HISTOIRE / L'arbre de Goethe, un symbole détruit "par" les nazis
Die Goethe-Eiche, traduit littéralement "le chêne de Goethe", est LE symbole du camp de concentration de Buchenwald et on ne trouve guère de récits ou de descriptions sur ce camp dans lesquels cet arbre n'ait pas sa place(Interview Bartimes). Il peut sembler étrange qu'on parle autant d'un arbre dans le contexte d'un camp de concentration, mais celui qui ne connaît qu'un tant soit peu l'univers concentrationnaire aura vite fait de comprendre pourquoi cet arbre, au nom si éloquent, est devenu le symbole de la perversité nazie. Le camp de Buchenwald est situé sur l'Ettersberg, à huit kilomètres de Weimar qui fut un des hauts-lieux du classicisme allemand et qui comptait parmi ses habitants Schiller et Goethe. La légende de Weimar disait que Goethe avait l'habitude d'aller se promener, en compagnie de son secrétaire Eckermann, sur l'Ettersberg et que c'était justement sous ce chêne, qui se trouve maintenant dans l'enceinte du camp de concentration, qu'ils se reposaient et qu'ils discutaient. Il paraît même que les initiales gravées dans l'écorce de l'arbre étaient encore visibles en haut du tronc (vu que l'arbre était encore jeune à l'époque de Goethe) à l'époque du camp.
C'est donc par ce triste contraste, le fait que l'arbre qui abritait des discussions philosophiques marquées par l'humanisme allemand, la tolérance et le raffinement intellectuel, se trouvait
maintenant au sein d'un univers absurde, autoritaire et violent où toutes les valeurs humaines étaient piétinées, que cet arbre est devenu le symbole du camp de Buchenwald. Dans le même contexte,
les détenus restaient souvent perplexes en constatant l'amour maladif des nazis pour l'ordre, la musique et la peinture classiques d'une part et leur brutalité sanguinaire envers les détenus
d'autre part. Mais cette valeur symbolique se trouve encore amplifiée par un autre aspect, notamment le caractère volontairement sadique des nazis. De très nombreux témoignages expliquent de
quelle manière les S.S. inventent des supplices toujours plus dégradants et douloureux pour assassiner les prisonniers et comment ils organisaient des concours pervers dont le perdant était tué.
Les prisonniers devaient également se livrer au ridicule et à l'autodérision. Ainsi les meilleurs musiciens, vêtus d'uniformes rappelant les musiciens de cirque, formaient un orchestre qui jouait
pendant que les prisonniers partaient tôt le matin rejoindre leurs kommandos respectifs et pendant le retour de ceux qui avaient survécu à la dure journée de travail.(Interview Bartimes) Rien n'était laissé au hasard et tout supplice était
minutieusement organisé par les nazis. Les prisonniers qui s'étaient rendu compte de ce sarcasme ne pouvaient s'empêcher de croire, même si rien ne permet de le démontrer, que les nazis avaient
fait exprès de construire le camp autour de cet arbre, pour que les prisonniers aient toujours le souffle des grandes valeurs humanistes à portée de main sans jamais pouvoir les atteindre.
Pour construire le camp, il avait fallu déboiser une partie de l'Ettersberg et les nazis avaient donc bien évidemment préservé cet arbre qui se trouvait finalement sur une esplanade entre la cuisine et le magasin général du camp (Effektenkammer). C'est en août 1944, lors d'une attaque de l'aviation alliée, qu'une bombe de phosphore a été déportée par le vent et a frappé de plein fouet le chêne qui a complètement brûlé. Aujourd'hui, il ne reste plus que la souche de cet arbre.
L'arbre de Goethe forme l'élément central du récit de Quel beau dimanche!.(Lire l'article "Die Goethe-Eiche" issu du livre-souvenir «Buchenwald».)(voir séquence vidéo Arte/"Thema")