Etablir un revenu minimum d'existence
Cette question est évoquée dans le dernier multitudes. Evoqué dès 1792, le principe anticipe la fin du plein-emploi. Pour combattre la précarité, certains proposent le versement d'une dotation à chacun tout au long de la vie.
Par Didier HASSOUX LIBERATION.FR : lundi 6 novembre 2006
Fichues 35 heures. Instaurée en 2002 en France, la réduction du temps de travail a-t-elle compromis pour longtemps l'avènement d'une nouvelle société, fondée non plus sur le travail et la productivité des salariés mais sur l'emploi et l'utilité sociale des citoyens ? C'est ce que croient les promoteurs du revenu d'existence (RE). Yoland Bresson est de ceux-là. Cet économiste français défend depuis près de vingt ans ce concept dont les Verts, une partie du PS (notamment le courant Utopia) et du PCF ainsi que quelques individualités à droite considèrent être comme l'avenir de l'homme. C'est en travaillant sur les conséquences économiques liées au développement du Concorde que Bresson a eu l'idée que «l'emploi salarié, c'est fini». «En utilisant le supersonique, les gens à fort potentiel économique cherchent à gagner du temps. Ils étaient prêts à payer pour avoir ce temps. Je me suis dit qu'il serait peut-être intéressant d'inverser cette logique folle. En permettant à chacun de gagner son temps. Mais pour cela encore faut-il être assuré de gagner une allocation minimale.»
Principes républicains. Au même moment, le philosophe et politologue belge Philippe Van Parijs, l'économiste anglais spécialiste de la sécurité sociale Keith Roberts et le sociologue allemand Klaus Offee échafaudent les mêmes principes. A l'initiative du premier, ils se réunissent à Louvain, en Belgique, pour mettre en commun leurs recherches et créer, en 1986, le Basic Income European Network, autrement écrit : le Bien.
Ils ne font que reprendre là une idée vieille comme les Lumières. C'est en 1792 que le conventionnel franco-américain Thomas Payne prononce un discours devant l'Assemblée nationale française. Il fait alors le constat que, sans un minimum de ressources, le nouveau citoyen ne peut vivre pleinement les principes républicains de liberté, d'égalité et de fraternité. Il propose d'accorder à chaque individu une dotation alimentaire. Le RE est né.
La version contemporaine de ce principe actuellement expérimenté au Brésil et en Alaska s'appuie sur la fin prochaine du plein-emploi. «Nous ne pouvons plus penser que nous allons travailler vingt-cinq ans durant, quarante semaines par an, trente-cinq heures par semaine, dans la même entreprise, constate Yoland Bresson. Le fameux contrat à durée indéterminée (CDI) est en train de devenir l'exception. C'est l'intermittence qui devient la norme. L'intermittence pour tous, même pour les bons élèves. Même ceux-là ne sont plus assurés d'obtenir un emploi à caractère durable. En conséquence, le revenu régulier attribué à chacun tout au long de la vie n'a plus cours.» Henry Lombard, économiste lui aussi, membre du Parti socialiste, convaincu par le RE, précise que désormais «la répartition des revenus opérée par le marché entre le travail et le capital privé ignore que les richesses créées et échangées s'appuient sur un fonds de capital social, humain et matériel. Les fruits de cet héritage appartiennent à tous».
En conséquence, Bresson et ses amis du Bien proposent que la collectivité verse à chacun de ses membres la même allocation tout au long de sa vie. Quels que soient ses autres revenus.
«C'est une fenêtre qui s'ouvre sur un nouveau paysage», veut croire Bresson. Car, selon le professeur émérite, le RE change le rapport du citoyen à l'emploi, au salaire, au temps. Il préfigure un autre type de société. Ce qui constituait également l'objectif des 35 heures. Martine Aubry parlait alors de «société du temps choisi». Mais pour les partisans du RE, cette réduction du temps de travail a été mal conduite, mal expliquée. «Le principe est bon, affirme Yoland Bresson. Personnellement, j'aurais préféré qu'on institue la semaine des quatre jours, soit les 32 heures. Mais cette rupture nécessaire nous est retombée dessus. Car le temps devenu libre n'a pas été assorti de revenus supplémentaires. Et surtout, elle a accentué la confusion entre emploi et travail.» Or, comme l'explique Henry Lombard, «le travail n'est pas un bien mais une ressource : plus la population augmente, plus la ressource augmente, plus le travail est abondant. Mais pas l'emploi. Ainsi une machine qui remplace un homme supprime un emploi donc un salaire mais pas le travail à effectuer. Ce n'est donc pas le travail qui se raréfie. C'est l'emploi».
Immuable et permanent. A ce sujet, les gens du Bien font le pari que le RE est aussi un outil de lutte contre le chômage. Se substituant aux allocations déjà existantes (RMI, allocations chômage...), le RE, par son caractère, est, selon ses promoteurs, immuable et permanent, de nature à inciter les chômeurs à tenter de retrouver une activité, même faiblement rémunérée. Selon eux, l'instauration d'un droit au revenu est donc susceptible d'entraîner la restauration d'un droit au travail.
Ils ne font que reprendre là une idée vieille comme les Lumières. C'est en 1792 que le conventionnel franco-américain Thomas Payne prononce un discours devant l'Assemblée nationale française. Il fait alors le constat que, sans un minimum de ressources, le nouveau citoyen ne peut vivre pleinement les principes républicains de liberté, d'égalité et de fraternité. Il propose d'accorder à chaque individu une dotation alimentaire. Le RE est né.
La version contemporaine de ce principe actuellement expérimenté au Brésil et en Alaska s'appuie sur la fin prochaine du plein-emploi. «Nous ne pouvons plus penser que nous allons travailler vingt-cinq ans durant, quarante semaines par an, trente-cinq heures par semaine, dans la même entreprise, constate Yoland Bresson. Le fameux contrat à durée indéterminée (CDI) est en train de devenir l'exception. C'est l'intermittence qui devient la norme. L'intermittence pour tous, même pour les bons élèves. Même ceux-là ne sont plus assurés d'obtenir un emploi à caractère durable. En conséquence, le revenu régulier attribué à chacun tout au long de la vie n'a plus cours.» Henry Lombard, économiste lui aussi, membre du Parti socialiste, convaincu par le RE, précise que désormais «la répartition des revenus opérée par le marché entre le travail et le capital privé ignore que les richesses créées et échangées s'appuient sur un fonds de capital social, humain et matériel. Les fruits de cet héritage appartiennent à tous».
En conséquence, Bresson et ses amis du Bien proposent que la collectivité verse à chacun de ses membres la même allocation tout au long de sa vie. Quels que soient ses autres revenus.
«C'est une fenêtre qui s'ouvre sur un nouveau paysage», veut croire Bresson. Car, selon le professeur émérite, le RE change le rapport du citoyen à l'emploi, au salaire, au temps. Il préfigure un autre type de société. Ce qui constituait également l'objectif des 35 heures. Martine Aubry parlait alors de «société du temps choisi». Mais pour les partisans du RE, cette réduction du temps de travail a été mal conduite, mal expliquée. «Le principe est bon, affirme Yoland Bresson. Personnellement, j'aurais préféré qu'on institue la semaine des quatre jours, soit les 32 heures. Mais cette rupture nécessaire nous est retombée dessus. Car le temps devenu libre n'a pas été assorti de revenus supplémentaires. Et surtout, elle a accentué la confusion entre emploi et travail.» Or, comme l'explique Henry Lombard, «le travail n'est pas un bien mais une ressource : plus la population augmente, plus la ressource augmente, plus le travail est abondant. Mais pas l'emploi. Ainsi une machine qui remplace un homme supprime un emploi donc un salaire mais pas le travail à effectuer. Ce n'est donc pas le travail qui se raréfie. C'est l'emploi».
Immuable et permanent. A ce sujet, les gens du Bien font le pari que le RE est aussi un outil de lutte contre le chômage. Se substituant aux allocations déjà existantes (RMI, allocations chômage...), le RE, par son caractère, est, selon ses promoteurs, immuable et permanent, de nature à inciter les chômeurs à tenter de retrouver une activité, même faiblement rémunérée. Selon eux, l'instauration d'un droit au revenu est donc susceptible d'entraîner la restauration d'un droit au travail.
Commenter cet article