La Philosophie à Paris

425. L’envie, comme convoitise insatiable.

15 Février 2013, 01:28am

Publié par Anthony Le Cazals

Avoir envie, c’est avoir envie d’aller là où personne ne va, c’est avoir envie d’être sur la brèche plutôt qu’avoir envie de ce que les autres ont. Est-ce la pensée que les idées qui vont à Pierre ne vont pas à Paul, que ce qui habille l’existence de Pierre n’habille pas l’existence de Paul qui n’est qu’une forme de relativisation. Du point de vue de l’hémiplégie de l’action 135 que produit le symbolisme de la morale, on représente l’envie ainsi : Elle porte un masque sur son beau visage. Elle a l’œil blessé par la palme et l'olivier, et l'oreille par le laurier et la myrte, car le triomphe et la vérité l'offensent. Des éclairs jaillissent d'elle, pour symboliser la malignité de son langage. Elle est maigre et ridée, parce qu'un désir perpétuel la consume ; un serpent de feu la mord au cœur. Elle porte un carquois avec des langues en guise de flèches, car souvent elle blesse avec la langue... Elle tient dans ses mains un vase plein de fleurs où se dissimulent des scorpions, des crapauds et autres bêtes venimeuses. Elle chevauche la mort dont elle triomphe, parce qu'elle est immortelle... Elle est chargée d'armes diverses, et toutes sont des armes de destruction. Vinci cité par BraLV_146. Pourtant l’envie sert de poudre d’amorce, c’est elle qui mène à l’entrain  et c’est pourquoi la représentation symbolique en fera le pendant de la vertu : Dès l'instant où naît la vertu, elle donne naissance à l'envie (invidia) qu'elle suscite ; et l'on verra plus facilement un corps privé de son ombre que la vertu sans l'envie Vinci, Oxford II,6 cité in BraLV_146. Pourtant l’envie est l’insatiable convoitise. C’est même la convoitise qui rend obéissant pour s’approcher de la chose convoitée. Plutôt que de les rejeter comme Spinoza, les affects deviennent moteurs. Descartes dans sa correspondance a toujours affirmé s’être appuyé sur ses passions irrationnelles, alors que Spinoza prenant à contre-pied le traité des passions de Descartes se met à rejeter la colère et les autres passions trop inadéquates. Dans un entretien, Bergson dit toujours partir d’une colère pour l’écriture d’un de ses livres, mais il en serait de même pour des « passions » comme la jalousie et la convoitise ; L’homme devenu maître de sa sauvagerie 635 et de ses déchaînements propres : les convoitises ont appris à obéir, à être utiles NzFP°XIII,11[111]. L’Église, fabricante de haine moutonnière, est la première à jouer duressort communautaire des convoitises, même si son esprit 412 diverge avec l’envie, comme expression d’un surplus de force et, avec l’insatiable appétit, qui ne se soucie pas de convoiter. Le processus de la « perception » interne, l’enchaînement causal — ou linéaire — entre les pensées, entre les sentiments, entre les convoitises et même l’enchaînement entre le sujet et l’objet, nous sont absolument cachés et nous ne les rencontrons pas. La « causalité », entendez les divinités de la substance et son expression, nous échappe aussi. Admettre entre les pensées un lien originaire immédiat comme le fait la logique, voilà la conséquence de l’observation la plus grossière et la plus balourde. Entre les pensées tous les affects possibles mènent le jeu : mais leurs mouvements sont trop rapides pour ne pas les méconnaître NzFP°XIII. Penser le mouvement, c’est penser les affects 530, c’est-à-dire ce qui dérange le philosophe dogmatique et non le penseur dans la continuité de ses longs discours.

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