La Philosophie à Paris

312. Présentation de la philosophie de Badiou.

14 Février 2013, 22:00pm

Publié par Anthony Le Cazals

La dialectique énonce qu’il y a du Deux BdTS_40. La philosophie dialectique est pensée de la pensée, une pensée rupture avec l’opinion BdC_168. Ce qui veut dire que dans la dialectique de Badiou il y a l’existence contradictoire du même et de l’autre, elle n’est donc pas seulement tributaire de l’être mais aussi du Sujet, c’est pourquoi s’appuyant sur une logique de l’apparaître BdLM et une ontologie du multiple BdEE, Badiou met en place une méta-ontologie qui n’est autre que la dialectique elle-même. Ce qui est réel ou pensable dans les conditions de la philosophie telles que Badiou les repère, c’est un réel auquel Platon donne le nom d’intelligible, et que tout comme Lacan, il distingue de la réalité qu’il nomme sensible BdC_323. En politique par exemple, quand Badiou s’emploie à dégager la politique comme pensée BdPP, il veut dire qu’elle brise l’immédiat sensible BdOT_97. Pourtant, cette pensée de l’intelligible ne peut échapper au discours démonstratif que Badiou nomme aussi persuasion et argumentation BdC_67. Ce discours ne peut lui-même éviter de véhiculer des opinions philosophiques. Platon lui-même n’échappait pas à ce travers. Chez Platon c’est le régime du « long détour », développements dialectiques dont les procédés sont exactement les mêmes que ceux des sophistes combattus…  Chez Platon ce sont les images, les mythes, les comparaisons, dont les procédés sont exactement les mêmes que ceux des sophistes combattus BdC_67. Restons-en là pour l’instant.


La distinction majeure pour Badiou se fait entre l’intelligible et le sensible : c’est le geste platonicien de rupture avec les opinions et les affects qui pose le « réel » comme « pensée ». L’intelligible est le réel par la dialectique, c’est-à-dire ce qui est pensable dans la réalité. La distinction entre intelligible et sensible reconduit celle entre réel et réalité. Ainsi a-t-on un réel intelligible distinct d’une réalité sensibleBdC_323. Ceci a son importance puisque la pensée n’est plus pensée de la réalité mais de ce qui est « véritablement » pensable dans le réel, à savoir l’être. La pensée véritable est une pensée qui ne s’attache qu’à l’être et aux formes. Or ce qui est à la fois pensée et être c’est le Même. Ainsi Badiou s’attache à relever tout point où le Même se trouve disséminé comme affirmation BdLM_117. La pensée de Badiou n’est pas une déposition du Même, bien au contraire, mais une assomption du Même. Par exemple, il en va ainsi comme de l’amour qui n’est pas la déposition du Même sur l’autel de l’Autre BdC_256. La dialectique de Badiou se fixe précisément là où pensée et être se recoupent. Au travers de la mathématique ou fiction de savoir, la dialectique ne pense que l’être et au travers de la logique ou fiction d’art, la dialectique pense l’apparaître. Double dimension de la philosophie formaliste. Logique d’apparaître et ontologie sont donc les deux branches de la philosophie dialectique. La première enchaîne dans une fiction d’art, la seconde porte le réel jusqu’à la limite de son être. C’est pourquoi Badiou dit que la philosophie enchaîne et sublime et qu’elle argumente et persuade.


Être, sujet et vérité forment les concepts centraux du système dialectique de Badiou, comme une triple réciprocité, une triade fondatrice. Ceci a son importance car derrière cette triade surgit la Loi du Même. En effet si Badiou est parti en combat contre la Loi de l’Un c’est que tout son système repose sur la dialectique du Même et de l’Autre. Badiou recompose ou reconnaît un réel à partir des « genres suprêmes » ou « natures génériques » de la dialectique que sont le Même, l’Autre, l’Etre et le logos — le Mouvement et le Repos sont laissés de côté. Pour mieux comprendre, il faut savoir que Badiou reprend à plusieurs reprises l’énoncé parménidien selon lequel « Le Même, lui, est à la fois pensée et être ». Ainsi l’être — en tant qu’être — se comprend comme l’être même, l’être identique à soi-même, le sujet comme ce qui est plus qu’un individu, un individu qui réincorpore les vérités éternelles, qui les reconnaît. C’est la question du sujet comme individu autonome, comme individu qui obéit à la loi du Même qui se dit auto-nomia en grec. On peut donner comme synonymes au terme incorporer : reconnaître, identifier, soustraire une vérité au flux qui la sous-tend, à une procédure de vérité ou procès de création. Une vérité est identifiée en ce qu’elle est coupée et soustraite aux procédures de vérité, ce qui rejoint la définition que Badiou donne de la dialectique comme coupure-interprétation. Mais ici, comme précédemment, nous en revenons toujours au même.

Commenter cet article