présenté comme un moment clé de la renaissance de la réflexion stratégique en Europe. Cette période voit l'émergence de penseurs cherchant à théoriser et à rationaliser la conduite des opérations militaires, posant les bases de la stratégie moderne.
- L’art de la guerre au siècle des Lumières : Cette section approfondit l'étude de la pensée stratégique durant le siècle des Lumières, marqué par une volonté de systématisation et de formalisation. L'art de la guerre commence à être perçu comme une discipline intellectuelle, au-delà de la simple pratique, avec l'élaboration de traités et de doctrines.
- Le modèle prussien : Le modèle militaire prussien, symbolisé par Frédéric II, est analysé comme un exemple prépondérant dans la constitution de la stratégie moderne. Sa discipline, son organisation et ses succès militaires ont exercé une forte prépondérance sur la pensée stratégique européenne, en montrant l'efficacité d'une approche rigoureuse et centralisée.
- La généralisation du modèle : L'auteur examine comment le modèle prussien et les idées stratégiques du XVIIIe siècle se sont diffusés et ont été adoptés ou adaptés par d'autres nations européennes, contribuant à une standardisation progressive de la pensée et de la pratique militaire.
- Premier essai de définition : la stratégie comme art du commandement : Un premier jalon est posé dans la définition de la stratégie, la présentant comme l'art du commandement. Cette perspective met en évidence le rôle central du chef militaire, ses qualités de décision, de vision et d'exécution dans la direction des forces pour atteindre un objectif politique. Nous verrons plus loin que la stratégie est la « dialectique des volontés et des intelligences utilisant la force pour régler leur conflit » (repris dans le Bréviaire stratégique).
SECTION II – L’EXTENSION DE LA STRATÉGIE
- Première extension : la permanence de la stratégie : Cette section défend l'idée que la stratégie n'est pas un phénomène lié à une époque ou à une technologie spécifique, mais qu'elle est une constante de l'activité humaine dès lors qu'il y a conflit. La stratégie est permanente, elle traverse les âges et les cultures, ses principes fondamentaux demeurant valides même si ses formes se transforment.
- Deuxième extension : les stratégies non militaires : L'auteur observe une tendance à l'extension du concept de stratégie à des domaines au-delà du militaire, comme la stratégie d'entreprise, la stratégie politique, la stratégie économique ou même la stratégie personnelle. Il analyse les mécanismes de cette extension et en interroge la légitimité.
- Troisième extension : la généralisation de la stratégie : Cette généralisation conduit à l'application du terme « stratégie » à des contextes de plus en plus divers et parfois éloignés de toute forme de conflit armé. Cette section examine les implications de cette diffusion terminologique.
- La confusion des concepts : Hervé Coutau-Bégarie met en garde contre la confusion que cette généralisation peut entraîner, estompant les spécificités de la stratégie militaire et risquant de la dénaturer. Il insiste sur la nécessité de maintenir une clarté conceptuelle pour que la stratégie ne perde pas son acuité et sa pertinence.
SECTION III – L’ESSENCE DE LA STRATÉGIE
- Deuxième essai de définition : la stratégie comme dialectique : Ici, l'auteur propose une définition plus aboutie de l'essence de la stratégie, la caractérisant comme une dialectique. Cette définition souligne l'interaction dynamique, l'échange et la confrontation intellectuelle entre des volontés adverses.
- Dialectique des intelligences : La stratégie est d'abord une « dialectique des intelligences », où chaque acteur cherche à anticiper, tromper et contrecarrer les intentions de l'autre. C'est une confrontation mentale avant d'être physique, un jeu d'esprit où la ruse et l'analyse des intentions ennemies sont primordiales.
- L’ennemi comme constituant de la relation stratégique : Une idée fondamentale est développée : l'ennemi n'est pas un simple obstacle, mais un constituant essentiel de la relation stratégique. C'est par la prise en compte de l'adversaire, de ses capacités, de ses motivations et de ses réactions, que la stratégie prend sens. La stratégie est une interaction réciproque.
- Dans un milieu conflictuel : La stratégie s'exerce intrinsèquement dans un « milieu conflictuel », c'est-à-dire un contexte où des intérêts opposés entraînent une confrontation, potentiellement violente. Ce milieu se distingue d'autres cadres d'interaction sociale par la possibilité du recours à la force.
- Les lois d’action réciproque de Clausewitz : L'auteur mobilise les fameuses « lois d'action réciproque » de Clausewitz pour étayer sa définition. Ces lois décrivent l'escalade, la friction, l'incertitude et les interactions complexes qui caractérisent le conflit armé, montrant que l'action d'un belligérant est constamment affectée par celle de son adversaire. Friction: ensemble des résistances et aléas qui grippent l’action rationnelle en guerre (hasard, erreurs, fatigue, terrain, météo), notion clausewitzienne cardinale rappelée dès l’« Introduction générale ».
- Théorie du conflit et théorie des jeux : La stratégie est confrontée ici à la théorie du conflit et à la théorie des jeux, des cadres d'analyse qui formalisent les interactions entre agents rationnels dans des situations de confrontation ou de coopération. L'auteur en explore les convergences et les divergences avec la pensée stratégique classique, notamment en ce qui concerne la rationalité des acteurs et la prédiction des résultats.
- Différence avec l’économie : Une distinction nette est opérée entre la stratégie et l'économie. Tandis que l'économie vise généralement à maximiser le gain dans un jeu à somme positive, la stratégie se déroule souvent dans un jeu à somme nulle ou négative, où la victoire de l'un implique la défaite de l'autre, et où la destruction peut être un objectif. Les critères de succès sont foncièrement différents.
- Stratégie militaire et stratégie d’entreprise : La comparaison se poursuit avec la stratégie d'entreprise. Bien qu'il puisse y avoir des analogies superficielles, l'auteur insiste sur les différences fondamentales. La stratégie militaire opère dans un cadre où la vie est en jeu, où la violence est une option, et où l'ennemi est une entité hostile, alors que la stratégie d'entreprise évolue dans un cadre concurrentiel, réglementé, où les acteurs visent le profit et la croissance.
- Fondée sur la force : Un aspect essentiel de la définition est que la stratégie est « fondée sur la force », qu'il s'agisse de son usage effectif, de sa menace ou de sa perception. La capacité à mobiliser, à projeter ou à dissuader par la force est au cœur de toute démarche stratégique.
- Différence avec le droit : La stratégie est également distinguée du droit. Le droit vise à établir des normes, des règles et une justice, tandis que la stratégie se préoccupe de l'efficacité et de l'atteinte d'objectifs politiques par des moyens qui peuvent parfois déroger aux principes juridiques, même si le droit de la guerre tente d'encadrer son exercice.
- À des fins politiques : Une thèse clausewitzienne majeure est réaffirmée : la stratégie est toujours menée « à des fins politiques ». Elle est subordonnée au politique, c'est l'instrument par lequel l'État cherche à réaliser ses objectifs. La guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens, et la stratégie est l'art de concevoir et de mettre en œuvre ces moyens pour atteindre ces buts politiques.
- Différence avec la diplomatie : La stratégie diffère de la diplomatie. La diplomatie cherche à résoudre les conflits par la négociation, le compromis et les accords, en évitant le recours à la force. La stratégie, si elle peut soutenir la diplomatie, implique l'option de la violence et la contrainte pour obtenir un résultat politique.
- Pertinence de la stratégie classique : Malgré les mutations contemporaines, l'auteur défend la « pertinence de la stratégie classique ». Il argumente que les principes fondamentaux élaborés par les penseurs historiques restent valables pour analyser et comprendre les conflits actuels, même si les formes et les technologies évoluent.
SECTION IV – L’ÉPISTÉMOLOGIE DE LA STRATÉGIE
- Guerre et stratégie : Cette section explore le lien indissoluble entre guerre et stratégie. La guerre est le domaine privilégié où la stratégie s'exprime pleinement, mais la stratégie peut s'exercer en temps de paix comme en temps de guerre, notamment par la dissuasion. Il s'agit de comprendre leur interaction et leur interdépendance.
- Unité de la stratégie : Malgré la diversité de ses applications et de ses milieux, l'auteur défend une « unité de la stratégie ». Il existe un noyau dur de principes et de logiques qui traversent toutes les formes de stratégie, garantissant sa cohérence conceptuelle et sa transférabilité.
- Logique de la stratégie : Il s'agit ici de décortiquer la « logique de la stratégie », c'est-à-dire l'ensemble des raisonnements et des enchaînements causaux qui président à l'élaboration et à la mise en œuvre des actions stratégiques. Cette logique est souvent dialectique et complexe, confrontée à l'incertitude et à la rationalité de l'adversaire.
- Dimension psychologique de la stratégie : L'auteur met en avant la « dimension psychologique de la stratégie ». Au-delà des calculs de forces et des manœuvres techniques, la stratégie s'adresse aux volontés, aux peurs et aux perceptions des acteurs. La capacité à briser la volonté de l'ennemi ou à maintenir le moral de ses propres troupes est une composante essentielle de la réussite stratégique.
- Dualisme de la stratégie : Ce dualisme, déjà évoqué avec Janus, est réaffirmé comme une caractéristique fondamentale de la stratégie. C'est à la fois un savoir et un faire, une science et un art, une affaire de principes et une affaire d'opportunité, nécessitant une constante tension entre la théorie et la pratique.
CHAPITRE II – LA STRATÉGIE EN TANT QUE CATÉGORIE DU CONFLIT
- Utilité d’une classification : Ce chapitre débute en justifiant l'importance d'une classification des concepts stratégiques. Dans un champ d'étude aussi vaste et complexe, une typologie claire est indispensable pour structurer la pensée, éviter les confusions et permettre une analyse précise des différents niveaux d'action.
SECTION I – LA TRILOGIE CLASSIQUE
- La formation de la trilogie : L'auteur examine l'émergence et la consolidation de la trilogie classique qui structure la pensée stratégique : politique, stratégie et tactique. Cette hiérarchie des concepts, conceptualisée notamment par Clausewitz, permet de distinguer les niveaux de décision et d'action dans le conflit.
- La politique fixe les buts de la guerre : Au sommet de la trilogie se trouve la politique, qui est la sphère où sont définis les buts ultimes de la guerre. La guerre est un instrument politique et n'a de sens que si elle sert les objectifs de l'État. C'est le politique qui donne sa finalité à l'action militaire.
- La stratégie définit et met en œuvre les moyens d’obtenir la victoire dans la guerre : La stratégie, située entre le politique et la tactique, est l'art de concevoir et de mettre en œuvre l'ensemble des moyens pour atteindre les objectifs politiques fixés par le pouvoir civil. Elle concerne la conduite de la guerre dans son ensemble, la planification des campagnes, le déploiement des forces et l'exploitation des succès.
- La tactique met en œuvre les moyens au combat en vue de la victoire dans la bataille : La tactique se situe au niveau le plus opérationnel, celui du champ de bataille. Elle est l'art de disposer et de manœuvrer les forces au contact de l'ennemi pour remporter la victoire dans une bataille ou un engagement spécifique. Elle est subordonnée à la stratégie et en met en œuvre les décisions. Tactique: niveau d’emploi des moyens dans la bataille; à distinguer du combat comme fait brut et de la stratégie comme art de gagner la guerre.
- La tactique doit être distinguée du combat : L'auteur précise que la tactique, bien que directement liée au combat, doit en être distinguée. La tactique est l'art de commander dans le combat, tandis que le combat lui-même est l'action physique, l'affrontement des forces.
- Une dimension subordonnée : la logistique : La logistique est présentée comme une dimension subordonnée, mais essentielle, de la guerre. Elle concerne l'approvisionnement, le transport, l'entretien des troupes et du matériel, garantissant ainsi la capacité des forces à combattre. Sans une logistique efficace, ni la stratégie ni la tactique ne peuvent réussir.
- Une dimension avortée : l’organique : L'organique, qui concerne l'organisation et la structure des forces armées, est identifiée comme une dimension potentiellement importante mais souvent « avortée » ou insuffisamment développée dans la théorie stratégique. Elle est pourtant déterminante pour la capacité d'une armée à combattre.
SECTION II – LE DÉMEMBREMENT DE LA STRATÉGIE AU XXe SIÈCLE
- L’élévation de la stratégie : Le XXe siècle voit une « élévation de la stratégie », avec l'apparition de nouveaux niveaux et de nouvelles dénominations qui complexifient la trilogie classique. Cette élévation reflète la portée croissante et l'interconnexion des actions militaires avec d'autres domaines.
- Grande stratégie, stratégie générale, stratégie opérationnelle : L'auteur analyse l'émergence de ces catégories. La « grande stratégie » (ou stratégie globale) englobe l'ensemble des ressources nationales (politiques, économiques, militaires, psychologiques) pour atteindre les objectifs de l'État. La « stratégie générale » est le niveau supérieur de la stratégie militaire, qui planifie et conduit les campagnes. La « stratégie opérationnelle » est un niveau intermédiaire entre la stratégie générale et la tactique, organisant des opérations majeures sur un théâtre donné.
- Opératique : Le concept d'« opératique » est développé comme un niveau des opérations et des campagnes reliant tactique et stratégie, où l’on conçoit et coordonne les batailles pour atteindre un objectif stratégique; notion entérinée au XXe siècle.
- Tactique : La tactique, bien que maintenue à son niveau d'action spécifique, voit son rôle évoluer et ses liens avec les niveaux supérieurs se renforcer avec l'évolution des doctrines et des technologies.
SECTION III – L’ARTICULATION DES NIVEAUX
- Politique et stratégie : Cette section revient sur l'articulation fondamentale entre politique et stratégie, réaffirmant la primauté du politique. La stratégie doit toujours être au service des objectifs politiques et ne doit jamais devenir une fin en soi.
- Stratégie et tactique : L'articulation entre stratégie et tactique est analysée, soulignant que la tactique met en œuvre les décisions stratégiques et que les succès tactiques doivent s'inscrire dans une vision stratégique pour avoir un sens.
- Stratégie-opératique-tactique : La chaîne hiérarchique complète est examinée, de la stratégie à la tactique en passant par l'opératique, pour montrer comment les décisions se déploient et s'exécutent à différents niveaux d'action.
- Relativisme des catégories : L'auteur met en évidence le « relativisme des catégories ». Ce qui est stratégique à un certain niveau peut être tactique à un niveau supérieur, et inversement. La distinction n'est pas absolue mais dépend du point de vue et de l'échelle d'analyse.
- Interpénétration croissante des catégories : Enfin, il est observé une « interpénétration croissante des catégories » à l'époque contemporaine. Les frontières entre politique, stratégie, opératique et tactique tendent à s'estomper, particulièrement avec l'accélération de l'information et des cycles décisionnels.
CHAPITRE III – LA STRATÉGIE EN TANT QUE SCIENCE
- Le champ de la science stratégique : définir la stratégie comme une science nous fait explorer son champ d'étude, ses méthodes et ses objectifs. La science stratégique vise à comprendre les lois du conflit, à identifier les principes d'action efficaces et à conceptualiser les phénomènes liés à la guerre et à la sécurité.
- Science militaire et science stratégique : on peut distinguer la science militaire, qui est plus large et englobe l'ensemble des connaissances techniques et organisationnelles relatives aux forces armées, de la science stratégique, qui se concentre spécifiquement sur la conduite des hostilités à un niveau global et sur l'interaction des volontés.
- Universalité de la science stratégique ? : la question de l'« universalité de la science stratégique » est posée, interrogeant si les principes stratégiques sont valables en tout temps et en tout lieu, ou s'ils sont influencés par des contextes culturels, historiques ou technologiques spécifiques.
- Les déterminants sociaux de la science stratégique : il est reconnu que la science stratégique n'est pas exempte de « déterminants sociaux », en effet les conceptions de la guerre et de la stratégie sont façonnées par les valeurs, les institutions et les structures sociales des époques et des sociétés.
- Rareté de la science stratégique : L'auteur observe la « rareté de la science stratégique » au fil de l'histoire. Les périodes de production théorique majeure sont souvent isolées, et la pensée stratégique est parfois restée l'apanage d'un petit nombre d'individus ou d'écoles.
- Difficulté de connaître la science stratégique : Il s'agit de préparer le lecteur aux défis de l'étude de cette discipline à travers son caractère multidimensionnel, la complexité des facteurs en jeu (politiques, militaires, économiques, sociaux), le secret qui entoure souvent les décisions stratégiques, la difficulté d'accéder aux sources primaires ou de distinguer la théorie de la pratique, et la tendance à la rétrospection qui déforme l'analyse mais aussi parce que épistémologiquement la stratégie est un art plus qu'une science. « La stratégie est, à la fois, un art […] et une science (au sens très large) »; « Foch disait: “Il faut savoir beaucoup pour pouvoir un peu.” » (préface, p.30).
SECTION I – LA PENSÉE STRATÉGIQUE ASIATIQUE Cette section majeure du traité est consacrée aux apports des civilisations asiatiques à la pensée stratégique, reconnaissant l'existence de traditions intellectuelles riches et distinctes de celles de l'Occident.
SOUS-SECTION I – LA PENSÉE CHINOISE Cette sous-section explore spécifiquement l'une des traditions stratégiques les plus anciennes et les plus influentes du monde : celle de la Chine.
- Une stratégothèque perdue : Ce chapitre évoque la perte potentielle ou la difficulté d'accès à une partie des écrits stratégiques chinois au cours de l'histoire, due aux vicissitudes politiques, aux destructions ou à la rareté des manuscrits. Il suggère que notre connaissance de cette pensée pourrait être fragmentaire, ce qui rend d'autant plus précieux les textes qui nous sont parvenus.
- Les fondateurs : Sun Zi et Sun Bin : L'auteur se concentre ici sur les figures emblématiques de la pensée stratégique chinoise : Sun Zi (Souen Tseu), l'auteur putatif de l'Art de la Guerre, et Sun Bin, son descendant ou homonyme, dont les écrits complètent et précisent souvent la doctrine du premier. Il analyse leurs principes fondamentaux comme la ruse, la connaissance de soi et de l'ennemi, l'importance de l'économie des forces, la guerre psychologique et la supériorité de la victoire sans combat.
- La formation d’une pensée stratégique : Ce point décrit le processus historique et culturel par lequel la pensée stratégique chinoise s'est structurée, influencée par le confucianisme, le taoïsme et le légisme, ainsi que par les périodes de guerres intenses et de fragmentation de l'empire (période des Royaumes Combattants). Il examine comment ces influences ont façonné une approche distinctive de la guerre et de la gouvernance.
- La sclérose de la pensée chinoise : L'auteur aborde une période où la pensée stratégique chinoise aurait connu une stagnation ou un appauvrissement, peut-être dû à la centralisation impériale, à l'absence de rivaux équivalents pendant de longues périodes, ou à une vénération excessive des classiques qui aurait freiné l'innovation et l'adaptation.
- La pensée stratégique chinoise et l’Occident : Cette section analyse les interactions, les influences réciproques ou, plus souvent, l'absence de véritable dialogue entre la pensée stratégique chinoise et celle de l'Occident, jusqu'à leur redécouverte et leur étude mutuelle à l'époque moderne et contemporaine. Elle explore comment les concepts chinois ont été perçus et interprétés par les stratèges occidentaux.
SOUS-SECTION II – LES PENSEES PÉRIPHÉRIQUES Cette sous-section élargit l'horizon au-delà de la Chine pour inclure d'autres traditions stratégiques asiatiques, souvent influencées par la Chine mais ayant développé leurs propres spécificités.
- La pensée stratégique japonaise : L'auteur examine les particularités de la pensée stratégique japonaise, marquée par le bushido, l'honneur, la discipline, mais aussi une capacité à l'adaptation et à l'innovation, notamment à travers des figures comme Miyamoto Musashi ou les stratégies navales.
- La pensée stratégique coréenne : Ce point explore la pensée stratégique développée en Corée, souvent sous la menace de puissances voisines (Chine, Japon), ce qui a favorisé des stratégies défensives, l'ingéniosité technologique (comme les navires tortues) et la diplomatie.
- La pensée stratégique vietnamienne : La pensée stratégique vietnamienne est analysée à travers sa longue histoire de résistance contre des envahisseurs plus puissants, développant des doctrines de guerre populaire, de guérilla et d'usure, avec des figures emblématiques comme Hô Chi Minh et Vo Nguyên Giap.
- Un traité siamois : Ce point fait probablement référence à un ou plusieurs textes stratégiques issus du royaume de Siam (Thaïlande), soulignant l'existence de réflexions stratégiques indépendantes même dans des régions moins étudiées par l'historiographie occidentale.
- La pensée stratégique indienne : L'auteur se penche sur la riche tradition stratégique indienne, notamment à travers l'Arthashastra de Kautilya, qui aborde la gouvernance, l'espionnage, la guerre et les relations diplomatiques avec une perspective réaliste et pragmatique.
SECTION II – LA PENSÉE STRATÉGIQUE OCCIDENTALE ANCIENNE Cette section marque un pivot vers les racines de la pensée stratégique occidentale, en commençant par l'Antiquité.
- Tacticiens et stratégistes grecs : L'auteur y analyse les contributions des Grecs anciens à l'art militaire, depuis les formations tactiques (phalange hoplite) jusqu'aux réflexions sur la guerre dans les œuvres d'historiens comme Thucydide (Guerre du Péloponnèse), soulignant l'émergence d'une pensée sur la conduite des conflits à un niveau supérieur à la simple bataille.
- L’approche pragmatique des Romains : Ce point met en lumière l'originalité de l'approche romaine, axée sur l'organisation militaire, la logistique, la construction d'infrastructures et la capacité à soutenir un effort de guerre prolongé, illustrant une forme de stratégie pragmatique visant la domination et la consolidation de l'empire.
- La pensée byzantine : L'auteur explore la pensée stratégique de l'Empire byzantin, héritier de Rome et confronté à des menaces multiples. Cette pensée se caractérise par la prudence, la ruse, la diplomatie, l'ingéniosité tactique et une doctrine militaire sophistiquée, souvent consignée dans des traités (comme le Strategikon de Maurice).
- Fragments musulmans : Cette section évoque les apports des penseurs et chefs militaires du monde musulman médiéval, qui ont développé des doctrines militaires, des techniques de siège et des stratégies adaptées à l'expansion de l'Islam, souvent influencées par des héritages antiques mais avec des innovations propres.
- Traces arméniennes : L'auteur souligne l'existence de réflexions stratégiques dans la tradition arménienne, un peuple souvent en position de carrefour et de défense face à des empires rivaux, ce qui a probablement forgé une pensée axée sur la résilience et la survie.
- L’héritage des Anciens : Ce point conclut la section en synthétisant l'héritage laissé par la pensée stratégique antique, qu'elle soit grecque, romaine ou orientale, et comment ces fondations ont influencé les développements ultérieurs de la stratégie en Occident.
SECTION III – LA PENSÉE STRATÉGIQUE EUROPÉENNE MODERNE Cette section majeure se consacre à la renaissance et à l'évolution de la pensée stratégique en Europe après la période médiévale.
- L’éclipse médiévale : L'auteur y décrit une période d'« éclipse » de la pensée stratégique théorique durant le Moyen Âge en Europe, où l'accent était davantage mis sur la tactique des batailles chevaleresques, les sièges et la guerre féodale, sans une réflexion systématique et conceptuelle sur la stratégie à un niveau politique.
SOUS-SECTION I – LA MATURATION DU XVIe SIÈCLE Le XVIe siècle est présenté comme une période clé de maturation, où la stratégie commence à retrouver ses lettres de noblesse intellectuelles.
- Penseurs espagnols et italiens : Ce point met en avant les contributions des penseurs de ces deux nations, à l'avant-garde des développements militaires et politiques de l'époque. L'Italie, fragmentée en cités-États, fut un laboratoire de la diplomatie et de la ruse, tandis que l'Espagne, puissance impériale, développa une réflexion sur la guerre de grande envergure.
- Machiavel tacticien et stratégiste : L'auteur analyse le rôle central de Nicolas Machiavel, non seulement comme théoricien politique majeur (Le Prince), mais aussi comme un penseur de la guerre, de la tactique (L'Art de la Guerre) et des liens intrinsèques entre la politique et la force militaire. Il est perçu comme l'un des premiers à articuler une vision stratégique moderne.
- Penseurs anglais et français : Cette section explore les réflexions stratégiques émergentes en Angleterre et en France, nations en construction étatique et en compétition pour l'hégémonie, où la guerre devient un instrument central de la politique royale.
- Penseurs allemands : L'auteur examine les apports des penseurs allemands, dans un contexte de fragmentation et de tensions religieuses (Réforme), où la guerre et les alliances deviennent des sujets de réflexion cruciaux.
- Bilan du XVIe siècle : Ce point synthétise les grandes avancées du XVIe siècle, caractérisé par l'émergence de l'État moderne, l'usage des armes à feu, et une première tentative de théorisation de la guerre au-delà de la seule tactique, posant les bases de la pensée stratégique européenne.
SOUS-SECTION II – LE XVIIe SIÈCLE Le XVIIe siècle est dépeint comme une période riche mais encore en attente de pleine reconnaissance dans l'histoire de la stratégie.
- Un siècle à découvrir : Ce titre suggère que le XVIIe siècle est souvent sous-estimé ou mal compris dans l'histoire de la pensée stratégique, et qu'il recèle pourtant des développements importants méritant une étude approfondie.
- La montée de l’Europe du Nord : L'auteur analyse comment des puissances comme la Suède (Gustave II Adolphe) et les Provinces-Unies (Maurice de Nassau) ont innové militairement et stratégiquement, bouleversant l'équilibre des forces et inspirant de nouvelles doctrines.
- Un déclin de l’Europe du Sud ? : Ce point questionne un éventuel relatif déclin des puissances d'Europe du Sud (Espagne, Italie) en termes d'innovation stratégique, après leur primauté du siècle précédent, face à la montée des nations du Nord.
- La pensée militaire française : La France sous Louis XIII et Louis XIV est un acteur majeur, et cette section se penche sur le développement de sa pensée militaire, notamment à travers l'organisation de l'armée, la guerre de siège (Vauban) et l'élaboration de stratégies visant l'hégémonie continentale.
- L’âge d’or des ingénieurs : Le XVIIe siècle est caractérisé par l'importance croissante des ingénieurs militaires, qui transforment la guerre de siège et la construction de fortifications, intégrant des calculs scientifiques et des principes rationnels à l'art de la guerre.
- Montecucculi, premier stratégiste : L'auteur présente Raimondo Montecucculi, général impérial, comme un précurseur majeur, voire le « premier stratégiste » au sens moderne, grâce à ses écrits qui lient la guerre à la politique de manière systématique et qui abordent la conduite des opérations à un niveau supérieur à la tactique.
- La stagnation de la réflexion à la fin du XVIIe siècle : Malgré les avancées, ce point suggère une certaine « stagnation » de la réflexion stratégique pure vers la fin du siècle, la guerre de siège et la logistique occupant une place prépondérante et la théorie peinant à dégager des principes généraux.
SOUS-SECTION III – LE XVIIIe SIÈCLE Le XVIIIe siècle est la période où la pensée stratégique s'affirme et où la dimension stratégique est de plus en plus théorisée.
- Le débat tactique en France : de la colonne à l’ordre oblique : Ce point décrit les évolutions et les controverses tactiques au sein de l'armée française, notamment les avantages et inconvénients de la colonne d'attaque par rapport à l'ordre oblique prôné par Frédéric le Grand, des débats qui influencèrent la manière de concevoir la bataille.
- L’apparition de la dimension stratégique en France : C'est au XVIIIe siècle que la France, sous l'influence des philosophes des Lumières et de ses expériences militaires, voit la « dimension stratégique » émerger plus clairement comme un champ de réflexion distinct de la tactique, liant les opérations militaires aux objectifs politiques nationaux.
- Guibert : Jacques-Antoine-Hippolyte de Guibert est un acteur central, dont les écrits (Essai général de tactique) sont étudiés. Il est présenté comme un théoricien majeur qui a anticipé de nombreuses réformes militaires et une vision plus politique de la guerre.
- Le rayonnement français : L'auteur souligne l'influence prépondérante de la pensée militaire française en Europe durant ce siècle, ses idées se diffusant largement grâce à la langue française et à la renommée de son armée.
- Les écrivains allemands et autrichiens : Malgré le rayonnement français, des penseurs allemands et autrichiens continuent d'apporter leurs contributions, souvent en réaction ou en dialogue avec les idées françaises, parfois en insistant sur des spécificités liées à leur géographie ou leur culture militaire (ex: Frédéric le Grand).
- L’école italienne : Ce point examine les apports de l'école italienne, qui, malgré la fragmentation politique de la péninsule, continue de produire des réflexions sur l'art de la guerre et la diplomatie.
- L’école espagnole : L'auteur analyse la pensée stratégique espagnole, qui, après les fastes de l'empire, se concentre sur la défense de son territoire et de son empire colonial.
- La production britannique : La contribution britannique est étudiée, souvent axée sur la puissance maritime, le commerce et l'équilibre des puissances, avec une forte composante navale dans sa pensée stratégique.
- Et les autres : Cette section élargit le panorama à d'autres nations européennes, montrant la diffusion et la diversité des réflexions stratégiques à travers le continent.
- La victoire du rationalisme : Le XVIIIe siècle est caractérisé par la « victoire du rationalisme » dans la pensée stratégique, où la guerre est de plus en plus envisagée comme une science, soumise à des principes logiques et à des calculs, influencée par l'esprit des Lumières.
SECTION IV – LA PENSÉE STRATÉGIQUE CONTEMPORAINE Cette section majeure aborde la période charnière des révolutions et des guerres napoléoniennes, qui vont profondément transformer la stratégie.
- La transition 1789-1815 : Ce point analyse la période révolutionnaire et impériale, une ère de ruptures où la guerre change de nature (guerre de masse, guerre nationale, levée en masse), forçant une réévaluation complète des doctrines et des pratiques stratégiques.
- Bülow et l’archiduc Charles : L'auteur présente des figures importantes de cette transition, comme Heinrich Dietrich von Bülow, qui théorise la guerre d'opérations et la géométrie de la guerre, et l'archiduc Charles d'Autriche, qui, malgré ses défaites face à Napoléon, fut un réformateur et un penseur militaire important, notamment sur la défense et l'organisation militaire.
SOUS-SECTION I – LES PÈRES FONDATEURS Cette sous-section est consacrée aux deux géants de la pensée stratégique moderne, Jomini et Clausewitz, qui ont structuré une grande partie de la réflexion ultérieure.
- Jomini : Antoine de Jomini est présenté comme le théoricien de la « ligne des opérations », des points décisifs et des principes éternels de la guerre. Son œuvre est caractérisée par une approche systématique, normative et déductive, visant à dégager des règles universelles.
- La gloire de Jomini : L'auteur explique l'immense popularité et l'influence de Jomini, notamment dans les académies militaires du XIXe siècle, sa clarté et sa praticité le rendant très accessible et enseigné.
- Clausewitz : Carl von Clausewitz est étudié en tant qu'auteur de De la Guerre, œuvre monumentale et plus complexe. L'auteur y aborde la célèbre formule du « la guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens », le concept de frottement, de brouillard de guerre, de génie militaire, et sa vision dialectique de la guerre.
- Clausewitziens et néo-clausewitziens : Ce point explore la postérité de Clausewitz, les différentes interprétations de sa pensée (parfois réductrices), et l'émergence de « néo-clausewitziens » qui cherchent à actualiser et à adapter ses concepts aux conflits contemporains.
- Jomini et Clausewitz : Une comparaison essentielle des deux penseurs est établie, soulignant leurs divergences et convergences. Jomini est souvent perçu comme le normatif et le praticien, Clausewitz comme le philosophe et le conceptuel, leurs œuvres se complétant ou s'opposant selon les écoles de pensée.
SOUS-SECTION II – LE PREMIER XIXe SIÈCLE Cette sous-section explore la période qui suit les guerres napoléoniennes, où la pensée stratégique se diffuse et se diversifie en Europe.
- Un arrière-plan foisonnant : L'auteur souligne la richesse et la diversité des productions intellectuelles militaires après Napoléon, influencées par les récentes expériences de guerre et la nécessité de tirer des leçons pour l'avenir.
- L’école allemande : L'école allemande est particulièrement mise en lumière, héritière de Clausewitz, et qui développe une pensée stratégique rigoureuse, notamment au sein de l'état-major prussien.
- L’école italienne : Les contributions des penseurs italiens sont analysées dans le contexte de l'unification de l'Italie et de la recherche d'une identité militaire nationale.
- La décadence espagnole : Ce point évoque un relatif déclin de la pensée stratégique espagnole, après la perte de son empire et les conflits internes.
- L’inconnue portugaise : L'auteur attire l'attention sur une pensée stratégique portugaise moins connue, mais qui a dû s'adapter aux défis coloniaux et à la défense du territoire.
- L’école russe : La pensée stratégique russe est étudiée, marquée par l'immensité de son territoire, le rôle de l'hiver et la tradition de la guerre défensive et de la contre-offensive en profondeur.
- L’absence britannique : Ce point interroge une apparente « absence » de théorisation stratégique systématique en Grande-Bretagne, souvent plus préoccupée par sa puissance maritime et son empire colonial, mais moins par la doctrine militaire terrestre théorique.
- L’école française : L'école française est analysée, après la chute de Napoléon, entre héritage de l'Empire et nécessité de se renouveler, avec des débats sur la tactique, la logistique et l'organisation de l'armée.
- Un mouvement polycentrique : L'ensemble de cette période est caractérisé comme un « mouvement polycentrique », où la pensée stratégique se développe dans de multiples nations européennes, chacune avec ses spécificités.
- La diffusion hors d’Europe : L'auteur examine comment les idées stratégiques européennes commencent à se diffuser et à être adaptées dans d'autres parties du monde, notamment aux États-Unis et au Japon.
SOUS-SECTION III – LA BELLE ÉPOQUE Cette sous-section couvre la fin du XIXe siècle et le début du XXe, une période de transformations profondes avant la Première Guerre mondiale.
- L’institutionnalisation de la science militaire : L'auteur décrit la période de la Belle Époque comme celle de l'« institutionnalisation de la science militaire », avec la création d'académies de guerre, d'états-majors généraux, et une tentative de rationaliser et de professionnaliser la pensée stratégique.
- Le primat de la tactique : Malgré cette institutionnalisation, un « primat de la tactique » est souvent observé, où l'attention se concentre sur les innovations techniques et les manœuvres de bataille plutôt que sur une vision stratégique plus large.
- La redécouverte de la stratégie : Ce point suggère qu'une « redécouverte de la stratégie » a lieu vers la fin du XIXe siècle, les stratèges prenant conscience de la nécessité de lier la guerre à des objectifs politiques supérieurs, souvent sous l'influence de la relecture de Clausewitz.
- Un appauvrissement théorique : Malgré les efforts, l'auteur pointe un certain « appauvrissement théorique », où la réflexion manque parfois de profondeur conceptuelle, se contentant de doctrines rigides ou d'applications mécaniques de principes.
- La recherche de stratégies nationales : Les différentes nations européennes cherchent à cette époque à définir des « stratégies nationales » distinctes, adaptées à leurs intérêts géopolitiques, leurs ressources et leurs perceptions des menaces.
- L’hégémonie de la science stratégique allemande : L'auteur met en évidence la domination intellectuelle de la « science stratégique allemande », notamment celle de l'état-major prussien (Moltke l'Ancien), dont l'organisation et les doctrines sont vues comme un modèle par de nombreuses armées.
- L’idéologie de l’offensive : Ce point aborde l'émergence et la prégnance de l'« idéologie de l'offensive » dans la plupart des armées européennes à la veille de la Première Guerre mondiale, une doctrine qui prônait l'attaque à outrance et la recherche de la bataille décisive, malgré les évolutions technologiques défavorables.
SOUS-SECTION IV – LE XXe SIÈCLE Cette sous-section plonge dans les bouleversements majeurs de la pensée stratégique engendrés par les deux guerres mondiales et leurs conséquences.
- La page blanche de la première guerre mondiale : L'auteur décrit la Première Guerre mondiale comme une « page blanche » pour les doctrines stratégiques préexistantes, qui se révèlent inadaptées à la réalité d'une guerre industrielle de tranchées, d'usure et de fronts statiques. La théorie est en retard sur la pratique.
- Polémiques et réflexions critiques dans les années 1920 : L'entre-deux-guerres est une période de vives « polémiques et réflexions critiques », où les stratèges tentent de comprendre les leçons du conflit passé et d'anticiper les guerres futures, donnant lieu à des débats intenses sur la mécanisation, l'aviation et la défense.
- Sclérose et innovations dans les années 1930 : Cette décennie voit coexister une « sclérose » des doctrines militaires chez certaines puissances (par exemple, la France avec la ligne Maginot) et des « innovations » audacieuses chez d'autres (comme la Blitzkrieg allemande ou les théories de Douhet sur la guerre aérienne), préludes à la Seconde Guerre mondiale.
- La pensée stratégique durant la seconde guerre mondiale : L'auteur analyse l'évolution de la pensée stratégique in situ durant la Seconde Guerre mondiale, caractérisée par des innovations majeures (guerre combinée, opérations amphibies, bombardements stratégiques), l'importance de la logistique, la guerre totale, et l'émergence d'une pensée stratégique nucléaire à la fin du conflit.
LIVRE III – LA GÉOSTRATÉGIE
INTRODUCTION
L'introduction de ce chapitre pose la question fondamentale de la géostratégie : comment la géographie, au sens large, interfère-t-elle avec la stratégie ? Hervé Coutau-Bégarie y aborde la nécessité de définir clairement ce concept, souvent utilisé à tort et à travers, pour en saisir la portée et les limites. Il s'agit de comprendre comment l'agencement des espaces, les ressources qu'ils recèlent et les populations qui les habitent deviennent des facteurs déterminants des politiques de puissance.
- Le retour de la géopolitique : Hervé Coutau-Bégarie examine ici les profondes transformations qui ont affecté le paysage géopolitique mondial à l'époque contemporaine. Il analyse comment l'émergence de nouveaux acteurs, la globalisation des échanges, les avancées technologiques et l'évolution des menaces ont remodelé la manière dont l'espace est perçu et utilisé à des fins stratégiques. Cette mutation complexifie l'analyse et l'action des États et des autres entités qui cherchent à affirmer leur pouvoir sur des territoires. Il met en lumière une « inversion des facteurs stratégiques », où des éléments traditionnellement considérés comme secondaires prennent une importance croissante, tandis que d'autres, autrefois dominants, peuvent voir leur prépondérance relativisée. Cela peut concerner, par exemple, le passage d'une préoccupation exclusive pour le territoire terrestre à une attention accrue pour les espaces maritimes, aériens ou numériques, ou l'émergence de la dimension informationnelle comme facteur décisif.
Une analyse plus approfondie de la « Geopolitik » allemande montre comment cette école de pensée, à travers des figures comme Karl Haushofer, a influencé les ambitions territoriales et les politiques expansionnistes de l'Allemagne, en justifiant l'annexion de territoires par des arguments géographiques et biologiques. En sus, Carl Schmitt, juriste et théoricien politique, renvoie par son concept de « Nomos de la Terre » à l'ordre spatial fondamental et aux règles de partage et d'appropriation des territoires, constituant le cadre juridique et politique des rapports de puissance entre les peuples.
En résumé, Hervé Coutau-Bégarie retrace la filiation entre la géographie classique et l'émergence de la pensée géopolitique, montrant comment l'étude des caractéristiques physiques et humaines de la Terre a progressivement donné naissance à une analyse des rapports de force structurés dans l'espace. Friedrich Ratzel est présenté comme une figure fondatrice, dont les travaux sur la biogéographie et le concept d'« espace vital » ont eu une résonance majeure. Sa thèse sur l'État comme organisme vivant, en quête de croissance territoriale pour sa survie, a jeté les bases d'une lecture organique et déterministe de la puissance. Rudolf Kjellen, disciple de Ratzel, est identifié comme celui qui a forgé le terme même de « géopolitique ». Il a systématisé l'idée que la politique de l'État est intrinsèquement liée à sa situation géographique, à sa taille, à sa forme et à sa localisation, érigeant ces facteurs en déterminants essentiels de la puissance. Hervé Coutau-Bégarie présente aussi les contributions spécifiques de la tradition géopolitique française, souvent moins déterministe que ses homologues allemands ou anglo-saxons, et accordant une part plus importante à la volonté humaine et aux facteurs culturels dans la construction de la puissance. Ensuite Halford Mackinder, géographe britannique, est analysé pour sa théorie centrale de l'« Heartland » (le cœur terrestre), vaste étendue euro-asiatique, dont le contrôle serait la clé de la domination mondiale. Sa thèse « Qui tient l’Europe de l’Est commande le Heartland ; qui tient le Heartland commande l’île Monde ; qui tient l’île Monde commande le Monde » a profondément marqué la pensée stratégique du XXe siècle. Ce concept a orienté des stratégies de contenance visant à empêcher l'émergence d'une puissance hégémonique sur ce continent. Alfred Mahan, théoricien naval américain, est étudié pour sa thèse sur l'importance cruciale de la puissance maritime dans l'histoire des grandes nations. Il argumente que le contrôle des mers et des routes maritimes est un facteur déterminant pour la prospérité économique et la projection de puissance. Son travail a légitimé l'expansion des flottes de guerre et la doctrine du « sea power ».Nicholas Spykman, géopoliticien américain, est présenté pour sa révision de la théorie de Mackinder, arguant que le contrôle du « Rimland » (la périphérie côtière de l'Eurasie) est plus important que celui de l'Heartland pour la domination mondiale. Sa thèse « Qui contrôle le Rimland commande l’Eurasie ; qui commande l’Eurasie commande les destinées du monde » a eu une résonance significative dans la stratégie de contenance de la Guerre Froide. Ainsi les concepts de containment, de domination continentale, de contrôle des points de passage stratégiques et d'équilibre des puissances nucléaires ont été façonnés par une lecture géopolitique du monde. Après 1945, la géopolitique a connu une période d'« éclipse » après 1945, due à son discrédit par l'usage qu'en avait fait le régime nazi, mais aussi par l'essor de la théorie des relations internationales et une vision plus universaliste de la politique mondiale.
- Le développement de la géostratégie : Une explication est fournie sur la « méfiance française » historique envers la géopolitique, perçue comme un concept potentiellement dangereux en raison de son association avec les dérives idéologiques. Cela a conduit à une approche plus prudente et souvent plus critique de l'analyse des facteurs géographiques dans la stratégie. la géostratégie est un concept relativement récent dans le champ des sciences sociales et des études de défense, bien que la « chose », c'est-à-dire l'interaction entre géographie et stratégie, ait toujours existé. Hervé Coutau-Bégarie retrace l'émergence du terme et sa progressive institutionnalisation dans le discours académique et politique.
CHAPITRE XIV – LE MOT ET LA CHOSE
SECTION I – LE MOT : DE LA GÉOGRAPHIE MILITAIRE À LA GÉOSTRATÉGIE
CHAPITRE XV – LES FACTEURS DE LA GÉOSTRATÉGIE
- Facteurs statiques et facteurs dynamiques : Ce chapitre détaille les multiples facteurs qui façonnent la géostratégie, en les classifiant en facteurs statiques, qui sont relativement permanents et immuables, et facteurs dynamiques, qui connaissent des évolutions liées à l'action humaine ou aux changements environnementaux.
SECTION I – LES FACTEURS STATIQUES
- Définition : Les facteurs statiques sont des éléments géographiques ou physiques inhérents à un territoire qui exercent une influence constante et durable sur les considérations stratégiques, indépendamment des acteurs ou des époques.
SOUS-SECTION I – TOPOSTRATÉGIE
- Le terrain : La toposratégie analyse le rôle du terrain, c'est-à-dire les caractéristiques physiques (relief, sol, végétation) d'un espace géographique, dans la conduite des opérations militaires.
- Clausewitz et le terrain : Hervé Coutau-Bégarie fait référence à la pensée de Clausewitz, qui met en évidence l'importance du terrain comme un élément majeur de la friction et de l'incertitude dans la guerre, un facteur qu'il convient de connaître, d'analyser et de maîtriser.
- Le terrain comme obstacle : Le terrain est souvent perçu comme un obstacle aux mouvements des forces, à leur visibilité et à leur coordination, ralentissant la progression ou limitant les manœuvres.
- Obstacles hydrographiques : Sont analysés les cours d'eau (fleuves, rivières), les lacs, les mers et les océans comme des obstacles naturels significatifs, qui imposent des contraintes spécifiques aux mouvements des troupes et aux opérations.
- Obstacles montagneux : Les chaînes de montagnes sont étudiées comme des barrières difficiles à franchir, favorisant les positions défensives, les stratégies de harcèlement et les combats en terrain cloisonné.
- Obstacles de végétation : Les forêts denses, les jungles et les zones marécageuses sont présentées comme des environnements entravant la progression, limitant la visibilité et favorisant les embuscades ou la guerre asymétrique.
- Obstacles désertiques : Les déserts, avec leurs vastes étendues, leurs températures extrêmes, leur manque de ressources en eau et leur difficulté de ravitaillement, posent des défis logistiques et opérationnels singuliers.
- Obstacles et franchissements : Cette section aborde les techniques et les stratégies développées pour surmonter les obstacles naturels, des constructions de ponts aux opérations amphibies ou aéroportées, pour maintenir la liberté d'action.
- Le terrain dans l’offensive : L'influence du terrain sur les stratégies offensives est examinée, montrant comment il peut être utilisé pour masquer les mouvements, concentrer les forces sur des points faibles ou créer des effets de surprise.
- La nature du terrain : Une typologie des terrains (plat, vallonné, urbain, côtier, etc.) est proposée, chacun ayant ses propres implications pour la tactique et l'opératif.
- Les faits d’occupation humaine : Au-delà de la nature physique, les faits d'occupation humaine, tels que les villes, les agglomérations, les réseaux routiers et les infrastructures, sont des éléments topostratégiques majeurs, conditionnant les mouvements et les enjeux.
- Manœuvre de destruction : Hervé Coutau-Bégarie analyse comment le terrain peut être intégré dans une manœuvre de destruction, visant à encercler, à piéger ou à anéantir les forces adverses.
- Manœuvre d’évacuation : Inversement, le terrain peut faciliter une manœuvre d'évacuation, permettant à des forces menacées de se retirer, de se réorganiser et d'échapper à l'encerclement.
SOUS-SECTION II – MORPHOSTRATÉGIE
- La forme : La morphostratégie étudie l'influence de la forme des territoires, des frontières ou des zones d'opérations sur la stratégie. Une frontière linéaire n'offre pas les mêmes opportunités ou contraintes qu'une frontière très sinueuse ou fragmentée.
SOUS-SECTION III – PHYSIOSTRATÉGIE
- Espace et position : La physiostratégie s'intéresse aux concepts d'espace et de position. L'espace n'est pas neutre, il est défini par des distances, des enjeux de contrôle et des zones d'influence. La position est un élément clé de la manœuvre stratégique, qu'elle soit centrale, périphérique, offensive ou défensive.
- Distances et offensive : Les distances sont un facteur majeur dans la planification des offensives, déterminant les capacités de projection de force, les besoins logistiques et la durée prévisionnelle des opérations.
- Distances théoriques et distances réelles : Une distinction est faite entre les distances géographiques brutes et les distances réelles, qui intègrent les obstacles du terrain, la nature des voies de communication et les moyens de transport disponibles, et donc le temps nécessaire.
- L’élargissement contemporain des distances : La technologie moderne, notamment l'aviation, les missiles et les moyens de transport rapides, a conduit à un « élargissement contemporain des distances », permettant d'agir à très longue portée et de frapper des cibles lointaines avec une efficacité accrue.
- La position : La position est un avantage stratégique fondamental. Le contrôle de points clés, de défilés, de carrefours routiers ou de cols montagneux peut conférer un ascendant considérable sur l'adversaire.
SOUS-SECTION IV – MÉTÉOSTRATÉGIE
- Le climat : La météostratégie examine l'impact du climat et des conditions météorologiques (température, précipitations, vents, brouillard) sur les opérations militaires. Ces facteurs peuvent être déterminants pour le succès ou l'échec d'une manœuvre, et doivent être anticipés.
SECTION II – LES FACTEURS DYNAMIQUES
- Définition : Les facteurs dynamiques sont des éléments géostratégiques qui sont sujets à évolution, qui peuvent être modifiés par l'action des acteurs ou par des circonstances externes, offrant des opportunités ou créant des défis.
SOUS-SECTION I – FACTEURS OFFENSIFS
- Les ressources : Les ressources naturelles (matières premières, énergie, eau) et humaines (démographie, compétences) sont des facteurs offensifs essentiels, car elles déterminent la capacité d'un État à soutenir un effort de guerre et à projeter sa puissance économique et militaire.
- Les voies et infrastructures de communication : Les réseaux de transport (routes, chemins de fer, voies navigables) et les infrastructures de communication sont des atouts stratégiques majeurs, cruciaux pour la mobilité des forces, le soutien logistique et la capacité à acheminer les renforts.
- Les bases : Les bases militaires, qu'elles soient terrestres, navales ou aériennes, sont des points d'appui essentiels pour la projection de puissance, la conduite des opérations à distance et la maintenance des équipements.
SOUS-SECTION II – FACTEURS DÉFENSIFS
- Obstacles politiques : les neutres et les tiers : Des obstacles politiques peuvent entraver l'action stratégique, notamment la présence d'États neutres dont la souveraineté doit être respectée ou de puissances tierces dont les réactions peuvent modifier le cours d'un conflit.
- Obstacles militaires : les fortifications : Les fortifications, qu'elles soient naturelles ou artificielles, constituent des obstacles militaires défensifs majeurs, visant à ralentir, bloquer, dévier l'ennemi ou le contraindre à des actions coûteuses.
- Fortifications permanentes : Les fortifications permanentes, comme les lignes Maginot ou Siegfried historiques, sont des ouvrages de défense construits dans la durée pour protéger des frontières ou des points stratégiques.
- Fortifications de campagne : Les fortifications de campagne sont des ouvrages plus légers et temporaires, construits sur le théâtre des opérations pour protéger les troupes, renforcer des positions ou préparer des défenses.
- Le procès de la fortification : Hervé Coutau-Bégarie analyse le « procès de la fortification », c'est-à-dire le débat historique sur l'efficacité des ouvrages défensifs face aux évolutions des tactiques et des armements, montrant leurs avantages et leurs limites face à de nouvelles menaces.
SECTION III – ESPACE ET RAPPORT DE FORCES
- La dialectique de l’espace et des forces : Cette section aborde l'interaction constante et complexe entre l'espace géographique et les forces militaires. L'espace façonne les rapports de forces en créant des avantages ou des contraintes, mais les forces, par leur déploiement et leurs actions, peuvent à leur tour modifier la signification stratégique de l'espace.
- La dialectique de l’espace et du temps : Une autre dialectique essentielle est celle de l'espace et du temps. La distance et le relief déterminent les durées de déplacement, les délais d'intervention et les fenêtres d'opportunité stratégiques, rendant le calcul temps-espace un paramètre crucial.
- La dialectique de l’espace et de l’acteur : L'espace est perçu et interprété différemment par les divers acteurs, en fonction de leurs capacités, de leurs objectifs, de leur histoire et de leur culture stratégique. La perception subjective de l'espace est donc un enjeu stratégique en soi.
- La leçon de la géostratégie : Ce chapitre se clôt sur la « leçon de la géostratégie », qui est que l'analyse géographique demeure un fondement indispensable de toute réflexion stratégique, malgré les évolutions technologiques qui peuvent sembler atténuer l'importance du terrain. L'espace reste un déterminant majeur des rapports de puissance.
CHAPITRE XVI – GÉOSTRATÉGIE MARITIME
- Géopolitique, thalassopolitique et aéropolitique : Ce chapitre introduit la géostratégie maritime en la situant par rapport aux concepts connexes de géopolitique (étude des rapports de puissance dans l'espace), de thalassopolitique (politique spécifique aux mers et océans) et d'aéropolitique (politique de l'air), soulignant la spécificité du milieu marin comme champ d'analyse.
- La planète bleue : Hervé Coutau-Bégarie rappelle la prépondérance des océans sur la surface terrestre, qualifiant la Terre de « planète bleue », ce qui justifie l'importance stratégique fondamentale du milieu marin pour le commerce, les communications et la projection de puissance.
SECTION I – LES FONCTIONS DE L’ÉLÉMENT MARIN
- Un milieu inhabité : L'élément marin se distingue par le fait qu'il est un milieu majoritairement inhabité en permanence, ce qui lui confère des caractéristiques stratégiques uniques par rapport à la terre, notamment en termes de liberté de mouvement ou de difficulté de contrôle territorial.
SOUS-SECTION I – FONCTIONS NÉGATIVES
- La mer en tant qu’obstacle : La mer peut fonctionner comme un obstacle naturel majeur, séparant les continents, rendant difficile la projection de forces terrestres et protégeant les îles ou les côtes d'invasions.
- Obstacle politique : Elle peut constituer un obstacle politique, renforçant la souveraineté d'un État insulaire en le protégeant des agressions terrestres de ses voisins continentaux et facilitant une politique étrangère distincte.
- Obstacle militaire : Sur le plan militaire, la mer présente des défis logistiques et opérationnels considérables pour la projection de forces massives sur d'autres continents.
- Un obstacle relatif : Néanmoins, la mer n'est qu'un « obstacle relatif », car la technologie (navires, avions) permet de la franchir, de la contrôler et d'en faire un support pour la projection de puissance.
SOUS-SECTION II – FONCTIONS POSITIVES
- La diversité des logiques maritimes : Hervé Coutau-Bégarie met en lumière la diversité des logiques qui animent l'exploitation et l'utilisation stratégique de la mer, allant des objectifs commerciaux et économiques aux objectifs militaires de contrôle ou de déni.
- L’appel de la mer : La mer exerce un « appel » sur les nations, qui cherchent à l'exploiter pour ses ressources, pour ses voies de communication ou comme espace de puissance, incitant à développer des capacités maritimes.
- La mer source de richesses : La mer est une source de richesses considérables (pêche, ressources énergétiques sous-marines, minerais), ce qui en fait un enjeu économique et stratégique majeur, générateur de rivalités.
- La mer voie de communication : La mer a toujours été une voie de communication essentielle pour le commerce international et le transport des troupes, façonnant l'histoire des empires maritimes et la mondialisation.
- La mer théâtre des conflits : Par conséquent, la mer est aussi un « théâtre des conflits », où les puissances s'affrontent pour le contrôle des routes maritimes stratégiques, la projection de puissance ou la défense de leurs intérêts économiques.
SECTION II – LA DILATATION DE L’ÉLÉMENT MARIN
- La mer en tant qu’élément dilaté : Avec l'évolution du droit international et des technologies, l'élément marin est devenu un « élément dilaté », dont l'influence et les enjeux stratégiques s'étendent bien au-delà des zones côtières directes.
SOUS-SECTION I – UN STATUT JURIDIQUE SPÉCIFIQUE
- La mer res nullius : Historiquement, une grande partie de la haute mer était considérée comme res nullius, c'est-à-dire n'appartenant à personne et libre d'accès pour toutes les nations, favorisant la liberté de navigation.
- L’émergence d’un nouveau droit de la mer :Hervé Coutau-Bégarie analyse l'évolution vers un nouveau droit de la mer, avec l'établissement de zones économiques exclusives (ZEE), de plateaux continentaux et d'une souveraineté étatique étendue sur certaines zones maritimes, encadrant l'exploitation des ressources et la navigation.
- La multiplication des conflits : Cette redéfinition du droit de la mer a conduit à une « multiplication des conflits » potentiels, liés à la délimitation des frontières maritimes, à l'accès aux ressources halieutiques ou énergétiques, et à la liberté de navigation dans les zones contestées.
- Les conséquences stratégiques du droit de la mer : Les nouvelles réglementations juridiques ont des « conséquences stratégiques » importantes, redéfinissant les espaces de manœuvre, les enjeux de puissance navale et les conditions d'accès aux ressources.
SOUS-SECTION II – SPÉCIFICITÉS DE LA GUERRE SUR MER
- Les distances sur mer : La guerre sur mer est caractérisée par des distances souvent considérables et des espaces ouverts, ce qui a des implications pour la détection, le ciblage, la manœuvre des flottes et l'autonomie logistique des navires.
- La persistance des distances à l’époque contemporaine : Malgré les avancées technologiques (radar, missiles), la « persistance des distances » demeure une spécificité de la guerre navale, rendant la surveillance et le contrôle de vastes zones maritimes un défi constant.
- La mer et la durée : Les opérations maritimes peuvent s'étendre sur de longues durées, nécessitant une logistique robuste, une endurance des forces et une planification à long terme.
- L’absence de front : Contrairement à la guerre terrestre, la guerre sur mer se caractérise souvent par une « absence de front » linéaire et statique, les forces opérant dans un espace tridimensionnel et fluide, ce qui rend la détection et l'engagement plus complexes.
- L’argument topographique sur mer : L'argument topographique sur mer est différent de celui sur terre. La « topographie » marine est celle des fonds marins, des îles, des archipels, des détroits et des caps, qui deviennent des points stratégiques pour le passage ou le contrôle des voies maritimes.
- Le facteur météorologique sur mer : Le facteur météorologique, avec les tempêtes, les courants, le brouillard et l'état de la mer, a une prépondérance particulière sur les opérations navales, affectant la navigation, l'efficacité des armes et la capacité des équipages.
- La coexistence de deux formes de guerre : Hervé Coutau-Bégarie souligne la « coexistence de deux formes de guerre » sur mer : la guerre d'escadre (bataille décisive entre flottes de guerre pour le contrôle des mers) et la guerre de course (attaques sur le trafic commercial adverse pour asphyxier son économie), chacune ayant ses propres logiques et objectifs.
- Conclusion : Ce chapitre se conclut sur la complexité inhérente et l'importance durable de la géostratégie maritime dans la compréhension des rapports de puissance mondiaux, soulignant que le contrôle des mers reste un enjeu fondamental.
CHAPITRE XVII – GÉOSTRATÉGIE AÉRIENNE
- Position du problème : Ce chapitre aborde la géostratégie aérienne en posant le problème de l'influence spécifique du milieu aérien sur la stratégie globale et en définissant ses caractéristiques distinctives par rapport aux autres milieux.
SECTION I – CARACTÉRISTIQUES DU MILIEU AÉRIEN
- L’homogénéité physique du milieu aérien : Le milieu aérien se caractérise par une relative « homogénéité physique » par rapport à la diversité du terrain terrestre ou marin, ce qui permet des mouvements plus libres, une vision dégagée et moins de contraintes topographiques directes.
- Le problème des distances : Malgré cette homogénéité, le « problème des distances » reste central. L'air permet de franchir de grandes étendues rapidement, mais les distances de vol, l'autonomie des appareils et la nécessité de ravitaillement sont des contraintes majeures pour la projection de puissance.
- Le compartimentage politique du milieu aérien : Si l'air est physiquement homogène, il est politiquement « compartimenté » par les frontières nationales, les zones d'identification de défense aérienne et les régulations du trafic, ce qui pose des enjeux de souveraineté, d'accès et de liberté de survol.
SECTION II – AIR, TERRE, MER
- L’avion comme unificateur des stratégies : L'avion est présenté comme un « unificateur des stratégies », capable d'opérer au-dessus de la terre et de la mer, et de relier rapidement les différents théâtres d'opérations, offrant une flexibilité et une portée inégalées.
- Particularisme de la guerre aérienne : Néanmoins, Hervé Coutau-Bégarie insiste sur le « particularisme de la guerre aérienne », qui possède ses propres logiques, ses propres doctrines (comme le bombardement stratégique), ses propres moyens (avions de chasse, bombardiers, et à présent drones) et ses propres objectifs, distincts de ceux des milieux terrestre et maritime, même si des synergies sont de plus en plus recherchées.
CHAPITRE XVIII – GÉOSTRATÉGIE SPATIALE
- La quatrième dimension : Ce chapitre introduit la géostratégie spatiale en la désignant comme la « quatrième dimension » des opérations militaires et de la compétition stratégique, au-delà de la terre, de la mer et de l'air.
SECTION I – CARACTÉRISTIQUES DU MILIEU SPATIAL
- Un milieu spécifique : le milieu spatial est un « milieu spécifique », caractérisé par le vide, l'apesanteur, l'absence d'atmosphère, l'exposition aux radiations et aux débris spatiaux, ce qui impose des contraintes techniques et opérationnelles uniques pour les satellites et les astronautes.
- Un milieu fragmenté : ill est également un « milieu fragmenté », avec différentes orbites (basse, moyenne, géostationnaire), altitudes et zones d'observation, qui sont autant de domaines d'action et d'enjeux de contrôle pour les puissances spatiales.
- Un milieu hostile : le milieu spatial est intrinsèquement « hostile » aux équipements et aux êtres humains, en raison des conditions extrêmes qu'il présente, exigeant une ingénierie de pointe pour y opérer.
- Un milieu ouvert : malgré sa spécificité et son hostilité, c'est aussi un « milieu ouvert », difficile à contrôler totalement et potentiellement accessible à de nombreux acteurs (étatiques et privés), ce qui en fait un enjeu de compétition et de régulation.
SECTION II – LES FONCTIONS DU MILIEU SPATIAL
- Systèmes passifs et systèmes actifs : Hervé Coutau-Bégarie distingue les systèmes spatiaux passifs, qui fournissent des services (communication, navigation, observation) sans action directe de destruction, des systèmes actifs, qui possèdent une capacité d'action, d'agression ou de défense contre d'autres objets spatiaux.
SOUS-SECTION I – LES SYSTÈMES PASSIFS
- La fonction d’observation : Les satellites offrent une capacité d'observation et de reconnaissance sans précédent, fournissant des informations essentielles sur les mouvements de troupes, les infrastructures ennemies et l'environnement opérationnel à l'échelle mondiale.
- La fonction d’écoute et d’alerte : Les systèmes spatiaux assurent des fonctions cruciales d'écoute électronique (renseignement d'origine électromagnétique) et d'alerte précoce (détection de lancements de missiles), garantissant une surveillance constante.
- La fonction de communication et de guidage : Le spatial est vital pour les communications militaires à longue portée et le guidage de précision des armes (systèmes GPS), assurant la connectivité et la précision des systèmes d'armes modernes sur tous les théâtres d.
SOUS-SECTION II – LES SYSTÈMES AGRESSIFS
- Bataille pour la maîtrise de l’espace ? : La question est posée d'une potentielle « bataille pour la maîtrise de l'espace », où les puissances chercheraient à contrôler ou à nier l'accès à l'espace à leurs adversaires, ce qui aurait des répercussions sur toutes les autres dimensions stratégiques.
- La défense spatiale : La défense spatiale concerne la protection des propres actifs spatiaux (satellites) contre les menaces adverses, qu'il s'agisse de cyberattaques, de brouillage, d'armes antisatellites ou de débris.
- L’attaque spatiale : L'attaque spatiale envisage l'emploi de moyens pour détruire, neutraliser ou perturber les satellites ennemis, ce qui aurait des conséquences importantes sur les capacités militaires et civiles de l'adversaire.
- Problématique de la militarisation de l’espace : Le chapitre conclut sur la « problématique de la militarisation de l'espace », un enjeu majeur des relations internationales contemporaines, naviguant entre la course aux armements spatiaux, la nécessité de la régulation et la prévention d'un conflit spatial.
BIBLIOGRAPHIE
INDEX GÉOGRAPHIQUE
INDEX HISTORIQUE
INDEX ONOMASTIQUE
INDEX THÉMATIQUE