4 Octobre 2021
La video du film est disponible ici.
Pour Emmanuel Pehau et sa fille.
« Si vous n'aimez pas la mer, si vous n'aimez pas la montagne, si vous n'aimez pas la vi(ll)e... allez vous faire foutre ! »
Dans la bouche de Jean-Pierre Melville : « Les sentiments sont un luxe que peu de femmes s’offrent »
Marseille, un mardi matin. Michel Poiccard, un jeune criminel impétueux,vole une voiture de l'armée américaine sur la route nationale 7 vers Paris. Agacé par une 2CV qui n'ose pas dépasser un camion, Michel dépasse en plein virage et est attrapé et poursuivi par un motocyliste de la police. Pris de panique, il tire sur le policier motocycliste qui voulait lui infliger une amende alors qu'il avait franchi une ligne blanche et le tue. Il s'enfuit. Le lendemain, à son arrivée à Paris, Michel retrouve une étudiante américaine, Patricia, avec qui il entretient une relation libre. Elle veut devenir journaliste et vend, pour financer ses études à la Sorbonne, le New York Herald Tribune sur les Champs-Élysées.Tout au long du film, Michel tentera de la persuader de recoucher avec lui, et elle lui résistera sous prétexte qu'il ne l'aime pas vraiment. Michel veut partir en cavalere à Rome puisque la police l'a identifié comme le tueur de la RN7, sa photo figure déjà sur les couvertures des journaux. Par amour, Patricia ne le dénonce pas lorsqu'elle est entendue par un inspecteur. Michel reprend contact avec des gens de la pègre pour récupérer l'argent qui lui est dû. En attendant que l'un d'eux l'aide à encaisser un chèque barré, il se cache avec Patricia chez une amie. La veille du départ pour l'Italie, Patricia le dénonce à la police pour l'obliger à la quitter, mais Michel part et s'enfuit. Mortellementatteint par une balle policère, il s'effondre.
Jean-Paul Belmondo, Michel Poiccard/Laszlo Kovacs
Jean Seberg, Patricia Franchini
Daniel Boulanger, l'inspecteur Vital
Michel Fabre, l'adjoint de Vital
Henri-Jacques Huet, Antonio Berutti
Van Doude, le journaliste américain, ami de Patricia
Claude Mansard, Claudius Mansard
Liliane David, Liliane
Jean-Pierre Melville, Parvulesco, l'écrivain interviewé à Orly par Patricia
José Benazeraf, l'homme au cabriolet Thunderbird blanc (montant avec Poiccard dans l'ascenseur)
Roger Hanin, Carl Zombach
Richard Balducci, Luis Tolmatchoff
Jean-Louis Richard, un journaliste
Jean Domarchi, le pochard
François Moreuil, le photographe
René Bernard, un journaliste à Orly
André S. Labarthe, un journaliste à Orly
Jacques Siclier, un journaliste à Orly
Jacques Rivette, l'homme renversé par une voiture
Jean Douchet, un passant
Jean Vautrin, le soldat qui demande du feu
Jean-Luc Godard, le délateur
Liliane Robin, Minouche
Gérard Brach (non crédité), un photographe
Philippe de Broca (non crédité), un journaliste
Raymond Huntley (non crédité), un journaliste
Louiguy (non crédité)
Michel Mourlet (non crédité), un spectateur au théâtre
Guido Orlando (non crédité)
Madame Paul (non créditée)
Raymond Ravanbaz (non crédité)
Jacques Serguine (non crédité)
Virginie Ullmann (non créditée)
Émile Villion (non crédité)
Le tournage se déroule du 17 août au 15 septembre 1959 à Marseille et à Paris. Le film est interdit aux moins de 18 ans à sa sortie.
Raymond Cauchetier, photographe de plateau : « Tout d’abord, avec lui [Jean-Luc Godard], tout était improvisé ou presque. On tournait dans les rues, dans les chambres d’hôtels, avec juste quelques lampes éclairant le plafond, sans prise de son directe. Godard écrivait ses dialogues sur une table de bistrot, soufflait leur texte aux comédiens pendant les prises, et arrêtait le tournage quand il n’avait plus d’idées. Le délire complet pour les tenants du cinéma classique ! Mais la Nouvelle Vague était en train de naître ! J'ai trouvé intéressant d’ajouter aux photos traditionnelles une sorte de reportage autour du film. Lorsqu’il a vu les planches, le producteur s’est montré fort mécontent. Qu'est-ce que c'est que ce travail ? Vous n'êtes pas payé pour faire ça ! Je lui ai expliqué que c'était un travail personnel. Bon, m'a-t-il dit, mais vous paierez vos frais de laboratoire. Les choses en sont restées là. Or il se trouve que ce sont surtout ces photos « hors film » qui ont été finalement choisies pour la promotion du film, et qui continuent d’être publiées un peu partout, quarante ans plus tard. »
Jean-Luc Godard : « Quand j'ai tourné À bout de souffle, je pensais que je faisais quelque chose de très précis. Je réalisais un thriller, un film de gangsters. Quand je l'ai vu pour la première fois, j'ai compris que j'avais fait tout autre chose. Je croyais que je filmais le Fils de Scarface ou le Retour de Scarface et j'ai compris que j'avais plutôt tourné Alice au pays des merveilles, plus ou moins. » (Table ronde Cinéma / Politique à Los Angeles, en 1968).
Jean-Luc Godard : « le titre vient toujours avant. Le seul titre que j’ai trouvé après le film, c’est À bout de souffle, et je ne l’aime pas du tout. Pour le suivant, j’ai eu l'idée d’un titre, Le Petit Soldat, avant même de savoir à quoi ressemblerait le film. Les titres sont devenus des panneaux indicateurs artistiques. Le titre me dit dans quelle direction je dois chercher164. » (entretien avec Serge Kaganski, 2004)
Avis de Jonathan Crow : « Pastiche du film noir, mais gifle exubérante aux conventions hollywoodiennes, À bout de souffle est un événement marquant qui a séduit le public au début des années 1960 avec son air ultra-cool fanfaronnant, sa perspective amorale et son style énergique. Adoptant une structure narrative lâche et touffue, le film suit Michel (Jean-Paul Belmondo), un voyou qui se modèle avec deux de ses doigts sur Humphrey Bogart, vole les amoureuses sans méfiance et, comme le protagoniste de L'Étranger d'Albert Camus, tue apparemment sans raison alors qu'il poursuit ses débiteurs, commet un vol et essaie de coucher avec Patricia (Jean Seberg). Tourné en lumière naturelle, caméra à l'épaule, le film a le même aspect documentaire que celui des classiques italiens néoréalistes tels que Le Voleur de bicyclette et Rome, ville ouverte, mais son style visuel enfreint également toutes les règles : les personnages et les figurants regardent directement la caméra, les montages ont lieu à mi-parcours et la caméra semble délibérément agitée. Dans le processus, le réalisateur Jean-Luc Godard brise allègrement l’illusion de la réalité, rappelant toujours au public qu'il regarde un film. Godard, qui a toujours été cinéphile, empaquette son film à la fois avec ses allusions à la culture pop américaine et à celles du grand art : Nicholas Ray est cité aux côtés de Dylan Thomas, un coupé Thunderbird de 1956 (cele de Michel Bénazaref le producteur) aux côtés des Palmiers sauvages de William Faulkner. Le style iconoclaste de Godard, associé à son constant référencement, pourrait donner l’impression que le film ne serait au fond qu'une vaste blague s’il n’était tempéré par un profond pathos existentiel pour ses personnages. Au cours de la célèbre séquence de la chambre à coucher, nous voyons Michel et Patricia, deux personnages tout à fait inconcevables, qui tentent de ne pas forger une sorte de lien ; ils sont trop impliqués dans leur monde pour se connecter. François Truffaut a dit un jour : “Il y a le cinéma avant Godard et le cinéma après Godard”. À bout de souffle est le chef-d'œuvre qui a lancé la carrière de Godard et a changé le visage du cinéma. » (AllMovie, 2009).
Jean-Luc Godard : « Un film de Jean-Luc Godard, le meilleur film actuel. ... le meilleur film actuel. » (Trailer à sa sortie).
Monsieur Djukes : « Le premier (long) film A bout de souffle de Jean-Luc Godard a bouleversé le monde du cinéma. » Il est à couper le souffle. Précisément, avec Godard c'est le monde du cinéma qui arrive à bout de souffle, qui se fragmente, au même moment où il passe de l'analogique au digital retouché, mais déjà Méliès faisait du cinéma.
La fragmentation est posée dans le trailer, par la référence au tableau cubiste de Picasso. Ce mode de fragmentation se retrouve dans les caméos de Jean-Luc Godard : « Godard est d’abord entendu sans être vu, pour être ensuite vu sans être entendu, et être finalement cerné par une fermeture à l’iris ... [ce] qui implique les idées de fragmentation et de discontinuité. » (Didier Coureau, « Jean-Luc Godard : autoportrait(s) d’un cinéaste », 2009).
La spontanéité est mise en place, cadrée. Ceux qui observent de plus près remarqueront à quel point les mouvements et les scènes sont habilement mis en place. Le long dialogue dans la chambre d'hôtel entre les protagonistes Jean-Paul Belmondo et Jean Seberg est comme une danse flottante d'oiseaux de parade. Les scènes se déroulant dans la rue ont été simplement tournées parmi les Parisiens non conscients de participer à un film. Un avis, en illustration : « le film excelle constamment dans son atmosphère et sa spontanéité. Aucune action ne reste ordinaire dans ce film de Godard. Bien sûr, Seberg ne se contente pas de traverser la rue, mais elle suit la ligne pointillée sur l'asphalte en sautant et ainsi une conversation entre Seberg et Belmondo à l'arrière devient un taxi, à propos des nanas parisiennes et de leurs jupes trop courtes, suivi d'un raccourci vers une courte scène dans laquelle ce taxi freine, Belmondo saute du taxi, s'approche d'une fille avec une jupe si courte par derrière et soulève rapidement sa jupe, pour s'enfuir à nouveau. Hilarant! »
« Between grief and nothing. I will take grief », dernière phrase des Palmiers sauvages de William Faulkner diteb par Jean seberg.
Postérité :
Tarantino 'emprunte' beaucoup à Godard : on pense au dialogue "Like a Virgin" dans Reservoir Dogs et celui "Potbelly" dans Pulp Fiction, ils auraient pu être inventé par Godard juste comme ça.