CINEMA / La blonde hitchcockienne
On se souvient peut-être de certaines scènes mythiques du cinéma
d'hitchcock : La blonde Janet Leigh poignardée dans sa douche dans Psychose, la blonde Kim Novak défenestrée du haut d'un clocher dans Sueurs froides, la blonde
Tippi Hendren pourchassée par dix mille becs de volatiles en fureur dans Les oiseaux, la blonde Grace Kelly échappant in extrémis à une tentative d'étranglement dans Le crime était
presque parfait ...
Mais au delà de la vertigineuse menace qui pèse sur elle, il y a d'autres particularités chez la blonde récurrente du cinéma d'Hitchcock. En premier lieu : le double jeu, la double face ou le double langage, qu'il s'agisse d'une volonté propre ou d'un contexte subi. Le jeu est d'abord innocent dans Fenêtre sur cour, mais elle ne saurait jouer à l'espionne sans tomber sur un crime... Il y a toujours de la froideur dans la tenue de notre blonde, et par en dessous : une petite bombe.
Parfois, une autre personnalité veille sous la strate visible. Dans le film Rébecca, la timide,
douce et blonde Joan Fontaine vit dans l'ombre écrasante de la précédente femme de Maxime de Winter, disparue en mer : la brune Rébecca. Ce n'est que vers la fin du film qu'elle parvient à
s'imposer face à la gouvernante "obsédée" par le souvenir de l'autre. Mais ce qu'il y a de troublant lorsqu'elle s'affirme enfin, c'est la façon dont elle s'écrie : "Je suis
madame de Winter !" Vérité administrative, certes, mais quelque chose d'ambigu entrera alors en scène... Pour être plus précis, elle assumera un rôle de complicité dans le meurtre (ou pseudo
meurtre) de l'obscure Rébecca (notons au passage que dans le livre, il s'agit bien d'un meurtre, et non de l'accident compliqué qu'a préféré Hitchcock).
Pourtant, tous ces visages superposés du cinéma hitchcockien nous apparaissent maintenant obsolètes. Il se trouve que ce procédé s'est tant vulgarisé qu'il ne draine plus aucun suspense... Le retournement de dernière minute prête davantage à rire. Je parle pour nous, fragments d'une génération blasée avant d'avoir vécu...
Mais enfin, la blonde hitchcockienne a su prendre sa place dans la mythologie des labyrinthes humains.
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