ARISTOCLES D'ATHENES / Le Banquet 174a-178a
[174d] « mais seulement sur ton invitation. »
« ‘Si deux vont ensemble,’ » observa-t-il, « ‘il y en a toujours un devant l'autre’ dans la préparation de ce que nous devons dire. Eh bien, allons-y. »
Après une telle conversation, me dit-il, ils partirent. Puis Socrate, absorbé dans ses propres pensées en route, se retrouva en retard ; et lorsque mon ami commença à l’attendre, il lui dit de continuer sans lui.
[174e] « Il arriva donc chez Agathon et trouva la porte ouverte ; il se retrouva dans une situation plutôt ridicule. Car il fut immédiatement accueilli par un serviteur de l'intérieur, qui le conduisit où se trouvait la compagnie allongée, et il les trouva justement prêts à dîner. Cependant, dès qu’Agathon le vit, il s'exclama : “Ah, Aristodème, sois le bienvenu à notre table ! Si tu es venu pour une autre raison, remets-la à un autre moment : hier encore, je suis allé te chercher pour t’inviter, mais je n'ai pas pu te voir. Mais pourquoi ne nous amènes-tu pas Socrate ?”
À ce moment-là, je suis retourné chercher Socrate, dit-il, mais je ne vis aucun signe de lui me suivant : je leur ai donc expliqué que j'étais venu avec Socrate, puisqu'il m'avait demandé de dîner avec eux.
“C'est très bien de ta part d'être venu,” dit Agathon, “mais où est-il, cet homme ?” »
[175b] « Mais Aristodème s’y opposa : “Non,” dit-il, “laisse-le ; c’est une habitude chez lui. Parfois il se détourne, n’importe où au hasard, et il se tient là. Il sera ici bientôt, j’en suis sûr. Ne le dérangez pas ; laissez-le tranquille.”
“Très bien alors,” dit Agathon, “comme tu l’estimes le mieux. Venez, garçons,” appela-t-il aux serviteurs, “servez le repas pour nous autres. Vous pouvez mettre ce que vous voulez, maintenant que vous n’avez personne pour vous diriger (une méthode que je n’ai jamais essayée auparavant). Aujourd’hui, imaginez que moi et toute la compagnie sommes venus sur votre invitation, alors prenez soin de nous et méritez nos compliments.”
[175c] « Là-dessus, dit-il, ils commencèrent tous le dîner, mais Socrate n'était pas encore arrivé ; et bien qu'Agathon donnât sans cesse l'ordre d'aller le chercher, mon ami ne le permit pas. Lorsqu'il arriva, ce fut après ce qui, pour lui, n'était pas un grand retard, puisqu'ils n'en étaient qu'à peu près à mi-dîner. Alors Agathon, qui se trouvait par hasard assis seul à la place la plus basse, dit : “Viens ici, Socrate, assieds-toi à côté de moi, afin que par le contact avec toi…” »
[175d] « Il se peut que je tire quelque bénéfice de cette parcelle de sagesse qui t'est venue dans le vestibule. Il est clair que tu l'as découverte et que tu l'as saisie, car tu ne serais pas parti avant de l'avoir fait. »
Socrate : Ce serait merveilleux, Agathon, si la sagesse était quelque chose qui pouvait passer de celui d'entre nous qui est le plus plein à celui qui est le plus vide, simplement par le contact entre nous, comme l'eau passe à travers la laine du gobelet plein au gobelet vide. Si telle est réellement la nature de la sagesse, j'accorde une grande valeur à être assis à côté de toi. [175e] « Je m'attends à être rempli d'une excellente sagesse abondamment tirée de vous. La mienne n'est que médiocre, aussi discutée qu'un rêve ; mais la vôtre est brillante et expansive, comme nous l'avons vue récemment briller dans votre jeunesse, forte et splendide, aux yeux de plus de trente mille Grecs.
Éryximaque : Le début de ce que j'ai à dire se trouve dans les mots de la Melanippe d'Euripide, car 'ce n'est pas mon récit' * que je m'apprête à raconter ; il vient de Phèdre ici présent. Il se plaint constamment auprès de moi en disant : — N'est-il pas curieux, Éryximaque, que, tandis que d'autres dieux ont des hymnes et des psaumes composés en leur honneur par les poètes, le dieu de l'Amour, si ancien et si grand... {177b] Aucun des nombreux poètes qui ont existé n’a composé un seul chant de louange pour lui ? Et encore, réfléchissez à nos éminents professeurs et aux éloges qu'ils écrivent en prose sur Héraclès et d'autres personnages, — par exemple, l'excellent Prodicos. Cela n'est certes pas si surprenant, mais je me souviens être tombé sur un livre de quelqu'un, dans lequel j'ai trouvé le sel magnifiquement loué pour son utilité, ainsi que bien d'autres sujets semblables [177c] Je pourrais te montrer que cela y est célébré. Penser à tout ce remue-ménage autour de telles futilités, et pas un seul homme n'a jamais essayé, jusqu'à ce jour, de composer un hymne digne de l'Amour ! Un dieu si grand, et pourtant si négligé ! Je trouve donc que la protestation de Phèdre est tout à fait justifiée. Par conséquent, non seulement je suis désireux de lui offrir ma propre contribution, mais je déclare aussi que l'occasion est propice pour nous, ici rassemblés, d'honorer ce dieu. [177d] Si cela vous convient également, nous pourrions passer le temps agréablement avec des discours ; car, à mon avis, nous devrions chacun, à tour de rôle, de gauche à droite, faire un discours en louant l'Amour aussi magnifiquement que possible. Phèdre commencera en premier, car il a la place d'honneur à table et, en plus, il est l'initiateur de notre débat.
* Euripide, fragment 488 : οὐκ ἐμὸς ὁ μῦθος, ἀλλ᾽ ἐμῆς μητρὸς πάρα, "Ce n'est pas mon récit, mais celui que m'a enseigné ma mère."
Socrate : Personne, Eryximaque, ne votera contre toi : je ne vois pas comment je pourrais moi-même refuser. [177e] alors que je ne prétends comprendre que les questions d'amour ; Agathon et Pausanias non plus, ni même Aristophane, qui partage son temps entre Dionysos et Aphrodite ; ni aucun autre des personnes que je vois devant moi. Certes, nous qui sommes assis en bas n'avons pas vraiment de chance : mais si les premiers orateurs se montrent à la hauteur, nous serons tout à fait satisfaits. Alors maintenant, que Phèdre, avec nos meilleurs vœux, commence et nous fasse un éloge de l'Amour.
À cela, ils consentirent tous d'une seule voix, [178a] lui ordonnant de faire ce que Socrate avait dit. Or, tout le discours dans chaque cas dépassait les souvenirs d'Aristodème, et ainsi tout ce qu'il m'a raconté dépasse aussi les miens : mais les parties que, en raison des orateurs, j'ai jugées les plus mémorables, je vais vous les raconter successivement telles qu'elles ont été prononcées.
Phèdre : D'abord, comme je l'ai dit, il m'a raconté que le discours de Phèdre commençait par des points de ce genre : que l'Amour était un grand dieu, parmi les hommes et les dieux une merveille ; et cela apparaissait de bien des façons, mais notamment dans sa naissance.