PHILOSOPHIE | Le philosophe-forgeron
Si le philosophe-médecin est un grand voyant qui ausculte la psychologie et la physiologie, le philosophe-forgeron a un autre usage du marteau. Il ne s'agit plus pour lui d'évaluer de manière sonnante et trébuchante les valeurs et les idiosyncrasies des penseurs et autres discoureurs, mais de forger ses propre outils. Et tant pis pour l'anathème, il s'agit de se créer à l'intérieur comme à l'extérieur, non plus par un praxis (un action) mais par un poiésis à la manière d'Hippias, celui que l'on a tant dévalué. S'il est une chose qu'il faut modifier c'est l'affectivité primordial là où l'esprit de vengeance verra la futilité voire la morbidité d'une civilisation en crise ne retenons que sa natalité et la vague des générations qui érode le socle « perpétuel » de la servitude volontaire. Il s'agit de transformer et de transfigurer les valeur plutôt que de rechercher l'origine d'un principe obscur fondamental. La fonte et la forge et et non le fondement et la fondation. Transvaluer, c'est l'activité qui passe par une éducation, une sélection. C'est que notre philosophe forgeron n'a rien d'un artiste romantique, toujours en réaction à un idéalisme. Il ne maudit pas la coupure avec l'absolu, avec le ciel, ne cherche pas le refuge intermédiaire de l'idéalité matérialiste ou opératoire (Dessanti, Badiou). Le philosophe-forgeron manipule le feu, il est homme de la Terre, il sait qu'en forgeant son activité résonne plus qu'elle ne raisonne, que la Terre vibre à l'unisson du marteau de son ouvrage. Le philosophe-forgeron est le continuateur du philosophe-médecin, celui qui réalise après le grand voyant qui indique la santé du moment et l'éducation à la sauvagerie mais ce philosophe bacchien est un philosophe-artisan, un homme de métier avant tout.
Pour revenir ce que nous disions précédemment. D'une part nous avons le champ opératoire qui « se » voudrait universel (hétéronomie) et de l'autre la volonté qui édicte de textes de lois (homonomie) mais qui a trop vouloir imposer produit ses propres turbulences, ses forçages et active la réaction des territoires autochtones. C'est d'une part le monde de la représentation et d'autre part le monde de la volonté pour parler en terme schopenhauerien. C'est d'une part la structure et d'autre part le sujet, pour parler en termes français des années 60 comme le relevait Merleau-Ponty, par exemple, dans Signes. Mais beaucoup n'ont pas aperçu cet espèce longtemps appelée génie que nous qualifierions plus justement d'autonome, pour la simple raison qu'elle ne produit pas de lois pour les autres mais pour sa propre conduite, pour sa propre éthique et qu'elle ne cherche nullement à la imposer aux autres sous couvert d'un fieffé universalisme comme le font les prêtres homonomes les araignées tisseuses de toiles. N'étant plus dans la vie contemplative des prêtres : c'est touche aussi bien les ascètes de la transcendance que les mystiques de l'immanence. Mais dans la vie active qui rejoint le rythme de la ville. Ces autonomes qui possèdent avant tout leurs territoires respectifs, leurs métiers permettent en fait le plus grand des téléscopage que l'on nomme grande synthèse ou « déterritorialisation ». Cette grande synthèse, cette non fixation est absolue et non relative parce qu'elle regarde l'avenir et non le crépuscule de ce qui est.
C'est en précisant bien à la fois la grande synthèse et ce qui relève du sens et de la dimension de la Terre, que l'on
sort de la mystique immanente que l'on retrouve chez Bergson, Foucault ou Laruelle à la fin de leur vie comme s'ils avaient atteint un certain seuil de vérité. Mais le forgeron est celui qui se
crée ses propres outils, dans le cas du philosophe ses propres concepts et sa propre synthèse.