CINEMA / Ce qu'on a pensé de "There will be blood"
...Impressionnant!
I / Les personnages
Le personnage principal joué par Day-Lewis est à la fois d'une dureté extrême, mais aussi d'une ambiguité troublante. Le film explique à peine son parcours: un père volage, un frère inconnu... une chose est sûr: il déteste l'humanité et il dit lui même qu'il veut être riche pour éloigner le monde. Il est dur, pathétique, cruel, il écrase tout autant physiquement que psychologiquement, toute résistance est comprise comme de l'agression... toujours sur ses gardes, la moindre déception provoque en lui une haine froide et irréversible pour son prochain, que ce soit son fils (pourtant adoptif), son frêre (enfin...). Aucun signe de tendresse ou d'amitié n'est acquis, il attend toujours le pire, et quand il cherche, il trouve.
Et pourtant il s'occupe d'un orphelin, il terrorise un père pour qu'il arrête de battre sa fille, il accueille un frère qu'il croyait inconnu... mais un à un, ils sont tous éjectés du parcours à tort ou à raison. Ce film prend place à une période où la société américaine était portée par la foi et l'ambition des pionniers! Il fallait vaincre, s'enrichir... quitte à escroquer, voler, tuer. Mais la malaise autour de ce personnage, c'est l'individualisme cynique : aucune femme autour de lui, aucun ami, aucune famille, même la richesse ne lui apporte pas la satisfaction du confort... Il vit dans un chateau à la fin du film comme il vivait au désert au début: seul, saoul, violent enver lui-même.
Les autres personnages ne rattrappent pas les hommes: les prophètes illuminés sont autant pourris d'ambition, les braves gens sont victimes à souhait, les grands patrons méprisants du travail ou de la réussite des petites gens.
Impressionnant, à voir, mais ce n'est pas un moment de détente.
Reste des images d'une réelle beauté plastique: le derrick en flamme développe des couleurs superbes. Et une bande son inquiétante faite de musique mécanique scandée, de bruit de choc répétés, de cordes criardes, qui complètent une ambiance stressante, entre bruit sourds, et sons trop forts.
II / La politique derrière le film
J'ajouterai néanmoins le volet politique à cette critique, proposé par un
œil (enfin deux) altermondialiste.
Le film susmentionné est tiré d'un livre d'Upton Sinclair connu pour être un
écrivain américain progressiste de la 1ère moitié du 20ème siècle.
Le livre en question développe (paraît-il, je ne l'ai pas encore lu)
beaucoup plus le volet politique très critique à l'égard de la société
américaine d'alors que ne le fait le film.
Mais si celui-ci développe donc assez peu ledit aspect politique, il n'en
dissémine pas moins des petites pierres (plus ou moins précieuses) au fil de
son passage sur nos iris.
1°) Individualisme :
Le personnage principal, Franck l'a dit, commence et finit seul cette
histoire : n'est-ce pas une allusion à l'individualisme de plus en plus
marqué qui est développé dans nos sociétés occidentales ? On "s'amuse",
entre autres détails, de constater par exemple au milieu du film que la
voiture utilisée par Daniel Day-Lewis est monoplace.
Portrait caricaturé à l'extrême ici, puisque même pas entouré d'un peu de
famille ou de quelques amis.
2°) Spoliation
Si une information monnayable - comme celle de nouveaux gisements, par
exemple - atterrit dans le pavillon auriculaire de notre "gai luron", on
voit de quelle manière il achètera des terres (qui ne valaient rien
jusqu'ici, parce que trop arides) à des propriétaires n'ayant ni les
connaissances ni les moyens ni les compétences de faire valoir leurs droits.
Il n'y a guère que l'apprenti prêcheur qui a conscience de l'entourloupe et
qui montre ses talents de meneur (manipulateur ?) à l'occasion.
Les propriétaires seront ainsi dépossédés de leurs biens fonciers (sans
avoir à déménager, néanmoins) pour quelques milliers de dollars, à comparer
aux millions acquis par l'exploitation de ces gisements ensuite qui finiront
par faire de notre "humaniste" un milliardaire.
3°) Exploitation
Les conditions de vie des travailleurs n'est pas très enviable même si l'on
manque là aussi de détails et surtout, la valeur de la vie est "relative" au
côté de la barrière duquel on se trouve. On assiste en effet à quelques
accidents du travail, dont un mortel, et on reste un peu coi de voir quel
est le type de préoccupation de notre "patron du moment" lors du constat :
on interrompt le travail pendant quelques heures mail il ne faut pas trop
faire baisser les cadences tout de même. On note également que des
arrangements sont possibles avec le clergé (certes caricatural, lui aussi)
local, du moment que le pouvoir de chaque obédience (au sens large)
n'empiète pas (trop) sur les autres...
4°) Concurrence "loyale"
La concurrence est illustrée ici par une rencontre entre deux "adversaires"
économiques de l'industrie pétrolière encore naissante lors d'une
proposition de rachat (las fusions/acquisitions ne datent en effet pas
d'hier) de la société de DDL (Daniel Day-Lewis). La société concurrente
compte sur le fait qu'elle possède également la voie ferrée locale pour
contraindre DDL à vendre : par des procédés peu respectueux de la
"concurrence loyale et non faussée" imagine-t-on...
Le problème pour ce concurrent, c'est que DDL ne manque pas d'idées et qu'il
va songer à l'installation d'un pipeline pour acheminer son pétrole vers des
contrées plus industrialisées; ce qui l'affranchira d'avoir à subir la
pression peu amène de ce concurrent en sollicitant le train comme moyen de
transport de sa "marchandise".
5°) Compétition
Un des moments forts du film est une explication entre DDL et son fils
adoptif. Le peu d'humanité qui habitait jusqu'ici notre "compagnon vespéral"
sera détruit par ce quasi monologue (le fils adoptif est sourd, suite à
l'explosion d'un derrick), où il retirera ses derniers (lambeaux d') habits
d'être humain : toutes ses actions ont toujours eu pour motif des
considérations qui n'avaient rien à voir avec l'amour, l'amitié,
l'altruisme, l'empathie ou une quelconque forme d'humanisme.
On s'en doute mais on peut le vérifier aisément, cette histoire est une
pseudo-fiction. Il s'agit en fait de la vie d'un industriel du pétrole ayant
réellement existé (Edward L .DOHENY) qui a certainement été un peu "romancé"
: on l'espère pour son entourage de l'époque, en tous cas.
Je terminerai en disant qu'on est tentés pendant le visionnage, de se dire
que nonobstant la prestation magistrale de DDL, il en fait quand même un
petit peu trop.
Mais si l'on compare cette pseudo-fiction à la réalité - à laquelle
l'actualité plus ou moins récente n'échappe pas : fusions/acquisitions et
concentration des richesses en augmentation constante, procès de l'amiante
contre ALSTOM, suicides dans les usines, spoliation des juifs par des
banques suisses, etc. -, on se dit que finalement notre "ami" avait encore
de la marge...
I / Les personnages
Le personnage principal joué par Day-Lewis est à la fois d'une dureté extrême, mais aussi d'une ambiguité troublante. Le film explique à peine son parcours: un père volage, un frère inconnu... une chose est sûr: il déteste l'humanité et il dit lui même qu'il veut être riche pour éloigner le monde. Il est dur, pathétique, cruel, il écrase tout autant physiquement que psychologiquement, toute résistance est comprise comme de l'agression... toujours sur ses gardes, la moindre déception provoque en lui une haine froide et irréversible pour son prochain, que ce soit son fils (pourtant adoptif), son frêre (enfin...). Aucun signe de tendresse ou d'amitié n'est acquis, il attend toujours le pire, et quand il cherche, il trouve.
Et pourtant il s'occupe d'un orphelin, il terrorise un père pour qu'il arrête de battre sa fille, il accueille un frère qu'il croyait inconnu... mais un à un, ils sont tous éjectés du parcours à tort ou à raison. Ce film prend place à une période où la société américaine était portée par la foi et l'ambition des pionniers! Il fallait vaincre, s'enrichir... quitte à escroquer, voler, tuer. Mais la malaise autour de ce personnage, c'est l'individualisme cynique : aucune femme autour de lui, aucun ami, aucune famille, même la richesse ne lui apporte pas la satisfaction du confort... Il vit dans un chateau à la fin du film comme il vivait au désert au début: seul, saoul, violent enver lui-même.
Les autres personnages ne rattrappent pas les hommes: les prophètes illuminés sont autant pourris d'ambition, les braves gens sont victimes à souhait, les grands patrons méprisants du travail ou de la réussite des petites gens.
Impressionnant, à voir, mais ce n'est pas un moment de détente.
Reste des images d'une réelle beauté plastique: le derrick en flamme développe des couleurs superbes. Et une bande son inquiétante faite de musique mécanique scandée, de bruit de choc répétés, de cordes criardes, qui complètent une ambiance stressante, entre bruit sourds, et sons trop forts.
II / La politique derrière le film
J'ajouterai néanmoins le volet politique à cette critique, proposé par un
œil (enfin deux) altermondialiste.
Le film susmentionné est tiré d'un livre d'Upton Sinclair connu pour être un
écrivain américain progressiste de la 1ère moitié du 20ème siècle.
Le livre en question développe (paraît-il, je ne l'ai pas encore lu)
beaucoup plus le volet politique très critique à l'égard de la société
américaine d'alors que ne le fait le film.
Mais si celui-ci développe donc assez peu ledit aspect politique, il n'en
dissémine pas moins des petites pierres (plus ou moins précieuses) au fil de
son passage sur nos iris.
1°) Individualisme :
Le personnage principal, Franck l'a dit, commence et finit seul cette
histoire : n'est-ce pas une allusion à l'individualisme de plus en plus
marqué qui est développé dans nos sociétés occidentales ? On "s'amuse",
entre autres détails, de constater par exemple au milieu du film que la
voiture utilisée par Daniel Day-Lewis est monoplace.
Portrait caricaturé à l'extrême ici, puisque même pas entouré d'un peu de
famille ou de quelques amis.
2°) Spoliation
Si une information monnayable - comme celle de nouveaux gisements, par
exemple - atterrit dans le pavillon auriculaire de notre "gai luron", on
voit de quelle manière il achètera des terres (qui ne valaient rien
jusqu'ici, parce que trop arides) à des propriétaires n'ayant ni les
connaissances ni les moyens ni les compétences de faire valoir leurs droits.
Il n'y a guère que l'apprenti prêcheur qui a conscience de l'entourloupe et
qui montre ses talents de meneur (manipulateur ?) à l'occasion.
Les propriétaires seront ainsi dépossédés de leurs biens fonciers (sans
avoir à déménager, néanmoins) pour quelques milliers de dollars, à comparer
aux millions acquis par l'exploitation de ces gisements ensuite qui finiront
par faire de notre "humaniste" un milliardaire.
3°) Exploitation
Les conditions de vie des travailleurs n'est pas très enviable même si l'on
manque là aussi de détails et surtout, la valeur de la vie est "relative" au
côté de la barrière duquel on se trouve. On assiste en effet à quelques
accidents du travail, dont un mortel, et on reste un peu coi de voir quel
est le type de préoccupation de notre "patron du moment" lors du constat :
on interrompt le travail pendant quelques heures mail il ne faut pas trop
faire baisser les cadences tout de même. On note également que des
arrangements sont possibles avec le clergé (certes caricatural, lui aussi)
local, du moment que le pouvoir de chaque obédience (au sens large)
n'empiète pas (trop) sur les autres...
4°) Concurrence "loyale"
La concurrence est illustrée ici par une rencontre entre deux "adversaires"
économiques de l'industrie pétrolière encore naissante lors d'une
proposition de rachat (las fusions/acquisitions ne datent en effet pas
d'hier) de la société de DDL (Daniel Day-Lewis). La société concurrente
compte sur le fait qu'elle possède également la voie ferrée locale pour
contraindre DDL à vendre : par des procédés peu respectueux de la
"concurrence loyale et non faussée" imagine-t-on...
Le problème pour ce concurrent, c'est que DDL ne manque pas d'idées et qu'il
va songer à l'installation d'un pipeline pour acheminer son pétrole vers des
contrées plus industrialisées; ce qui l'affranchira d'avoir à subir la
pression peu amène de ce concurrent en sollicitant le train comme moyen de
transport de sa "marchandise".
5°) Compétition
Un des moments forts du film est une explication entre DDL et son fils
adoptif. Le peu d'humanité qui habitait jusqu'ici notre "compagnon vespéral"
sera détruit par ce quasi monologue (le fils adoptif est sourd, suite à
l'explosion d'un derrick), où il retirera ses derniers (lambeaux d') habits
d'être humain : toutes ses actions ont toujours eu pour motif des
considérations qui n'avaient rien à voir avec l'amour, l'amitié,
l'altruisme, l'empathie ou une quelconque forme d'humanisme.
On s'en doute mais on peut le vérifier aisément, cette histoire est une
pseudo-fiction. Il s'agit en fait de la vie d'un industriel du pétrole ayant
réellement existé (Edward L .DOHENY) qui a certainement été un peu "romancé"
: on l'espère pour son entourage de l'époque, en tous cas.
Je terminerai en disant qu'on est tentés pendant le visionnage, de se dire
que nonobstant la prestation magistrale de DDL, il en fait quand même un
petit peu trop.
Mais si l'on compare cette pseudo-fiction à la réalité - à laquelle
l'actualité plus ou moins récente n'échappe pas : fusions/acquisitions et
concentration des richesses en augmentation constante, procès de l'amiante
contre ALSTOM, suicides dans les usines, spoliation des juifs par des
banques suisses, etc. -, on se dit que finalement notre "ami" avait encore
de la marge...
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