La Philosophie à Paris

LA PERTE DU GENRE / Les grossesses artificielles

6 Juillet 2008, 18:18pm

Publié par Le Cazals

Sur la perte du genre qui est une répartition des tâches domestiques au sein du foyer et hors de la sphère publique et une mise sous le joug des femmes depuis l’acte sexuel jusqu'au moment de l'accouchement (qui chez l'homme est toujours prématuré du fait de la taille de la tête). Ce qui se joue, sous la perte du genre, est du même ordre que le passage des sociétés matriarcales aux sociétés patriarcales. Les sociétés matriarcales avaient leurs déesses de la fécondité puisqu'alors on avait fait le approchement entre l'acte sexuel et la grossesse : les enfants naissant de manière inexpliquée. Quant aux sociétés patriarcales, leur sommet reste le droit romain qui avait inventé la notion de ventre, c'est-à-dire le fils potentiel qui n'appartient pas à la femme mais à la cité : citons pour cela Tacite, lequel reprend Aulu-gelle : « A la nature de la mère les juristes opposent la nature de l'enfant à naître. Celui-ci est dans la mouvance du père, lequel relève de l'Etat : « Tout doit être mis ne oeuvre pour que le fœtus formé (partus) voie le jour. Le ventre doit être nourri. Si ce n'est pour son Père [dans le cas où celui-ci est mort], que ce soit au moins pour l'Etat, qu'il accroît par sa naissance ». Pour le Père, pour l'Etat [ou la dite Patrie].  Ou comme le dit aussi Ivan Illich « le ventre maternel est déclaré territoire public » (illGV_81).

Il y a aujourd'hui avec la dissociation de la procréation et de la sexualité — via la contraception — et plus encore avec la distinction entre grossesse ovarienne et grossesse utérine — via les mères porteuses — une remise en cause du patriarcat. On retrouve cela, par exemple dans l’œuvre de Nietzsche, à travers le sentiment de décadence des bien-nés et la perte de la virilité dont la peur des femmes est chez Nietzsche, depuis son enfance, un symptôme : celle-ci est parfois misogynie. Mais si l'énigme de la femme telle qu'elle se conçoit ou que sa mère la conçoit est la grossesse, alors non seulement il y a perte de la virilité mais le système patriarcal saute et avec lui la patrie : « Aujourd'hui, contraints de dire adieu au patriarche, ils doivent réinventer le père et la virilité qui s'ensuit » (Elisabeth Badinter). Ceci se produit d'abord par le contrôle de la contraception et donc des naissance par les femmes elles-mêmes mais plus important : Le pouvoir des femmes sur la reproduction se trouverait dépossédé [Atlan, p. 151-152] par une nouvelle chimère qui consisterait à pallier les 24 premières semaines de la grossesse utérine par des machines : jusqu'à présent on ne sait remplacer le cordon ombilical et le placenta du ventre de la mère mais des recherches scientifiques tentent d'y trouver un substitue artificiel. Il n'y aurait plus alors, par-delà tout jugement moral, de grossesse comme condition inéluctable de la femme, ce ne serait plus qu'un choix de vie volontaire ou insoumis. Cette chimère, notons-le, coïncide avec le tout économique, avec l'idée de la vie active comme un flux tendu, ce qu'elle n'est pas en réalité, mais ce nouveau genre de grossesse artificiel irait dans le sens de la promotion des femmes au sein de l'entreprise. Ce qui ressurgirait là, ce serait un certain nombre de superstitions qui oublieraient que déjà des enfants vivent leur derniers mois de grossesse, c'est-à-dire après les 24 premières semaines, et ne semblent avoir qu'une affectivité différente. Remarquons que les fœtus en fin de grossesse n'ont pas de contact direct avec la mère sauf par les coup de pieds et leurs oreilles qui entendent les battements de cœur ou sa voix car ils baignent dans le liquide amniotique ; ces condition hormis la médiation du cordon ombilical et du placenta peuvent être récréer en couveuse, avec une manipulation tactile un peu différente. Nombre de femmes voient la réalisation de leur vie dans la maternité et les angoisses que cela suscite et les bébés sous couveuse ou sous utérus artificiel, seront réticentes à cette artificialisation de la grossesse. Pourtant et c’est là une inconnue supplémentaire, les grossesses pourront être menées au-delà du terme actuel alors que la taille critique de la tête, par rapport au bassin de la femme, impose pour notre espèce une gestation de 9 mois alors qu’elle est de deux ans par exemple chez l’éléphant. Un nouveau terme de grossesse, donc de nouveaux individus, qui n’auront pas connus les mêmes maladie infantiles, mais pas seulement :  « La suppression de la grossesse et de l’accouchement, bouleversant la réalité physique de la maternité, risque d’entraîner sinon la disparition de tout sentiment maternel, du moins des modifications profondes dans la façon qu’aura une femme de concevoir et de vivre une maternité éventuelle. En fait, la maternité, dans les conditions d’une ectogenèse [grossesse artificielle] deviendrait très proche de la paternité » (Atlan, p. 150-151).

Si la féminité se détache de la maternité — qui tourne tout entière autour de la grossesse et si la virilité se détache de la patrie alors il en sera finit de la prééminence des genres… Place aux sexes… « La différence des sexes dans la procréation et la filiation aura disparu en tant que donnée de la nature immédiate » (Atlan p. 132)

Notons que nombre de grossesse ne sont pas connues dès les première semaine ce qui amoindrie l’importance psychologique de la grossesse utérine dans le fait d’être mère. Notons aussi le cas des dénis de grossesse : ces mères qui jettent à la poubelle leur bébé mort-né comme si ce n’était pas leur bébé, simplement parce que n’ayant ressenti leur grossesse, ces « mères » n’ont pas fait le lien entre le fœtus mort-né et leur aïeux, leur lignées. Ceci démontre l’importance instinctive de la lignée et donc de la famille (que les Grecs comprenaient aussi comme le « genre ») dans la grossesse chez la femme et la maternité indépendamment de toute gestation. Notons surtout que les nouveau-nés humians dont la durée de gestation est écourté en comparaison des éléphants — à cause de la taille critique de la tête par rapport au bassin pourront dépasser ce que l’on qualifie volontiers de « prématuraté physiologique » (Henri Laborit) ou « anthropologique » (Jacques Poulain). C’est-à-dire que les nouveaux-né se considèrent comme des ensembles solipsistes, des « moi-tout » du fait que ce sont de grands voyant mais et qu’il n’y a que la coordination des sens et des membres au travers de l’action qui les font sortir de ce . On pourrait oser un parallèle avec l’incapacité motrice des grands voyants et détachés de la vie que sont les philosophes, qui les poussent à créer des systèmes philosophiques où au fond avoir en vue c’est faire (horan = dran pour Platon). « Mais on ne connaît pas vraiment, sinon par des conjectures pllus ou moins hasardeuses, quelles sont dans les détails les voies de communication et les mécanismes par lesquels la symbiose mère-fœtus agit sur l’affectivité et, plus généralement, sur la personnalité du futur enfant. « Les enfants nés dans des utérus semi-artificiels, dans des machines, auront une affectivité modifiée mais la possibilité de demeurer moins longtemps dans un état de prostration face au monde du fait d’une capacité motrice plus importante à la naissance. On peut même penser que ce que l’on nomme le paradis perdu ou originel du ventre de la mère est avant tout l’état solipsiste de grand voyant qu’éprouve le nouveau-né, c’est dans les 10-12 premiers mois que les stimuli sensoriels de solisipsiste s’inscrive dans la mémoire. « Le nouveau-né va se trouver bombardé par des stimuli variés en quittant le milieu très appauvri des la poche des eaux dans laquelle il a grandi jusque-là … Du fait de sa prématuration physiologique, le nouveau-né de l’homme sera limité dans ses actions sur le monde qui l’entoure. Il restera longtemps enfermé dans son « moi-tout ». » LabIA_51 C’est en jouant davantage sur la durée de la gestation et le moment choisi de la naissance avec son bombardement de percepts et d’affects que sur la qualité de l’environnement de gestation que les futurs enfants auront une affectivité et action sur le monde modifiée. Mais on peut penser que c’est la courte durée de la gestation chez l’homme qui l’a poussé à  compenser sa déficience motrice, déficience qui le pousse pour sa survie à se construire un système d’approche du monde d’abord solipsiste à l’image des premiers systèmes philosophiques fermés sur l’identité.

Ceci vaut pour le nouveau-né, mais la différence moins marquée entre l’homme et la femme entendus comme deux sexes et non plus deux genres bien déterminés au sein du foyer, forme un pas supplémentaire vers le surhomme, c’est-à-dire l’homme sans Dieu le Père. Le sexe sera libéré du genre — procréation de la lignée comme l’affirme déjà Ivan Illich (illGV_65-69/78-83) ou Henri Atlan (AtlUA_135) La question de l’homme — plutôt que de la femme ou de l’espèce — était celle de Dieu le Père, déjà chez les Grecs (Atlan, UA_135) et c’est cela qui meurt avec la procréation artificielle. Les questions des sociétés matriarcales étaient centrées autour de la fécondité, de la Mère-Nature mais certainement pas autour de l’homme. Le surhomme n’est pas une histoire d’humain amélioré par la morale ou de bête blonde, mais pose davantage la question du rapport homme femme sans le Dieu de la (pro)création pour les chapeauter. Machina ex Deus.

 

Poser la question de la procréation artificielle c’est faire qu’elle tombe dans la société civile et on qu’elle soit le jouet d’un état autoritaire — mondialisé ou partitionné —  comme pouvait l’être avec le contrôle des naissances la société spartiate ou les lebenborn nazis (orphelinats sélectionnant la « race » aryenne)

 

Ainsi la procréation devenait externe à la matrice féminine, il en serait fini du genre, on en serait à une démocratie des sexes (sans tao ni tantra). C’est peut-être pour cette sexualité consumable que Illich pense que le genre est ce qui protège la femme et qu’à son sens « seule une réelle philosophie du genre pourrait fournir une explication satisfaisante [à cela] — cette philosophie n’existe pas encore. » IllGV_82.  Une philosophie de la pro-création serait non la perpétuation d’une lignée basée sur le genre mais l’affirmation de valeur nouvelles et un effort mené sur soi qui s’oublie dans une fuite et une lutte récompensées.

 



Bibliographie

références cours de Loraux sur l'endurance du geons

Le genre vernaculaire d'Ivan Illich

Utérus artificiel d'Henri Atlan

Nietzsche "l'énigme de la femme est la grossesse"



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A
Très intéressant tout cela, surtout concernant la procréation de "nouveaux individus". Toutefois, une chose m'échappe, la "réinvention du père". Ne nous leurrons-nous pas sur le caractère naturel de la paternité et la maternité? Ces attitudes qui semblent naturellement inscrites dans le corps sont bel et bien des institutions purement culturelles, non?
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M
très intéressant : " la taille critique de la tête....impose 9 mois pour alors qu'elle est de deux ans par exemple chez l'éléphant." Métaphysiquement, dans cette suite de logique, combien de temps pour la tête d'un enfant spirituel émanant de Dieu ? Et pourtant !
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