PHILOSOPHIE / La vérité effective chez Machiavel
« Beaucoup se sont imaginés des républiques et des principautés que jamais on n'a véritablement vues ni connues, car il y a un tel écart entre la façon dont on vit et celle dont on devrait vivre, que celui qui délaisse ce qui se fait pour ce qui se devrait faire apprend plutôt à se perdre qu'à se sauver » Le Prince, Chapitre 15
Ecrits en 1513, ces mots de Machiavel signent l'entrée de la politique dans la modernité. La philosophie politique, qui se donnait pour tâche de penser les principes de la cité bien administrée cède la place à la pensée politique qui décrypte les objectifs et les méthodes de la politique effective. Machiavel stigmatise les philosophes et les écrivains « humanistes » pour lesquels la politique relève de la fiction. Les uns, comme Platon ou Aristote, se demandent comment doit être conçue la cité juste ( ou la « république ») qui ne connaîtrait que la raison comme principe directeur. Les autres, comme Erasme (L'institution du Prince chrétien, 1516) se demandent comment le bon souverain, ennemi des vices, ami des arts et de la justice, doit s'y prendre pour éviter toute guerre. Vaine entreprise selon Machiavel. Non seulement vaine, mais encore dangereuse : le « bon » Prince n'est pas un rêveur mais un homme pragmatique et réaliste. Il sait que la cité ne sera jamais réglée suivant des principes exclusivement rationnels.
Soucieux de s'en tenir à la « vérité effective de la chose »; il accède au pouvoir et s'y maintient en se fondant sur la connaissance du jeu inextricable des passions humaines au sein même de la meilleure des républiques. S'il utilise la force (tel un « lion ») et la ruse( celle du « renard ») ce n'est pas pour opprimer mais pour canaliser la violence et infléchir la « fortune » dans le sens des intérêts du peuple tout entier. LHL