La Philosophie à Paris

ARISTOCLES D'ATHENES / Le Banquet 174a-178a

6 Septembre 2024, 15:13pm

Publié par La Philosophie

[174d] « mais seulement sur ton invitation. »
« ‘Si deux vont ensemble,’ » observa-t-il, « ‘il y en a toujours un devant l'autre’ dans la préparation de ce que nous devons dire. Eh bien, allons-y. »

Après une telle conversation, me dit-il, ils partirent. Puis Socrate, absorbé dans ses propres pensées en route, se retrouva en retard ; et lorsque mon ami commença à l’attendre, il lui dit de continuer sans lui.

[174e] « Il arriva donc chez Agathon et trouva la porte ouverte ; il se retrouva dans une situation plutôt ridicule. Car il fut immédiatement accueilli par un serviteur de l'intérieur, qui le conduisit où se trouvait la compagnie allongée, et il les trouva justement prêts à dîner. Cependant, dès qu’Agathon le vit, il s'exclama : “Ah, Aristodème, sois le bienvenu à notre table ! Si tu es venu pour une autre raison, remets-la à un autre moment : hier encore, je suis allé te chercher pour t’inviter, mais je n'ai pas pu te voir. Mais pourquoi ne nous amènes-tu pas Socrate ?”
À ce moment-là, je suis retourné chercher Socrate, dit-il, mais je ne vis aucun signe de lui me suivant : je leur ai donc expliqué que j'étais venu avec Socrate, puisqu'il m'avait demandé de dîner avec eux.

“C'est très bien de ta part d'être venu,” dit Agathon, “mais où est-il, cet homme ?” »

[175a] « Il est justement en train d’entrer derrière moi : je me demande où il peut bien être. »
« Va tout de suite, dit Agathon au serviteur, et essaie de faire entrer Socrate. Toi, Aristodème, prends place auprès d’Éryximaque. »

Ainsi, l'attendant le lava et le prépara à se coucher, lorsqu'un autre serviteur entra avec la nouvelle que notre bon Socrate s'était retiré dans le vestibule des voisins ; là, il se tenait, et lorsqu'on lui demanda de venir, il refusa.

« Comme c'est étrange ! » dit Agathon, « il faut continuer à l'inviter, et surtout ne le laissez pas partir. »

[175b] « Mais Aristodème s’y opposa : “Non,” dit-il, “laisse-le ; c’est une habitude chez lui. Parfois il se détourne, n’importe où au hasard, et il se tient là. Il sera ici bientôt, j’en suis sûr. Ne le dérangez pas ; laissez-le tranquille.”
“Très bien alors,” dit Agathon, “comme tu l’estimes le mieux. Venez, garçons,” appela-t-il aux serviteurs, “servez le repas pour nous autres. Vous pouvez mettre ce que vous voulez, maintenant que vous n’avez personne pour vous diriger (une méthode que je n’ai jamais essayée auparavant). Aujourd’hui, imaginez que moi et toute la compagnie sommes venus sur votre invitation, alors prenez soin de nous et méritez nos compliments.”

[175c] « Là-dessus, dit-il, ils commencèrent tous le dîner, mais Socrate n'était pas encore arrivé ; et bien qu'Agathon donnât sans cesse l'ordre d'aller le chercher, mon ami ne le permit pas. Lorsqu'il arriva, ce fut après ce qui, pour lui, n'était pas un grand retard, puisqu'ils n'en étaient qu'à peu près à mi-dîner. Alors Agathon, qui se trouvait par hasard assis seul à la place la plus basse, dit : “Viens ici, Socrate, assieds-toi à côté de moi, afin que par le contact avec toi…” »

[175d] « Il se peut que je tire quelque bénéfice de cette parcelle de sagesse qui t'est venue dans le vestibule. Il est clair que tu l'as découverte et que tu l'as saisie, car tu ne serais pas parti avant de l'avoir fait. »
Socrate : Ce serait merveilleux, Agathon, si la sagesse était quelque chose qui pouvait passer de celui d'entre nous qui est le plus plein à celui qui est le plus vide, simplement par le contact entre nous, comme l'eau passe à travers la laine du gobelet plein au gobelet vide. Si telle est réellement la nature de la sagesse, j'accorde une grande valeur à être assis à côté de toi. [175e] « Je m'attends à être rempli d'une excellente sagesse abondamment tirée de vous. La mienne n'est que médiocre, aussi discutée qu'un rêve ; mais la vôtre est brillante et expansive, comme nous l'avons vue récemment briller dans votre jeunesse, forte et splendide, aux yeux de plus de trente mille Grecs.

Agathon : Espèce de moqueur impoli, Socrate !  Un peu plus tard, toi et moi nous nous discuterons sur cette question de notre sagesse, et Dionysos sera notre juge. Pour l'instant, que le dîner soit ta principale préoccupation. 176a] Après cela, semble-t-il, lorsque Socrate eut pris place et dîné avec les autres, ils firent une libation, chantèrent un hymne au dieu et accomplirent les autres rites, comme le veut la coutume, avant de se mettre à boire. Puis Pausanias engagea la conversation de cette manière : "Eh bien, messieurs, quelle façon de boire nous conviendrait le mieux ? Pour ma part, pour dire la vérité, je suis en très mauvaise forme à cause de la beuverie d’hier, et je réclame un peu de répit ; je crois qu’il en est de même pour la plupart d'entre vous, car vous étiez à la fête d’hier. Alors réfléchissons à la méthode [176b] de boire modérément nous conviendrait le mieux.

Aristophane : « Maintenant, Pausanias, c'est une bonne suggestion de ta part que de veiller à notre confort en buvant : car moi-même, je fais partie de ceux qui ont bien trop bu hier. »

Éryximaque, fils d’Acuménos : Vous avez tout à fait raison, messieurs. Et il y a encore une autre question sur laquelle je sollicite votre avis : dans quel état se trouve Agathon pour boire ?

« Non, non, » dit Agathon, « je ne suis pas non plus en bonne condition pour cela. » [176c] « Ce serait une chance pour nous, je suppose, » poursuivit l’autre, « c’est-à-dire pour moi, Aristodème, Phèdre et nos amis ici présents, si vous, qui êtes les plus robustes buveurs, vous sentez maintenant épuisés. Nous, bien sûr, sommes connus pour être des faibles. Je ne compte pas Socrate dans cette affaire : il est apte dans les deux cas et se contentera de tout choix que nous ferons. Comme il semble que personne ici présent ne soit avide de grandes rasades, il vous sera peut-être moins pénible si je parle d’intoxication et vous dis ce qu’elle est réellement. La pratique de la médecine, je le constate, m’a permis de clarifier cela[176d] que l'ivresse est nuisible à l'humanité ; et moi-même, si je peux l'éviter, je ne consentirais pas à boire excessivement, ni ne le recommanderais à un autre, surtout lorsque sa tête est encore lourde d'une beuverie de la veille. »
Phèdre de Myrrhinonte : « Eh bien, tu sais que je t'obéis toujours, surtout en matière de médecine ; et il en sera de même pour nous tous, si nous avons du bon sens. »
Alors, tous, en entendant cela,
[176e] « Ils consentirent à ne pas faire de leur réunion actuelle une affaire d'ivresse, mais à boire selon leur plaisir.

Éryximaque : — Puisqu'il a été décidé, dit alors , que nous ne boirons chacun que selon notre désir, sans contrainte pour quiconque, je propose ensuite que la flûtiste qui est entrée tout à l'heure soit congédiée : qu'elle joue pour elle-même ou, si elle le préfère, pour les femmes à l'intérieur, mais cherchons aujourd'hui notre divertissement dans la conversation. Je suis prêt, si vous le souhaitez, à suggérer quel genre de discussion nous devrions avoir. [177a] Ils dirent tous qu'ils le désiraient, et l'invitèrent à faire sa proposition.

Éryximaque : Le début de ce que j'ai à dire se trouve dans les mots de la Melanippe d'Euripide, car 'ce n'est pas mon récit' * que je m'apprête à raconter ; il vient de Phèdre ici présent. Il se plaint constamment auprès de moi en disant : — N'est-il pas curieux, Éryximaque, que, tandis que d'autres dieux ont des hymnes et des psaumes composés en leur honneur par les poètes, le dieu de l'Amour, si ancien et si grand... {177b] Aucun des nombreux poètes qui ont existé n’a composé un seul chant de louange pour lui ? Et encore, réfléchissez à nos éminents professeurs et aux éloges qu'ils écrivent en prose sur Héraclès et d'autres personnages, — par exemple, l'excellent Prodicos. Cela n'est certes pas si surprenant, mais je me souviens être tombé sur un livre de quelqu'un, dans lequel j'ai trouvé le sel magnifiquement loué pour son utilité, ainsi que bien d'autres sujets semblables [177c] Je pourrais te montrer que cela y est célébré. Penser à tout ce remue-ménage autour de telles futilités, et pas un seul homme n'a jamais essayé, jusqu'à ce jour, de composer un hymne digne de l'Amour ! Un dieu si grand, et pourtant si négligé ! Je trouve donc que la protestation de Phèdre est tout à fait justifiée. Par conséquent, non seulement je suis désireux de lui offrir ma propre contribution, mais je déclare aussi que l'occasion est propice pour nous, ici rassemblés, d'honorer ce dieu. [177d] Si cela vous convient également, nous pourrions passer le temps agréablement avec des discours ; car, à mon avis, nous devrions chacun, à tour de rôle, de gauche à droite, faire un discours en louant l'Amour aussi magnifiquement que possible. Phèdre commencera en premier, car il a la place d'honneur à table et, en plus, il est l'initiateur de notre débat.

* Euripide, fragment 488 : οὐκ ἐμὸς ὁ μῦθος, ἀλλ᾽ ἐμῆς μητρὸς πάρα, "Ce n'est pas mon récit, mais celui que m'a enseigné ma mère."

Socrate : Personne, Eryximaque, ne votera contre toi : je ne vois pas comment je pourrais moi-même refuser. [177e] alors que je ne prétends comprendre que les questions d'amour ; Agathon et Pausanias non plus, ni même Aristophane, qui partage son temps entre Dionysos et Aphrodite ; ni aucun autre des personnes que je vois devant moi. Certes, nous qui sommes assis en bas n'avons pas vraiment de chance : mais si les premiers orateurs se montrent à la hauteur, nous serons tout à fait satisfaits. Alors maintenant, que Phèdre, avec nos meilleurs vœux, commence et nous fasse un éloge de l'Amour.

À cela, ils consentirent tous d'une seule voix, [178a] lui ordonnant de faire ce que Socrate avait dit. Or, tout le discours dans chaque cas dépassait les souvenirs d'Aristodème, et ainsi tout ce qu'il m'a raconté dépasse aussi les miens : mais les parties que, en raison des orateurs, j'ai jugées les plus mémorables, je vais vous les raconter successivement telles qu'elles ont été prononcées.

Phèdre : D'abord, comme je l'ai dit, il m'a raconté que le discours de Phèdre commençait par des points de ce genre : que l'Amour était un grand dieu, parmi les hommes et les dieux une merveille ; et cela apparaissait de bien des façons, mais notamment dans sa naissance.

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