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La Philosophie à Paris

HISTOIRE / La commune de Narbonne (23 mars – 31 mars 1871)

La petite ville de Narbonne, sous-préfecture de l’Aude, n’est pas Paris ni Lyon, mais en 1871, elle est le théâtre d’une insurrection républicaine et sociale de premier plan, dans une région marquée par la misère paysanne, les inégalités foncières, et une vive hostilité à l’autorité centralisatrice de Paris. La chute de l’Empire et la proclamation de la République le 4 septembre 1870 ont réveillé dans le Midi une longue tradition jacobine et socialiste. Dans les campagnes et les petites villes du Languedoc, les républicains radicaux et les militants socialistes ont pris racine. À Narbonne, les idées égalitaires circulent dans les cercles ouvriers, les cafés politiques, et surtout au sein de la Garde nationale, qui devient rapidement le bras armé de la population républicaine. Le conflit entre la République modérée de Thiers et les aspirations sociales du peuple s’accentue au fil des semaines.

Lorsque la nouvelle de la Commune de Paris parvient à Narbonne, elle agit comme une étincelle : l’occasion rêvée pour mettre en œuvre, ici aussi, une République du peuple et pour le peuple. La proclamation de la Commune à Narbonne a lieu le 23 mars 1871 suite au déclenchement d'un mouvement insurrectionnel. À sa tête : Émile Digeon, un ancien officier et militant socialiste, élu maire-adjoint quelques mois plus tôt. Républicain fervent, Digeon incarne un socialisme modéré, républicain et antimonarchiste, porté par une volonté de justice sociale plus que par une idéologie révolutionnaire dogmatique. Il forme un Comité de salut public, dans l’esprit des institutions révolutionnaires de 1793. Avec l’appui de la Garde nationale, il proclame la Commune de Narbonne, chasse le sous-préfet et les autorités fidèles à Versailles, et prend le contrôle des bâtiments publics. Une déclaration d’autonomie communale est affichée sur les murs de la ville. Dans cette proclamation, Digeon affirme que la Commune ne reconnaît plus l'autorité de Versailles. Elle se réclame du droit des peuples à s’administrer eux-mêmes, souhaite établir une République locale fondée sur la souveraineté populaire, la justice sociale, l’égalité civique et économique. 

Le programme de Digeon et de son comité inclut : la mise en place d’un pouvoir communal élu et révocable ; Le contrôle des prix pour lutter contre la misère ; La réforme de l’impôt, plus équitable ; Le droit au travail, et l’aide aux plus pauvres ; Le refus de payer les indemnités de guerre à la Prusse, jugées iniques.

Contrairement à la Commune de Paris, celle de Narbonne ne prétend pas à une révolution radicale ou à l’instauration d’un régime communiste, c'est une Commune modérée mais résolument sociale. Elle se situe entre la république montagnarde de 1793 et le socialisme municipal, cherchant à rétablir un lien direct entre le peuple et ses élus. Comme à Lyon et à Marseille, la Commune de Narbonne est isolée. Elle ne bénéficie d’aucun renfort, ni du reste du Languedoc, ni du gouvernement parisien.

Adolphe Thiers dépêche rapidement des troupes gouvernementales, notamment des zouaves et des gendarmes, pour rétablir l’ordre. Le 30 mars 1871, l’armée encercle la ville. Les insurgés, peu armés, mal entraînés, ne peuvent résister longtemps. Digeon, conscient de l’inégalité du rapport de force, choisit d’éviter un bain de sang. Le 31 mars, la Commune est dissoute, sans affrontement majeur. Digeon est arrêté, jugé et condamné à la déportation, avant d’être gracié.

La Commune de Narbonne ne dure qu’une semaine et demeure plus une révolte de dignité qu’une révolution. Il s’agit moins d’une révolution armée que d’une révolte morale, populaire, démocratique, contre un pouvoir jugé illégitime, sourd à la misère du Midi. Elle incarne un élan populaire de résistance au pouvoir central, et une revendication de justice dans une région frappée par l’abandon économique et politique. Elle témoigne de la diffusion, dans toute la France, des idées communalistes et fédéralistes. On y retrouve les mêmes aspirations qu’à Paris ou Marseille : redonner la parole au peuple, abolir les injustices sociales, et faire de la République autre chose qu’un simple drapeau. Narbonne est l’un des rares cas avec Le Creusot de Commune proclamée dans une ville moyenne, loin des centres politiques. Elle prouve que le souffle de 1871 ne fut pas l’apanage des grandes capitales révolutionnaires, mais qu’il atteignit aussi les terres rurales et les bastions populaires du Midi.

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