PENSÉE JUIVE 4 / La circoncision (Polacco et Derrida)
Pour continuer notre recherche sur les traumatismes à l'origine d'une
transformation du cerveau qui pousserait à penser. La tradition classique et trop facilement admise veut que la recherche philosophique commence avec l'étonnement face au monde. Pourtant un
philosophe comme Deleuze par lui de détonnement, de noochoc qui conduit à la constitution d'un automate spirituel. On pourra rappeler notre recherche sur la perte du Père par exemple chez Kant,
Schopenhauer, Nietzsche, son absence qui ne fabriqua pas de Surmoi chez Sartre et cette phrase de Nietzsche qui disait que le fils est l'expression de la folie du Père. Cela conduit bien
longtemps après à surmonter ce traumatisme par un hapax existenciel, une éternité vécue au présent qui leur fera poursuivre interminablement le frisson que l'on nomme communément quête de la
vérité mais qui n'est que la manière dont le système nerveux répondit obstinément à la modification de l'équilibre glandulaire ou endocrinale (les fameuses dépressions de philosophes, leur
sous-déterminations, le fit que pa philosophie adviendrait dans une chute, une réponse à cette modification hormonale).
Nous l'avons aussi vu avec un inventeur comme Tesla, c'est un traumatisme affective et la manière de le surmonter qui produit un changement dans l'utilisation du cerveau : Tesla remercie son frère de lui avoir causé le traumatisme de sa disparition et à partir de là de lui avoir permis de produire dans son cerveau des images synthétiques de ses inventions (il déposa plus de 700 brevets).
Cette fois arrêtons sur l'avantage des Juifs qui leur fait avoir une intelligence supérieure : on pourrait les appeler les traumatisés du 8ème en tant que circoncis. J'aimerai les appeler traumatisé du gland mais des personnes malavisées ne comprendrait pas ce genre d'humour seuls des juifs à l'humour plus poussé, au mépris de soi plus développé comme le soulignait Sarah Kofmann. Si les musulman pratiquent la circoncision lors de la deuxième puberté (11 ans par exemple au Sénégal) les juifs eux la pratiquent dès la première puberté (nourrisson au 8ème jour) : nous prendrons ici l'exemple de deux recherches en ce sens celle de Polacco et celle de Derrida.
Roger Polacco de Ménasce est un Juif issu d'une famille qui fut multimilliardaire au début du 20ième siècle. La famille de Ménasce a encore à Alexandrie, un palais transformé en musée, un lycée, un hôpital, une rue et une statue d'un membre important de sa famille.
Il développa une conscience aiguë de la question juive qui le mena à l'élaboration de "J'ai mal de la terre " et "Synthèse et Vérité". Il réalisa que pendant des millénaires ses congénères
maléficiaient d'une brillante mentalité spéculative mais prédatrice. Elle détermina l'expulsion des Juifs de tous les pays où ils se trouvaient, à toutes les époques et dans toutes les langues et
cela sans exception depuis l'antiquité jusqu'au Moyen Age et à l'époque moderne.
Il chercha à trouver l'origine de cette mentalité radicalement spécifique aux Juifs et jamais au Goyim. Il ne trouva que la circoncision au 8ième jour. Il découvrit alors l'œuvre du Docteur Jean
Gautier qui mit en évidence l'œuvre physiologique la plus importante du monde : l'antériorité fonctionnelle du système hormonale sur le système nerveux. Nous sommes dirigés par notre système
hormonal et non notre système nerveux qui ne joue qu'un rôle très effacé dans des activités complexes.
Il mit en évidence l'existence de la première puberté qui commence au 8ème jour et durera 21 jours. C'est ce jour-là que s'effectue la circoncision qui va perturber toute la première puberté. La
blessure de la circoncision va déterminer une déperdition hormonale de la génitale interne, organe du sens moral, de l'altruisme, de la synthèse et celle-ci va être lésée au profit d'une
sur-stimulation de l'hypophyse et de la thyroïde. D'où les possibilités fatales et déterministes de spéculations sans tenir le moindre compte de la synthèse humaine.
La circoncision, dit Derrida, je n'ai jamais parlé que de ça. Que veut-il dire? Qu'une foule de mots en sont des équivalents : limite, marge, marque,
clôture, anneau, alliance, don, sacrifice, écriture du corps, pharmakos, coupure, ... Qu'ont-ils en commun, tous ces termes?
La circoncision n'a lieu qu'une fois, comme le poème - comme la naissance ou la mort. On n'en a aucun souvenir. Et pourtant, on s'en rappelle. C'est la mienne, je la sens dans mon corps,
hors-langage, je suis circoncis. Je la répète, je la réactive, je rouvre la plaie. A cette date unique, l'individu reçoit un nom en partage.
Bien qu'elle n'ait lieu qu'une fois, elle est double :
- soit on l'arrête, on cautérise la plaie, elle cicatrise complètement et alors elle risque de priver d'avenir. C'est la circoncision religieuse comme épreuve de l'indemne, purification. On peut
la vivre comme une castration ou un théologiciel - qui détermine à l'avance ce que nous serons.
- soit on ne peut jamais l'arrêter. On tourne autour. Les trois points sur les trois i du mot français sont susceptibles, comme le prépuce, de se détacher à tout moment du trait vertical. Aimer
l'autre absent, aimer la vie, transmettre des oeuvres en les altérant, sont des mises en oeuvre de la circoncision.
C'est un événement violent, excessif - qui peut cacher un désir de meurtre. Le pourtour est coupé, laissant un reste qu'on jettera, le prépuce. L'épanchement est suivi d'un arrêt, une
cicatrisation. Mais entre-temps, il y a la plaie qu'on enveloppe de linges, et cet objet sanguinolant (le prépuce) que parfois on mange ou on suce.
Dans la circoncision, on ne sait ni ce qu'on transmet, ni ce qui est intransmissible, mais on boucle une certaine alliance : paradoxale, hétéronomique, qui unit la nudité du corps à l'extériorité
et à la mort. Un anneau se forme qui vaut pour tout homme, toute femme. Peut-être aucun contenu n'est-il transmis, rien, sauf un schibboleth qui reste à déchiffrer. Dès la naissance, son
eschatologie opérait déjà.
La circoncision s'applique au pénis, mais aussi à toute autre partie du corps (lèvres, langue, oreille ou coeur). Même un texte peut être circoncis quand il n'incorpore pas, quand il respecte
l'extériorité de ce qui lui est extérieur.
S'il y a du circoncis, il y a aussi de l'incirconcis, partie douloureuse de soi-même, qui nous juge plus que nous la jugeons. Chaque fois que je m'enveloppe du talith ou que je le touche, je m'en
souviens comme ce qui n'a jamais eu lieu.
Quand Jacques Derrida se présente, quand il inscrit sa vie dans ses textes, il dit : Voici le circoncis. La circoncision est la marque du judaïsme dans son corps et aussi dans son nom. Elle
insiste dans son second prénom, Elie. Il la reçoit des rabbins, mais il la réinvente, la transmute, la réécrit : différance, nouvelle alliance (la troisième) après celles d'Abraham et de Moïse.
Il la compare à l'écriture d'un livre - elle est alors auto-circoncision et auto-fellation. Opération sans sujet, elle produit un écran ou un écrin où peuvent se lire les souvenirs et les
écrits.
La circoncision est un stratagème pour une alliance hétéronomique [hétéronomique signifie qu'il n'y a pas de vérité pour la soutenir]. Là où le prépuce ne recouvre plus, le juif est plus
exposé à l'extériorité. Il se protège comme le peut, par l'intériorité, le pseudonyme, l'ironie, le détour [ou le retrait] ou par un surcroît de vêtements, ou encore par des rites, le
rassemblement dans une famille, [la religion], ou encore par ses écrits qui sont aussi les schizes de sa circoncision. Derrida, pour ce qui le concerne, stocke ses écrits dans son ordinateur
(qu'il a surnommé : le subjectile - terme d'Artaud). Le disque dur n'oublie rien, il a une structure anamnésique.