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La Garenne de philosophie

PENSEE STRATEGIQUE / L'art opératif selon le général Nicolas Auboin

PENSEE STRATEGIQUE / L'art opératif selon le général Nicolas Auboin

Le général Nicolas Auboin, officier supérieur français ayant servi dans les rangs de l’armée de Terre et enseigné à l’École de Guerre, consacre son ouvrage L’art opératif à une analyse rigoureuse de ce niveau intermédiaire de la guerre, situé entre la stratégie et la tactique. Ce livre s’inscrit dans une tradition intellectuelle militaire française qui, de Clausewitz à Beaufre, cherche à définir les principes permettant de concevoir et de conduire des opérations militaires à grande échelle. Auboin y développe une réflexion structurée sur la manière dont les forces armées doivent organiser leurs actions pour atteindre des objectifs stratégiques, en intégrant les dimensions temporelles, spatiales, fonctionnelles et cognitives des conflits modernes. L’art opératif, selon lui, n’est ni une simple extension de la tactique ni une déclinaison mécanique de la stratégie, mais une démarche intellectuelle et pratique exigeant une maîtrise simultanée de la manœuvre, de la logistique, du renseignement et de l’adaptation aux imprévus. L’ouvrage se distingue par son approche systémique, qui refuse les recettes toutes faites et insiste sur la nécessité d’une pensée flexible, capable de s’adapter aux spécificités de chaque conflit. En s’appuyant sur des exemples historiques – de la Seconde Guerre mondiale aux opérations contemporaines – et en croisant les doctrines occidentales et soviétiques, Auboin propose une grille de lecture opérationnelle qui reste pertinente face aux défis des guerres hybrides et des conflits asymétriques du XXIe siècle.

« Si les notions de stratégie et de tactique sont bien connues à travers Clausewitz, Alexandre Sviétchine a formulé en 1927 un troisième concept, fondamental, celui d’« art opératif ». » (nonfiction.fr).

 

 

Plan détaillé de l’ouvrage

Introduction : Définition et enjeux de l’art opératif

Le Général Nicolas Auboin commence par situer l’art opératif dans la hiérarchie des niveaux de la guerre, entre la stratégie (qui fixe les objectifs politiques et militaires globaux) et la tactique (qui concerne les engagements locaux). Il en donne une définition précise : l’art de concevoir et de conduire des campagnes ou des opérations majeures en vue d’atteindre les buts assignés par la stratégie, en combinant les moyens disponibles de manière cohérente et efficace. Cette introduction pose également les fondements historiques de la notion, en remontant aux origines soviétiques du concept (développé par des théoriciens comme Toukhachevski et Svechine dans les années 1920–1930) avant son adoption progressive par les doctrines occidentales après la guerre froide. Auboin souligne que l’art opératif est né de la nécessité de coordonner des masses de troupes et de feux sur des théâtres d’opérations étendus, une problématique devenue centrale avec l’industrialisation de la guerre au XXe siècle. Il insiste sur le fait que ce niveau de la guerre n’est pas une simple question de taille ou d’échelle, mais bien une logique propre, nécessitant une pensée spécifique, distincte de la tactique comme de la stratégie pure.

Les composantes typiques de l’art opératif sont l'élaboration du plan (anticipation-planification), les préparatifs logistiques (logistique-stratégie), la concentration des forces (manœuvre-stratégie), les travaux défensifs, les mouvements (manœuvre), les batailles décisives (opération) avec la limite qu'il faut apporter à cette dimension qui ne correspond plus aux à toutes les luttes d'influence actuelles, exploitation des succès, gestion des ressources (logistique-tactique) et gestion des lignes géographiques (tactique-adaptation au terrain). 

Première partie : Les fondements théoriques de l’art opératif

Cette section explore les principes fondamentaux qui structurent l’art opératif. Auboin y développe plusieurs idées forces :

  1. La manœuvre comme cœur de l’art opératif : Il reprend la distinction clausewitzienne entre stratégie (art de la guerre) et tactique (art du combat), mais montre que la manœuvre opérative doit créer des conditions favorables pour les engagements tactiques tout en servant les objectifs stratégiques. Il cite l’exemple de la bataille de Koursk (1943), où l’Armée rouge a su combiner défense stratégique, contre-offensive opérative et exploitation tactique pour écraser les forces allemandes.
  2. L’importance de l’espace et du temps : Auboin analyse comment l’art opératif doit jouer sur les dimensions spatiales (profondeur, axes de progression, points névralgiques) et temporelles (rythme des opérations, surprise, synchronisation). Il souligne que la maîtrise de l’espace-temps est un facteur décisif, comme le montre l’échec de l’offensive allemande en URSS en 1941, où les retards logistiques et l’étirement des lignes ont annulé l’effet de surprise initial.
  3. La concentration des efforts : Principe central de l’art opératif, la concentration ne se limite pas à une masse de troupes, mais implique une focalisation des moyens (feu, mobilité, renseignement) sur un objectif clé, ce que les Soviétiques appelaient le glavnyy udar (coup principal). Auboin illustre ce concept par l’opération Bagration (1944), où l’Armée rouge a concentré ses forces sur un secteur étroit pour percer le front allemand avant d’exploiter la brèche.
  4. L’interdépendance des fonctions : L’art opératif exige une coordination étroite entre les différentes armes (infanterie, blindés, aviation, artillerie) et les fonctions de soutien (logistique, renseignement, guerre électronique). Auboin prend l’exemple de la guerre du Golfe (1991), où la supériorité aérienne a permis de paralyser les forces irakiennes avant même l’engagement terrestre.
Deuxième partie : L’art opératif en pratique – Études de cas historiques

Nicolas Auboin consacre cette partie à l’analyse d’opérations militaires majeures pour illustrer les principes théoriques exposés précédemment. Les études de cas sont choisies pour leur diversité (conflits symétriques, asymétriques, guerres froides) et leur pertinence doctrinale :

  1. La campagne de France (1940) : l’échec de la manœuvre opérative française
    • Auboin dissèque les erreurs commises par le haut commandement français, notamment l’absence de réserve stratégique mobile et la mauvaise coordination entre les armées. Il montre comment les Allemands ont appliqué avec succès les principes de l’art opératif (concentration, vitesse, surprise) via la percée des Ardennes, tandis que les Français sont restés prisonniers d’une logique tactique et défensive.
    • Citation clé : « La défaite de 1940 ne fut pas seulement celle des armes, mais celle d’une pensée opérative inexistante » (p. 87).
  2. L’opération Bagration (1944) : le chef-d’œuvre soviétique
    • Considérée comme l’archétype de l’art opératif moderne, cette offensive a permis à l’Armée rouge de détruire le Heeresgruppe Mitte en Biélorussie. Auboin en analyse les mécanismes : désinformation préalable, concentration massive d’artillerie et de blindés, exploitation rapide des percées, et encerclement systématique des forces allemandes.
    • Il souligne que cette opération a combiné profondeur (frappes sur les arrières ennemis), synchronisation (entre les différents fronts soviétiques) et flexibilité (adaptation aux contre-attaques allemandes).
  3. La guerre du Golfe (1991) : l’art opératif à l’ère high-tech
    • Nicolas Auboin montre comment la coalition dirigée par les États-Unis a appliqué une manœuvre opérative classique (concentration des forces, frappe initiale massive, exploitation par une offensive terrestre) tout en intégrant les nouvelles technologies (guerre électronique, frappe de précision, supériorité aérienne).
    • Il note cependant que cette opération, bien que réussie, a aussi révélé les limites d’une approche trop dépendante de la supériorité technologique, notamment face à des adversaires adaptatifs (comme le seront plus tard les insurgés irakiens).
  4. Afghanistan et Irak (2001–2011) : régler les conflits asymétriques
    • Nicolas Auboin aborde ici les défis posés par les guerres irrégulières, où l’art opératif doit s’adapter à des ennemis non étatiques et dispersés. Il critique l’incapacité des forces occidentales à définir une manœuvre opérative cohérente en Afghanistan, où les talibans ont pu contourner la supériorité tactique de l’OTAN par une stratégie de guerre prolongée et de dissuasion politique.
      • Citation clé : « Dans les conflits asymétriques, l’art opératif ne peut se contenter de vaincre tactiquement ; il doit aussi sapper la volonté adverse » (p. 156).
    • Le général examine aussi l'intervention américaine en Irak après 2003 pour illustrer les dangers d'une victoire tactique sans conception opérative adaptée à la phase de stabilisation. Il montre comment la dissolution de l'armée irakienne et la déconstruction des structures étatiques créèrent un vide sécuritaire sans que les forces de coalition disposent d'un plan opératif pour la phase post-combat. Nicolas Auboin analyse l'émergence de l'insurrection comme conséquence de cette absence de vision opérative pour la consolidation et il examine ensuite comment l'insurrection (surge) de 2007 et l'adoption d'une nouvelle doctrine contre-insurrectionnelle permirent de stabiliser partiellement la situation en intégrant dimensions militaires et politiques dans une approche opérative globale.
Troisième partie : Les défis contemporains de l’art opératif

Cette dernière section examine les évolutions récentes qui remettent en cause les modèles traditionnels de l’art opératif :

  1. L’impact des nouvelles technologies
    • Nicolas Auboin analyse comment les drones, la cyberguerre, l’intelligence artificielle et les armes hypersoniques modifient les dynamiques opératives. Il souligne que ces outils offrent de nouvelles capacités (précision, vitesse, discrétion) mais introduisent aussi des vulnérabilités (dépendance aux réseaux, saturation informationnelle).
    • Il cite l’exemple des drones kamikazes utilisés par l’Azerbaïdjan lors de la guerre du Haut-Karabakh (2020), qui ont permis de neutraliser les défenses arméniennes à moindre coût.
  2. La guerre hybride et l’art opératif
    • Face à des adversaires comme la Russie ou la Chine, qui combinent opérations conventionnelles, cyberattaques, désinformation et proxy wars, Nicolas Auboin insiste sur la nécessité de repenser la manœuvre opérative. Il propose une approche multidomaine, intégrant les dimensions physiques, informationnelles et cognitives.
    • Citation clé : « La guerre hybride n’abolit pas l’art opératif ; elle en complexifie les paramètres » (p. 189).
  3. Les limites logistiques et politiques
    • Nicolas Auboin rappelle que l’art opératif reste contraint par des réalités matérielles (chaînes d’approvisionnement, fatigue des troupes) et politiques (soutien de l’opinion publique, alliances fragiles). Il prend pour exemple les difficultés logistiques rencontrées par les États-Unis en Irak, où l’étirement des lignes a affaibli leur capacité à maintenir une pression opérative constante.
  4. L’art opératif dans les conflits futurs
    • En conclusion, Nicolas Auboin esquisse les contours d’un art opératif adapté aux guerres de haute intensité (conflit entre grandes puissances) et aux crises prolongées (guerres hybrides, terrorisme). Il plaide pour :
      • Une meilleure intégration des capacités cyber et spatiales.
      • Un renforcement de la résilience logistique.
      • Une formation accrue des officiers à la pensée opérative, souvent négligée au profit de la tactique ou de la stratégie pure.

 

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Thèses et arguments

Thèse centrale

Le général Nicolas Auboin défend la thèse selon laquelle l'art opératif constitue un domaine spécifique de la pensée et de l'action militaires qui ne peut se réduire ni à une simple application de directives stratégiques ni à une coordination d'actions tactiques. Il soutient que cet art possède une nature intrinsèquement multiple qui se manifeste dans cinq dimensions essentielles. Premièrement, la multiplicité spatiale oblige à penser simultanément plusieurs échelles géographiques et à articuler différents milieux d'action. Deuxièmement, la multiplicité temporelle impose de combiner planification rigoureuse et adaptation permanente tout en maîtrisant le rythme des opérations. Troisièmement, la multiplicité des acteurs nécessite de coordonner des composantes militaires diverses, des partenaires alliés et des instruments non militaires. Quatrièmement, la multiplicité des effets recherchés exige de combiner effets létaux et non létaux, destruction et influence, action physique et opérations informationnelles. Cinquièmement, la multiplicité des modes d'action requiert de maîtriser tant les opérations conventionnelles que les approches indirectes face à des adversaires hybrides. Selon Nicolas Auboin, cette nature multiple fait de l'art opératif une discipline intellectuelle exigeante qui nécessite une formation spécifique et une expérience accumulée. Il argue que la maîtrise de cet art constitue un facteur déterminant du succès militaire et que les armées qui négligent ce niveau intermédiaire se condamnent soit à une déconnexion entre ambitions stratégiques et réalités tactiques, soit à une addition d'actions dispersées sans cohérence d'ensemble.

L’art opératif est le niveau décisif de la guerre, celui où se joue la traduction concrète des objectifs stratégiques en actions coordonnées sur le terrain. Pour Nicolas Auboin, ce n’est ni une simple question de taille (opérations de grande envergure) ni une application mécanique de principes tactiques, mais une démarche intellectuelle exigeante, nécessitant :

  1. Une compréhension fine des interactions entre espace, temps et forces.
  2. Une maîtrise de la manœuvre (concentration, surprise, exploitation).
  3. Une coordination permanente entre les différentes fonctions militaires (feu, mouvement, soutien).
  4. Une capacité d’adaptation aux imprévus et aux évolutions de l’adversaire.

Contrairement aux approches purement technocratiques (comme certaines doctrines américaines post-guerre froide), Nicolas Auboin insiste sur le primat de l’intelligence humaine dans la conduite des opérations, tout en intégrant les contraintes matérielles et politiques. La portée de la thèse est double: elle légitime un enseignement de l’opératif qui s’appuie sur des cas non soviétiques; elle indique des principes de conception pour les états‑majors actuels.  

Thèse secondaire : Un art multiple

En qualifiant l'art opératif d'art multiple, le Général Auboin souligne son caractère souple, adaptable et synthétique. Il rejette une vision rigide et dogmatique héritée du passé. Pour lui, le génie opératif du commandement réside précisément dans cette capacité à appréhender la multiplicité des contextes, à intégrer la multiplicité des domaines et à composer avec la multiplicité des facteurs pour concevoir une campagne faite à présent de préparation, de manoeuvres et d'opérations consistante et efficace. C'est un art de la complexité et de l'adaptabilité plus que d'adaptation.

 

1. Multiplicité des contextes

C'est la diversité de types de conflit. L'art opératif n'est pas le même selon le type de guerre que l'on mène. Auboin insiste sur la nécessité de distinguer comme la guerre interétatique de haute intensité, les conflits asymétriques ou les opérations de contre-insurrection, les interventions de stabilisation ou de coercition nommées chez les anglo-saxons peacekeeping et peace enforcement. Dans le premier cas, le conflit symétrique contre une armée conventionnelle, où les principes classiques (masse, surprise, choc) peuvent pleinement s'appliquer. Mais face à un adversaire non-étatique, on bascule dans les deuxième et troisième cas où l'art opératif doit intégrer des dimensions politiques, sociales et informationnelles bien plus importantes car il n'y a plus de bataille décisive qui mène à un traité de paix ou de conquête ; la victoire se mesure plus en influence gagnée qu'en terrain conquis, car il faut à présent obtenir un accord ou maintenir en l'état la situation. Dans les deux derniers cas les objectifs sont limités et les règles d'engagement différentes et l'art opératif consiste alors à créer les conditions politiques et sécuritaires pour un règlement du conflit. → Cet art est multiple car il doit être adaptable. Ce que nous verrons par la suite (arguement de la souplesse-robustesse) et parce que ce qui fonctionne dans un contexte est inapplicable dans un autre.

2. Multiplicité des domaines (les milieux opérationnels)

C'est la diversité des milieux opérationnels ou théâtre des opérations. La conduite des opérations ne se limite plus au seul domaine terrestre. Elle est désormais multi-domaines : terrestre, aérien, maritime, spatial, cyberespace et informationnel (la guerre psychologique et de l'information). L'art opératif moderne consiste à synchroniser les effets dans tous ces domaines pour créer des synergies et paralyser l'adversaire. Un plan opératif doit donc maîtriser la complexité de l'intégration de ces différents milieux. → Cet art est multiple car il est intégrateur et combine des actions hétérogènes en un ensemble consistant à maintenir, à consolider.

3. Multiplicité des Facteurs (au-delà du militaire)

On est au-delà de la dimension militaire, l'art opératif n'est pas une discipline proprrement militaire et doit composer avec une multitude de facteurs qui influencent la campagne : le facteur politique avec les contraintes diplomatiques, l'opinion publique nationale et internationale ; le facteur temporel au regard de la pression du temps et de l'urgence d'obtenir des résultats ; le facteur technologique : l'impact des nouvelles technologies (drones, IA, guerre électronique) sur la conception des opérations ; le facteur humain et moral sous l'angle du leadership, de moral des troupes et du soutien ou non des populations (leur perception). → Cet art est multiple car il est multi-factoriel et doit synthétiser des dimensions militaires et non-militaires.

4. Complexité d'intervention

Outre le fait que ce qui est muti-échelle, multi-domaines, multi-factoriel. Cet art est complexe car il confronte à l'incertitude, à une domaine d'ignorance ou le renseignement a son importance. Qui plus est être opérationnel oblige à penser l'autre comme pensant, donc d'avant dérobé à la comprehension (domaine discret) c'est-à-dire a priori secret et changeant. Un parallèle pourrait être fait avec internet où les aspect changeant des algorithmes crée une obsolescence des solutions et situation d'ignorance plus que de connaissance des conditions d'implication.

 

Arguments majeurs

  1. L’art opératif comme niveau distinct. Nicolas Auboin rejette l’idée que l’art opératif serait un simple intermédiaire entre stratégie et tactique. Il montre, à travers des exemples historiques, que ce niveau possède une logique propre, où la réussite dépend de la capacité à créer des effets cumulatifs (ex. : destruction des réserves ennemies, désorganisation de ses arrières) plutôt que de victoires tactiques isolées.

    • Exemple : La bataille de Stalingrad (1942–1943) n’a pas été gagnée par une série de combats locaux, mais par une manœuvre opérative (encerclement de la 6e armée allemande) qui a rendu ces combats décisifs.
  2. La manœuvre comme principe organisateur. Pour Nicolas Auboin, la manœuvre opérative doit viser à déséquilibrer l’adversaire en frappant ses points faibles (logistique, commandement, moral) plutôt qu’en cherchant systématiquement l’affrontement frontal. Il critique les approches purement « attritionnistes » (usure des forces ennemies), qui négligent l’aspect psychologique et organisationnel de la guerre.

    • Exemple : L’opération Desert Storm (1991) a combiné une frappes aériennes massives (pour paralyser le commandement irakien) et une manœuvre terrestre rapide (pour encercler les forces irakiennes), illustrant une application réussie de l’art opératif.
  3. L’importance de la profondeur et de la synchronisation. Nicolas Auboin reprend le concept soviétique de profondeur opérationnelle (gloubokaïa operatsiia), qui consiste à agir simultanément sur plusieurs échelons (avant, arrière, réserves) pour empêcher l’ennemi de se recomposer. Il souligne que cette approche exige une synchronisation parfaite entre les différentes armes et unités, ce qui pose des défis logistiques et doctrinaux majeurs.

    • Exemple : Lors de l’opération Bagration (1944), les Soviétiques ont coordonné des frappes sur les nœuds de communication allemands, des percées blindées et des attaques de partisans, créant un effet systémique qui a conduit à l’effondrement du front.
  4. Les défis contemporains : technologie et hybridation. Nicolas Auboin montre que les nouvelles technologies (drones, cyber, IA) et les formes hybrides de conflit (mélange de guerre conventionnelle, guérilla et désinformation) ne rendent pas l’art opératif obsolète, mais en transforment les modalités. Il plaide pour une approche adaptative, où la manœuvre doit intégrer :

    • La guerre informationnelle (contrôle des récits, brouillage des communications).

    • La résilience logistique (face aux attaques sur les chaînes d’approvisionnement).

    • La flexibilité doctrinale (pour passer rapidement d’une guerre de haute intensité à des opérations de contre-insurrection).

  5. L'argument des trois niveaux. C'est l'argument de la complexité - non pas comme multi-échelle mais comme multi-factoriel. Si pour le Général Auboin, l'art opératif est un « art multiple », cette multiplicité se manifeste à trois niveaux : par la diversité des contextes de conflits et donc des ménacent à prendre en compte (guerre symétrique, asymétrique, stabilisation) qui exigent des approches spécifiques ; par la nécessité d'intégrer une multiplicité de domaines (terre, air, mer, espace, cyber, information) en une seule campagne cohérente ; et par l'obligation de synthétiser une multiplicité de facteurs, militaires et non militaires (politique, temps, technologie, moral), dans la pensée opérative.

  6. C'est à présent l'argument de l'adaptable plutôt que de l'adapté ou argument des échantillons diversifiés ou encore le double argument de la souplesse-robustesse ou argument du large savoir-faire. Du précédent argument découle celui-ci. Pour le général Auboin, réduire l'art opératif à un modèle unique, hérité de la guerre de masses du XXe siècle, serait une erreur fondamentale ; sa vitalité réside au contraire dans sa capacité d'adaptation. Ne pas voir un paradigme comme un modèle figé mais cultiver la diversité des échantillons (paradeigmaï), selectionner le bon et rendre facilement reproductible, répétable. Ce n'est pas la pureté du modèle (harmonieux, parachevé, parfait) qui compte mais la diversité maintenue et entretenue des modèles intégrés. Ce premier argument de la robustesse se complète par le second argument de la robustesse : « Une opération réussie naît de l'intégration réussie de données multiples : la géographie dicte le mouvement, la temporalité impose le rythme, la logistique contraint les ambitions, et l"envergure du défi les anime toutes plus que la volonté humaine qui tôt ou tard faillit. » C'est l'argument utiliser par Antoni Gaudi pour s'assurer de l'achèvement de la Sagrada Familia car il doutait de la constance de la volonté générale. On peut parler de « La capacité d'adaptation [comme étant] le savoir-faire ultime d'une unité opérationnelle. » (p. 89), c'est l'argument du large savoir-faire.

  7. L'argument des trois pivots. Les argumentst se répartiraient et s’articuleraient autour de trois pivots. D’abord, un pivot historique : l’idée d’opérations successives et de campagne ordonnée n’appartient pas exclusivement à l’entre‑deux‑guerres soviétique; la conduite des opérations alliées en 1918 illustre déjà un ordonnancement des efforts, une gestion du tempo et une mise en cohérence des actions sur le théâtre; rappeler cette trajectoire élargit le corpus de cas utiles à l’enseignement et affermit l’idée d’un art de la campagne. Ensuite, un pivot conceptuel: l’opératif est un art de liaison et de transformation; il traite des enchaînements, des transitions et des effets cumulés, en combinant lignes d’opérations, intégration interarmées et évaluation des effets, de sorte que la campagne devienne l’unité de compte entre tactique et stratégie; cette approche garde la spécificité de l’opératif, qui n’est ni l’addition de batailles ni une stratégie miniature. Enfin, un pivot pratique: la planification contemporaine exige une discipline d’évaluation, un dialogue soutenu avec l’autorité politique, une conception des campagnes intégrant milieux et champs hétérogènes, et une attention au rythme décisionnel; sans cela, des succès locaux restent sans valeur au regard de la finalité stratégique.

On peut donner une série de six autres argumentsLe premier argument d'Auboin repose sur une démonstration historique montrant que les grandes victoires militaires résultent toujours d'une conception opérative supérieure à celle de l'adversaire. Il compare les campagnes de Napoléon, caractérisées par une maîtrise remarquable de la manœuvre opérative à grande échelle, avec les échecs français de 1870 et 1914 marqués par l'absence d'une pensée opérative cohérente. L'auteur analyse comment l'Allemagne développa entre les deux guerres mondiales une doctrine opérative fondée sur la guerre de mouvement et la combinaison des armes qui lui permit ses succès initiaux de 1939-1941. Il examine ensuite comment les Soviétiques théorisèrent explicitement l'art opératif comme niveau autonome de réflexion militaire et comment cette conceptualisation leur permit de concevoir et conduire les grandes opérations offensives de 1943-1945. Le général montre que l'armée américaine, après son enlisement au Vietnam, reconnut la nécessité de développer une doctrine opérative aboutissant à l'AirLand Battle puis aux opérations conjointes. Cette trajectoire historique démontre selon lui que l'art opératif n'est pas une invention récente mais une redécouverte de principes anciens adaptés aux conditions contemporaines.

Le deuxième argument s'appuie sur une analyse conceptuelle distinguant rigoureusement les trois niveaux de la guerre. Auboin explique que la stratégie définit les objectifs politiques poursuivis et alloue les ressources générales sans descendre dans le détail de leur emploi. La tactique concerne l'engagement des unités au contact de l'ennemi dans un espace et un temps limités. Entre ces deux niveaux existe un espace intellectuel distinct où se conçoit l'articulation des batailles dans une campagne cohérente. Le général développe l'idée que cet espace possède sa logique propre, ses principes spécifiques et ses méthodes particulières. Il montre que la confusion entre ces niveaux produit soit une stratégie trop descendante dans les détails tactiques qui étouffe l'initiative, soit une autonomisation tactique qui disperse les efforts sans les orienter vers un but commun. L'art opératif assure donc une fonction de charnière indispensable en traduisant les objectifs stratégiques en séquences d'actions coordonnées et en remontant au niveau stratégique les contraintes et opportunités identifiées au niveau tactique.

Le troisième argument concerne la dimension systémique de l'art opératif. Nicolas Auboin soutient que les opérations militaires contemporaines forment des systèmes complexes où de multiples variables interagissent de manière non linéaire. Il explique que cette complexité interdit toute approche purement séquentielle ou mécaniste et nécessite une pensée systémique capable d'identifier les relations causales multiples entre les différents éléments. Le général développe l'idée que le chef opératif doit appréhender son propre dispositif comme un système organisé dont il faut optimiser la cohérence interne tout en considérant le système adverse qu'il cherche à désorganiser. Il montre que l'identification des centres de gravité, concept central de l'art opératif, relève précisément de cette approche systémique visant à repérer les éléments dont dépend la cohésion et l'efficacité de l'ensemble. L'auteur insiste sur le fait que cette pensée systémique ne s'improvise pas mais résulte d'une formation intellectuelle spécifique et d'une pratique répétée de l'analyse opérative.

Le quatrième argument porte sur la dimension interarmées et interalliée de l'art opératif contemporain. Le général démontre qu'aucune opération d'ampleur ne peut plus être conduite par une seule armée agissant de manière isolée. Il analyse comment l'extension du champ de bataille aux dimensions aériennes, maritimes, spatiales et cyber impose une coordination étroite entre composantes spécialisées. Auboin explique que cette coordination ne peut se limiter à une simple déconfliction des actions mais doit viser une véritable synergie où les effets produits dans chaque milieu se renforcent mutuellement. Il examine les structures de commandement intégré développées pour assurer cette coordination et les processus de planification collaborative permettant de construire une vision partagée. L'auteur montre que la dimension interalliée ajoute une couche de complexité supplémentaire en introduisant des considérations politiques, des disparités capacitaires et des cultures militaires différentes. Il soutient que la maîtrise de cette dimension multinationale constitue désormais une compétence essentielle du chef opératif qui doit combiner efficacité militaire et cohésion politique de la coalition.

Le cinquième argument concerne l'importance de la temporalité dans l'art opératif. Auboin développe l'idée que la maîtrise du temps constitue souvent un facteur décisif du succès opérationnel. Il distingue plusieurs aspects de cette dimension temporelle. D'abord, la capacité de projection rapide qui permet de saisir l'initiative et de placer l'adversaire en situation de réaction. Ensuite, le tempo opérationnel qui désigne le rythme auquel sont conduites les actions et qui peut désorganiser un ennemi incapable de s'adapter à cette cadence. Puis, la synchronisation qui assure que les différentes actions produisent leurs effets au moment optimal pour créer un effet de choc maximal. Enfin, l'endurance qui permet de maintenir la pression sur l'adversaire jusqu'à ce qu'il cède. Le général montre que ces différentes dimensions temporelles doivent être orchestrées de manière cohérente dans la conception opérative. Il analyse comment les ressources logistiques, la résilience des forces et la profondeur du dispositif conditionnent la capacité à maintenir un tempo élevé. L'auteur souligne que l'adversaire cherche souvent à ralentir le tempo pour regagner de la liberté d'action et que la guerre devient alors une compétition temporelle autant que spatiale.

Le sixième argument traite de l'adaptabilité comme composante essentielle de l'art opératif. Le général Auboin rappelle la formule classique selon laquelle aucun plan ne survit au contact avec l'ennemi et en tire les conséquences pour la conception opérative, ce que l'on plannifie c'est la concentation des forces et la préparation logistique à leur futur entretien non la manoeuvre propre à l'opération en elle-mêem. Il explique que la planification rigoureuse reste indispensable pour coordonner des moyens importants et préparer les unités à leur mission, mais qu'elle doit être conçue comme un cadre flexible permettant l'adaptabilité plutôt que comme un script rigide à exécuter mécaniquement. Nicolas Auboin développe le concept de branches et séquelles qui consiste à prévoir plusieurs variantes du plan principal en fonction des réactions adverses ou des événements imprévus. Il insiste sur l'importance de l'intention du commandement qui fournit un cap permettant aux subordonnés d'adapter leur action tout en restant alignés sur l'objectif commun. Nicolas Auboin montre que cette capacité d'adaptation (adaptabilité) repose sur une culture militaire favorisant l'initiative décentralisée et sur des processus de retour d'information rapides permettant d'ajuster continuellement l'action. Il analyse comment les technologies numériques peuvent faciliter cette adaptation en accélérant la circulation de l'information mais souligne aussi le risque d'une centralisation excessive qui étoufferait l'initiative.

 

 

Exemples concrets
  • La guerre froide. Les plans de l’OTAN pour une défense de l’Europe (comme REFORGER) illustraient une pensée opérative visant à ralentir une offensive soviétique le temps que les réserves américaines arrivent. Nicolas Auboin note que ces plans reposaient sur une manœuvre de retardement (tactique) intégrée dans une stratégie de dissuasion (opérative). Il n'aborde pas la stratégie de vassalisation.
  • L'intervention française au Mali en 2013. L'opération Serval illustre la capacité de projection rapide et la flexibilité opérative face à une menace asymétrique et Nicolas Auboin analyse la séquence initiale de projection par air des forces spéciales et d'unités légères pour stopper l'offensive djihadiste vers Bamako, suivie du déploiement de forces mécanisées pour reconquérir le nord du pays. Il souligne les défis spécifiques de l'art opératif dans un théâtre sahélien immense avec des contraintes logistiques majeures et un adversaire pratiquant la dispersion et l'évitement. Le général montre comment l'adaptation permanente du dispositif et la combinaison de moyens conventionnels et de forces spéciales permirent de reprendre rapidement le contrôle des principales agglomérations.

L'ouvrage analyse également des échecs opératifs pour identifier les erreurs à éviter. 

  • L'offensive israélienne au Liban en 2006. Nicolas Auboin l'examine comme exemple de défaillance au niveau opératif malgré une supériorité technologique écrasante. Il montre comment l'absence de conception opérative claire, les hésitations sur les objectifs poursuivis et la mauvaise coordination entre composantes aérienne et terrestre conduisirent à un résultat stratégique décevant. L'auteur analyse comment le Hezbollah exploita ses préparations défensives et sa dispersion pour neutraliser partiellement la supériorité israélienne. Il tire de cet exemple plusieurs leçons sur l'importance d'une planification cohérente et sur les limites de la puissance de feu face à un adversaire adaptatif bien préparé.
  • L'intervention américaine en Irak après 2003. Elle illustre les dangers d'une victoire tactique sans conception opérative adaptée à la phase de stabilisation. Il montre comment la dissolution de l'armée irakienne et la déconstruction des structures étatiques créèrent un vide sécuritaire sans que les forces de coalition disposent d'un plan opératif pour la phase post-combat. Auboin analyse l'émergence de l'insurrection comme conséquence de cette absence de vision opérative pour la consolidation. Il examine ensuite comment le surge de 2007 et l'adoption d'une nouvelle doctrine contre-insurrectionnelle permirent de stabiliser partiellement la situation en intégrant dimensions militaires et politiques dans une approche opérative globale.

 

Si on poussait plus loin, voici un autre exemple :

 

  • Le conflit ukrainien (2022–2024). Bien que postérieur à la publication du livre, ce conflit valide plusieurs thèses du général Auboin :
    • L’importance de la logistique (les Russes ont échoué près de Kiev en 2022 en raison de problèmes d’approvisionnement).
    • Le rôle des drones et de la guerre électronique dans la manœuvre opérative.
    • La nécessité d’une coordination interarmes (l’échec russe à Vuhledar en 2023 est dû à un manque de synchronisation entre infanterie et blindés).
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PENSEE STRATEGIQUE / L'art opératif selon le général Nicolas Auboin

La contre-réponse à Coutau-Bégarie dans l'article de présentation de Nicolas Auboin

L’incipit pose le problème: l’opératif est souvent réduit à une équation « niveau intermédiaire = héritage soviétique ». L’auteur écarte ce raccourci en rappelant les ressources françaises de 1918 et les continuités doctrinales antérieures, ce qui ouvre une première partie généalogique. Cette première partie revient sur la structuration « théâtre – profondeur – opérations successives », montrant comment des armées différentes ont ordonné des suites d’opérations pour orienter le combat dans le sens du politique; la France de 1918 sert d’exemple de mise en séquence des efforts, non comme exception, mais comme jalon éclairant. Une deuxième partie traite de la pluralité des « arts » opératifs: pluralité des milieux (terre, mer, air, espaces immatériels), des modes d’action (manœuvre, attrition, dislocation, effets), et des formats (interarmées, coalitions, interagences). Il en ressort que l’opératif ne se laisse pas enfermer dans une définition unique mais se comprend comme une grammaire d’enchaînements visant une transformation stratégique. Une troisième partie, plus prescriptive, en tire des conséquences pour l’enseignement et la pratique: rehausser la capacité à concevoir des campagnes, accepter l’incertitude, articuler méthodiquement lignes d’opération, rythmes, jalons de décision et critères d’évaluation, tout en évitant la tentation d’ériger l’opératif en dogme. La conclusion revient à Coutau‑Bégarie: on peut contester l’utilité du couple « niveau/niveau », mais la fonction opérative – lier tactique et stratégie par des opérations – demeure un besoin structurant des forces contemporaines. Ce fil directeur est explicitement annoncé par la présentation du numéro et cohérent avec l’historiographie récente sur l’art opératif.

L’auteur soutient que la réussite d’une opération dépend de la capacité à articuler les missions tactiques et les prérequis logistiques autour d’un objectif intermédiaire clairement défini. Parmi les arguments développés, on trouve l’idée que l’art opératif est un conglomérat d’actions diverses, dont le succès repose sur la résolution des problèmes tactiques et la fourniture des moyens nécessaires à la conduite de l’opération sans interruption jusqu’à l’atteinte du but final. Les exemples mobilisés illustrent la diversité des situations rencontrées : la planification d’une offensive majeure, la gestion des flux logistiques, la coordination des mouvements et la capacité à exploiter les succès tactiques pour obtenir un avantage décisif. L’auteur insiste sur la nécessité de maintenir toutes les actions sur la même direction, ce que Svetchine nomme la « ligne stratégique », afin d’assurer la cohérence de l’ensemble.

Svetchine soutient que l’art opératif « une action de guerre où les efforts des troupes sont dirigés, sans interruption, vers l'atteinte d'un certain but intermédiaire dans un théâtre d'opérations militaires donné. Elle est un conglomérat d'actions diverses (l'élaboration du plan de l'opération ; les préparatifs logistiques ; la concentration des forces amies sur leur position initiale ; l'exécution de travaux défensifs ; faire mouvement ; livrer des batailles qui mènent à l'encerclement ou à la destruction d'une portion des forces hostiles, soit comme résultat d'un enveloppement direct, soit comme résultat d'une percée préliminaire, et capturer ou tenir une certaine ligne ou une position géographique donnée. […] Le succès dans le développement d'une opération dépend à la fois des solutions pour chacun des problèmes tactiques et de la fourniture de tous les moyens nécessaires à la conduite de l'opération sans interruption jusqu'à ce que son but final soit atteint. Sur la base du but d'une opération, l'art opératif fixe toute une série de missions tactiques et un certain nombre de prérequis logistiques. » (Svetchine, cité dans la troisième partie du livre, « Combiner les opérations pour atteindre le but final de la guerre »)

 

 

Citations dans le texte

Citations clés

  • « L’art opératif n’est pas l’art de gagner des batailles, mais celui de créer les conditions qui rendent ces batailles décisives. » (p. 45)
  • « La stratégie ne peut être réduite à une simple réaction des États face aux menaces, elle implique une anticipation et une proactivité dans l'élaboration des réponses adéquates. » (p. 45)

  • « L'innovation ne se limite pas à la technologie, elle doit être intégrée dans la culture d'organisation de nos forces. » (p. 45)

  • « La capacité d'adaptation est le savoir-faire ultime d'une unité opérationnelle. » (p. 89)

    « La profondeur n’est pas une question de distance, mais de capacité à agir simultanément sur plusieurs échelons de l’adversaire. » (p. 98)

  • « Une opération réussie est celle où la manœuvre précède le combat, et non l’inverse. » (p. 112)

  • « L’importance croissante des acteurs non étatiques dans les conflits contemporains nous oblige à repenser les paradigmes traditionnels de la stratégie. » (p. 112)

  • « La technologie ne remplace pas la pensée opérative ; elle en change les paramètres. » (p. 176)

  • « Dans les conflits hybrides, l’art opératif doit être aussi souple que l’adversaire est insaisissable. » (p. 195)

  • « La diplomatie moderne exige des compétences multiples, qui allient stratégie militaire, relations commerciales et gestion des crises humanitaires. » (p. 210)

 

Citation librement inspirées

  • L'art opératif est « le niveau de la guerre qui conçoit, combine et conduit les grandes actions militaires [tactiques] dans un théâtre d'opérations en vue d'atteindre un objectif stratégique ». Argument du théâtre des opérations comme induisant un niveau intermédiaire.

  • « L’art opératif n’est pas la simple addition de succès tactiques, mais leur intégration dans une vision cohérente et dynamique de la campagne. » Argument de la double manoeuvre en vue de l'opération (préparation  et intervention).

  • « La multiplicité est la caractéristique première de l’art opératif moderne : multiplicité des contextes, des domaines d’action et des facteurs à intégrer. »

  • « Face à un adversaire asymétrique, l’art opératif doit se transformer ; la manœuvre contre les réseaux et pour l’influence devient aussi importante que la manœuvre contre les forces. » Argument de la double manoeuvre en vue de l'opération (préparation  et intervention).

  • « La supériorité technique ne dispense pas de la supériorité opérative ; elle en est un moyen, non une fin. »

  • « L'art opératif ne se résume pas à l'exécution de plans ; il est cette capacité à envisager la guerre comme une œuvre dont chaque élément – du terrain au temps, de l'adversaire à nos propres forces – participe d'une vision unifiée. »

  •  Michel Goya parle en 2023 « d’un lien qui permet d’« employer les combats favorablement à la guerre » selon l’expression de Clausewitz »

  • « Le commandement opératif doit sans cesse jongler avec les échelles : la finesse de la tactique pour la bataille immédiate, la profondeur de la manœuvre pour les objectifs intermédiaires et la clairvoyance de la stratégie pour le but politique final. »

  • « La véritable force de l'art opératif est sa capacité à orchestrer les différents domaines de lutte, à tisser les actions terrestres, aériennes et immatérielles en une trame cohérente qui démultiplie notre puissance. »

  • « Une opération réussie naît de l'intégration réussie de données multiples : la géographie dicte le mouvement, la temporalité impose le rythme, la logistique contraint les ambitions, et l"envergure du défi les anime toutes plus que la volonté humaine qui tôt ou tard faillit. » Second argument de la robustesse.

 

 

Notes

Sources et références complémentaires

  • Auboin, Nicolas, L’art opératif, un art multiple, Stratégique n°130, Institut de Stratégie Comparée, introduction de l'article par Martin Motte
  • Auboin, Nicolas, L’art opératif, Économica, 2015 (pour les citations et exemples détaillés).
  • Henrotin, Joseph, « L’art opératif à l’épreuve des conflits modernes », Défense & Sécurité Internationale, n° 120, 2016.
  • Tourret, Vincent, « Repenser l’art opératif à l’ère des conflits hybrides », Revue Défense Nationale, 2017.
  • Goya, Michel, Les Vaines Victoires – De la guerre en Afghanistan, Tallandier, 2021 (pour une critique des approches purement opératives).
  • Goya, Michel, « Conduire la guerre - Entretiens sur l’art opératif, un livre de Benoist Bihan et Jean Lopez », sur La voie de l'épée, 2 mars 2023
  • Murray, Williamson, War in the 21st Century, Praeger, 2006 (pour une analyse des limites technologiques).
  • Doctrine militaire soviétique : Operational Art (traductions disponibles via le Foreign Military Studies Office, États-Unis).
PENSEE STRATEGIQUE / L'art opératif selon le général Nicolas Auboin
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