La Philosophie à Paris

Castoriadis

21 Mars 2006, 21:55pm

Publié par Paris 8 philo

Cornélius Castoriadis

économiste, psychanalyste et philosophe grec, 1922-1997

 

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Vie de Cornélius Castoriadis

Grec né en Turquie, Cornélius Castoriadis est mort à Paris le 26 Décembre 1997. Adolescent, il avait rallié en 44 à Athènes le trotskisme et fuit la répression en France dès 45. Il rompt alors avec le trotskisme, dénonce le marxisme d'état autant que le capitalisme, qualifiant le stalinisme de facteur contre-révolutionnaire bien avant 56. Il sera cofondateur du groupe et de la revue Socialisme ou barbarie".

Economiste à l'OCDE de 1948 à 1970, psychanalyste à partir de 73, il finit par se consacrer à la recherche philosophique et sera nommé en 1980 directeur d'études à l'EHESS. Sa pensée témoigne de cette démarche expérimentale, synthèse profonde qu'il aura développée entre socio-politique, psychanalyse et philosophie. Il portera des critiques répétées : contre l'orthodoxie économique capitaliste, contre le marxisme et tous ses dérivés (ou ses dérives), sur l'école lacanienne, envers le post-modernisme, contre les nouveaux philosophes. Ce côté indomptablement hérétique, l'originalité de sa pensée et son peu de goût pour les média feront de lui un penseur en marge des discours consensuellement corrects...

S'il voit en Platon "la première grande tentative de faire taire la philosophie", il reconnaît chez Freud, autant que dans sa pratique personnelle de l'analyse, ce qu'il va nommer les Significations Imaginaires Sociales comme fondamentalement constitutives de l'individu et de la société. Castoriadis est en cela fondateur : sa pensée ne dissocie pas le sujet, l'individu, de la société. Elle n'oppose pas l'un à l'autre. Elle ne les subordonne pas non plus : individu et société se créent ensemble l'un par l'autre. Dans la pensée de Castoriadis, c'est la psyché qui résiste à l'individu compris comme création sociale.

Il y a autant de Significations Imaginaires Sociales que de sociétés ; les institutions sont leur expression. Il analysera ce double concept sous divers rapports - histoire de l'Europe, des sciences, de la philosophie et des institutions, analyse des rapports sociaux et socio-politiques, analyse comparée des systèmes, psychanalyse. Il note que pour la première fois, dans l'Europe de la fin du XXème siècle, apparaîssent des sociétés capables de remettre en question leurs SIS, ce qui constitue une rupture historique.

A l'appui de ses études, il pose radicalement l'exigence de la démocratie et de l'auto-gestion (forme sociale permettant par excellence le jeu créateur des SIS) : il démontre que le "Social-Historique" est création permanente, et ne peut l'être effectivement qu'à condition qu'il y ait autonomie des sujets sociaux et autonomie des sociétés elles-mêmes dans lesquelles ils vivent, qui les créent eux-mêmes en tant qu'individus et qu'ils créent eux-mêmes, ou en tout cas y tendent - faute de quoi les individus deviennent "malades" et leurs sociétés, crispées sur la négation qu'elles font d'autres sociétés, finissent par s'effondrer.

Cette dynamique l'amène enfin à préciser la distinction d'espace public et d'espace privé. Et il distingue ici non pas deux espaces mais trois : 1° l'espace strictement privé (celui où la psyché est souveraine des représentations, et significations qui lui plaîsent), 2° l'espace de l'Agora, où public et privé doivent s'articuler : c'est celui des liens sociaux, de la culture et des rites, celui aussi de l'entreprise, du travail par l'autogestion, celui des élections et des décisions civiques, : il pose ici la révocabiilité, par exemple, de tout élu ; enfin 3° l'espace strictement public, celui des institutions, dont doit dépendre l'éducation notamment, et celui du "politique" en général, au niveau duquel il critique radicalement toute oligarchie tendant à confisquer cet espace au profit de quelque intérêt privé que ce soit.

Voici les dernières lignes qu'il a écrites :

"La seule limitation véritable que peut comporter la démocratie est l'auto-limitation, qui ne peut être que la tâche et l'oeuvre des individus éduqués par et pour la démocratie. Une telle éducation est impossible sans l'acceptation du fait que les institutions que nous nous donnons ne sont ni absolument nécessaires dans leur contenu, ni totalement contingentes. Cela signifie qu'il n'y a pas de sens qui nous soit donné comme cadeau, et pas davantage de garant ou de garantie du sens, qu'il n'y a pas d'autre sens que celui que nous créons dans et par l'histoire. Autant dire que la démocratie, comme la philosophie, écarte nécessairement le sacré ; en d'autres termes encore, elle exige que les êtres humains acceptent dans leur comportement réel ce qu'ils n'ont presque jamais voulu accepter vraiment, et qu'au fond de nous-mêmes nous n'acceptons pratiquement jamais, à savoir que nous sommes mortels. Ce n'est qu'à partir de cette conviction indépassable -et presque impossible- de la mortalité de chacun de nous et de tout ce que nous faisons que nous pouvons vivre comme des êtres autonomes, voir dans les autres des êtres autonomes et rendre possible une société autonome."

 

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Bibliographie (principaux ouvrages) :

"L'Institution Imaginaire de la société" (1975) Points/Essais Seuil n° 383 "Les Carrefours du labyrinthe" (1978) Points/Essais Seuil n° 369 "Domaines de l'homme" (Les Carrefours du Labyrinthe II) 1986, Points/Essais Seuil n° 399 "Le Monde morcelé" (Les Carrefours du labyrinthe III) La couleur des idées / Seuil 1990 "La Montée de l'insignifiance (Les Carrefours du Labyronthe IV) La couleur des idées / Seuil 1996 "Fait et à faire" (Les Carrefours du Labyrinthe V) La couleur des idées / Seuil 1997 "Figures du pensable" (Les Carrefours du labyrinthe VI) La couleur des idées / Seuil 1999

Pensée politique, la rupture grecque par Cornelius Castoriadis

L’institution Imaginaire de la Société de Cornelius Castoriadis (Éditions du Seuil, coll. “ Esprit ”, 1975)
PREMIERE PARTIE : MARXISME ET THÉORIE RÉVOLUTIONNAIRE

Résumé des pp. 11 à 96 

Psychanalyse et politique de Cornélius Castoriadis est paru dans la revue "Le Passant Ordinaire"  N° 34 (avril 2001 - mai 2001)   

ENTRETIEN AVEC CORNELIUS CASTORIADIS à Cerisy La salle en 1990

Un monde à venir - par Cornélius Castoriadis propos recueillis par Olivier Morel en 1994

Les racines psychiques et sociales de la haine Cornelius CASTORIADIS 

Haine de soi, haine de l'autre par Cornelius Castoriadis  

Cornelius Castoriadis, Post-scriptum sur l'insignifiance.

La culture dans une société démocratique Par Cornélius Castoriadis

 

Analyses

introduction à Castoriadis - par S. Barbery

LE PROJET D'AUTONOMIE de Cornelius Castoriadis
La pensée politique de Cornelius Castoriadis  - Résumé du projet d’autonomie
Cornélius Castoriadis : Le projet d'autonomie - Note de lecture un livre de Gérard David aux éditions Michalon paru en 2000  
Cornélius Castoriadis, Le projet d'autonomie - Par George Bertin Note de lecture 
Cornélius Castoriadis : Le projet d'autonomie - Gérard David, Note de lecture par Jean Zin
LA PENSÉE POLITIQUE DE CORNELIUS CASTORIADIS LE PROJET D’AUTONOMIE  

FIGURES DU PENSABLE de Cornelius Castoriadis
Radicalité de l'imagination - Note de lecture Par Robert Redeker
Un veilleur éveilleur : Cornélius Castoriadis - par Anne-Brigitte Kern

Imaginaire social et politique: Quand le système entre en dérive -  Par Georges Bertin

Cornelius Castoriadis est un de nos plus grands penseurs par Florence GIUST-DESPRAIRIES 
 
Il faut imaginer la suite de l’histoire... avec Castoriadis 

L’analyse du phénomène bureaucratique chez Castoriadis  - par Christophe Prémat

Sur Castoriadis et la technique 

Castoriadis, le rebelle ! 

L’analyse du phénomène bureaucratique chez Castoriadis



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