La Philosophie à Paris

SCHOPENHAUER / Lettre à un ami français

21 Avril 2023, 01:00am

Publié par La Philosophie

Présentation en allemand d'Arthur Hübscher

Ein Lebensbericht für Anthime Grégoire
Arthur Hübscher (Frankfurt a. M.)

 

           Der „Bericht über das Schopenhauer- Archiv" im L. Jahrb. 1969, S. 127 L, enthält einige Auszüge aus einem bisher unbekannten Brief Schopenhauers an seinen Jugendfreund Anthime Grégoire de Blésimaire, der bei einer Pariser Auktion unter den Hammer gekommen ist.Inzwischen ist es gelungen, diesen wertvollen Brief für das Archiv zu erwerben. Wir geben ihnhier zum ersten Malinvollem Wortlaut wieder und lassen die bisher ebenfalls nur in einem Auszug (DXVI,S. 327 f.) bekannte Antwort Grégoires folgen. Zur Vorgeschichte des Briefes: Grégoire hatte ineiner Zeitung den Roman Johanna Schopenhauers »Die Tante" angezeigt gefunden, hatte das Werk bestellt und gelesen und richtete am 17. September 1836 an Schopenhauers Schwester, die er für die Verfasserin hielt,einen Brief,in dem er um Nachrichten über die Schicksale des „theuren Bruders" bat. Adele sandte den Brief an Arthur weiter 1 ),der nun die erwünschten Nachrichten selbst geben konnte. Er tat es in einem, nach dem Urteil unseres Freundes Georges Codino ausgezeichneten, eleganten Französisch, dem man allerdings einige Fehler, zum Teil einfache Flüchtigkeitsfehler, nachsehen muß (comme le plus bien de tous statt le mieux, en prospectus statt en perspective, eu statt eu, secrette statt secrète, mord au dents statt mords aux dents, practise statt pratique). Das Verschen, mit dem der Brief beginnt, führt offensichtlich in die Zeit zurück, da der zehnjährige Schopenhauer in der Familie seines Freundes in Le Havre Französisch lernte. In der Kindersprache ist, vielleicht dcs Reimes wegen, das Wort encore zu encomme geworden, — wir finden diese Kindersprache auch in dem Wort pouche wieder, das Grégoire in einem Brief an Schopenhauer vom 24. Vend, an 8 [16. Oktober 1799] gebraucht; vgl. D XIV,S. 4). Der Brief lautet :

[Notice Anthimes:] R le 19 Dbre

Petit bon-homme
Vit encomme, —
Plus près de toi,
que tu ne crois.


            Mon cher Anthime!

           Ta lettre àma soeur, qu'elle m'a envoyée, m'a fait un plaisir inexprimable: c'est comme un doux son, venant du lointain, du beau pays de la bien-heureuse enfance! — Je te jure, que depuis 3 ans je guète, en lisant la liste des arrivées, les nombreux voyageurs passant par Francfort, pour en trouver un du Havre, qui puisse me donner de tes nouvelles: j'en ai manqué deux: ils ne s'arrêtent guère. C'est que j'avois à ton égard le même soupçon que toi au mien, celui de la mort. Parceque la majeure partie des gens que nous avons connus sont morts. Je vois avec bien de plaisir que, selon toute apparence, tu as non seulement la vie, mais encore le genre de vie que j'ai toujours convoité comme le plus beau de tous, d'être à la Campagne, Seigneur en son château, environné de sa famille de toutes les aises & commodités, surtout de beaucoup de livres, & loin, loin du reste des hommes. — (en exceptant toutefois Mr le curé & 2 à 3 voisins un peu éloignés) — tirant lièvres & bécasses, — lisant journeaux &livres, — faisant filles &garçons, dont certainement l'ainê s'appelle André, & les 2 autres suivant l'oncle gris & et l'oncle brun. Tu auras passé ta vie à hériter & faire des héritiers. Très bon métier. —

          Heureux 100 fois, qui, dans un petit coin,
          Fout à son aise, &voitle monde de loin ! —

      Tu n'es donc plus au Hâvre ? plus de maison de commerce ? Très bien: mais moi qui, encore dernièrement, voyait avec plaisir dans les journeaux, qu'on projette un chemin-de fer de Paris au Havre, & calculoit, que si jamais mon destin me mêneroit à Paris, jepourrais en peu d'heures, être au Havre ! Eh bien, même sans toi, j'irois! Pourrais tu peut-être te rappeler, qu'à notre première visite à Trittau, nous étions, un matin, dans un bois, couchés sous des chênes, & je disois, que la vie étoit si courte, fragile & passagère, qu'il ne valoit pas la peine de rien entreprendre & de faire de grands apprêts: turépondis: oui, oui, je sais toutça, tiens, quand jepense que je dois devenir négociant etc —,ça me paroît tout a fait bête & inutile. — Eh bien, ce qu'alors nous avions devant nous, en prospectus, à présant nous l'avons presque en arrière, &ce que nous conjecturions alors, nous voyons que c'étoit bien vrai : — puisque tu es dans ta 50ième année, & moi j'y touche. — C'est l'âge où la vie doit avoir donné ses résultats principaux. Le bel effet que nous nous ferions, si nous nous voyons à présent. Cet été j'ai vu un jeune français, qui te rassembloit (c'est à dire à ton jadis) si par hazard ç'avoit été ton fils ! — Mais ne vas pas croire que je suis un vieux penard; au contraire. Mes cheveux &favoris, ilest vrai,sont presque tout blanc: effet de l'étude & du chagrin: mais ma physionomie est jeune, sans rides, rouge &blanche, &j'ai(à ce qu'on dit) de très beaux yeux, étincellants, d'un éclat particulier; — ce que je n'avois pas étant jeune : mon maintien &ma marche sont fermes & lestes; je marche encore habituellement plus vite que tous les autres: j'ai toujours encore ma petite liaison, très nécessaire! Enfin j'aide belles dispositions à arriver jusqu'à 70 à 80 ans. Mais voilà le Choléra, qui approche ! —
         Tu voudrais l'histoire de ma vie & ses résultats. Il sera difficile de t'en donner une idée: car elle a roulée sur les objets qui sont étrangers à ta sphère, & je ne sais pas où commencer; il y a vie ostensible & extérieure, & vie réelle, intérieure. — Quoique tu ne sois pas homme de lettres, tu sauras sans doute, que dans les sciences ily a eu des hommes d'un haut mérite, qui de leur vivant n'ont pas été reconnus pour tels, mais d'autant plus après leur mort, ou, si le sort étoit propice, dans leur vieillesse: cela a même été le sort de beaucoup de ces hommes, & dans tout tems & tout pays. — Je suis un de ces hommes-là. Tu seras trop sensé, pour pouvoir me croire; faisant reflexion, que le grand mérite est chose aussi rare, que la vanité est chose commune. Néanmoins, je dois, de sincérité, dire ce qui en est: puisque ma conviction en est distincte, & que je sais que ce n'est pas ma vanité, qui me donne le charge. Tu en croiras ce que tu veux.— J'ai donc eu le chagrin, de voir mes ouvrages négligés, tandis qu'on préconisait le faux mérite. Pourtant j'en sais les causes, l'intérêt materiel y entre: les vues des gouvernements d'Allemagne, dont nos pauvres professeurs sont les créatures, &qui voudraient redresser le Christianisme chancellant, &tout près de sa chute inévitable, par la philosophie (à quoi la mienne ne se prête pas, — au contraire!) voilà ce quise combine avec la petitesse des esprits, l'envie, la haine naturelle de la médiocrité contre ce qui n'est pas médiocre: on a affecté de m'ignorer, &on s'est uni à m'étouffer. Notre célèbre Jean Paul a fait l'éloge de ma philosophie dans son dernier ouvrage, Göthe a parlé de moi dans ses mémoires avec estime 2), j'ai eu les hommages de quelques inconnus: — mais tout cela ne suffit pas. Ilfaut le tems, mais ilaccomplira tout: l'injustice même conduit à son contraire, puisque déjà les plagiaires commencent à ronger mes ouvrages, ce qui en est l'éloge le plus sincère: je viens d'en étriller un publiquement & de faire l'éloge suspecte de l'autre.*) Monsystème de philosophie, publié en 1819, &ma théorie des couleurs, publiée en 1816 en allemand, & répétée 1830 en Latin, voilà le centre de ma vie, mon unique objet: je veux me voir reconnu &surtout je veux voirla seconde édition de ma philosophie, pour y ajouter les résultats de mes pensées depuis 18 ans: cela fait,je suis prêt apartir. Après un silence de 18 ans, je viens de publier cette année un petit ouvrage en confirmation de ma philosophie. Oh que le chemin du vrai mérite est long & difficile!les poètes et les musiciens ont beau jeu:ils ont à faire augrand public, qui — veut être amusé: mais nous autres à celui qui veut être instruit: où est-il? nous sommes bornés à un public de compétens, &plaidons notre cause devant un tribunal dont tous les juges sont corrompus & même menacés. L'injustice dont on use envers moi, sera un jour citée comme une des plus éclatantes. — Cependant je suis bien plus heureux que la plupart de mes pareils, qui avaient à lutter contre la misère: moi, pourvu du nécessaire, très-sobre & ménager, j'ai toujours marché tête levée &n'ai pas daigné entrer en compé- tence avec «médiocre et rampant» pour obtenir une place. *) Je serois même très à mon aise, quoique je ne croye pas avoir jamais reçu beaucoup plus que de ce que mon père a laissé: mais malheureusement j'aifait un mauvais pas, en plaçant 1826 une grosse somme dans les fonds Mexicains: un ami me l'avoit mis en tête, jepris encore le conseil d'Alexandre de Humbold, & de Goldsdomid fils de Londre, dont le père avoit fait & s'était ruiné par cet emprunt: &tous les deux m'assurèrent qu'il n'y avoit rien de meilleur.*) Il n'y avoit pas au monde sur cet objet 2 hommes plus compêtens: pourtant tu as vu, comme cela est allé mal. Cette affaire du reste est un secret que je te confie: même ma famille n'en sait rien.J'ai été par là réduit à 2 /s de mon revenu. Mais j'espère encore: nous serions même payés à prêsant, s'iln'y avoit pas l'infâme affaire du Texas*), digne ouvrage des Américains, nation de polissons &de filous, que les Français auroient du étriller,au lieu de se laisser brusquer & piller par cette canaille. — Mon revenue  diminué me suffit encore, vivant en garçon, en chambre garnie, dînant à table d'hôte, le tout sans luxe, mais décemment, 'fai le nécessaire & rien de plus, &je remercie le sort, de n'avoir nifemme n'y enfants: 2 bâtards, que j'avois, sont morts jeunes. 7) Si nouvelle réduction vient, jeplacerai mon reste en rentes viagères. — J'ai été 2 fois en Italie, en 1819, &en 1823, chaque fois presque un an. En 1820 on m'a fait Docteur enseignant à l'Université de Berlin, espèce de Professeur honoraire, pas payé par le Gouvernement, mais par les étudians: de là on devient Professeur. Mais je n'ai jamais enseigné que les premiers 6 mois, en 1820, & depuis jen'ai tenu mon office que pour la forme. Pourtant je suis resté à Berlin de 1820 â 1831, en exceptant 3 ans d'absence & de voyage. Mes études ont toujours absorbé mon tems, l'enseignement en prend trop, & je voyois bien que je n'étois pas ce qu'il faut au gouvernemt, pas fait pour être leur instrument. Ma vie a été une étude continuelle, qui est sa propre récompense, & je m'estime heureux d'avoir pu suivre toute ma vie ce penetrant naturel, cette espèce d'instinct, quime porte aux objets pour lesquels je suis fait, &d'avoir toujours été maître de mon tems. Si j'avois amassé des richesses, elles ne sauroient me protéger des ennuis de la vieillesse: mais j'ai amassé des connoissances &j'ai gagné l'intérêt pour les grandes vérités, pour la philosophie, pour mes ouvrages &ce [6]qui y tient est devenu l'essence de mon être, voilà ce qui me met à l'abri de l'ennui de la vieillesse, cela durera longtems &même jusqu'à la fin: je ne connois pas d'ennui &suis indépendant des hommes, de toutes manières. En 1831 le choléra me chassa de Berlin:je me réfugiai ici.J'avois depuis 10 ans une liaison secrette avec une fille, que j'aimois beaucoup: depuis des années elle avait promis de me suivre quand je quitterois Berlin, ce que 'j'avois toujours en vue: le moment vint soudain, & elle manqua à sa promesse: sans doute elle avoit quelques liens de famille, mais ilne falloit pas promettre. Cela m'a fait beaucoup de peine: mais le tems peu à peu a fait son effet: pourtant elle êtoit le seul être, qui m'étoit vraiment attaché: les circonstances l'ont vaincue. 8)

        Je suis donc ici depuis plus de 5 ans, dont je passai la seconde à Mannheim, croyant yêtre mieux, &puis revins ici.Le séjour d'icime plût d'abord: le climat est le plus beau &le plus sain de l'Allemagne, presque aussi doux que celui de Paris, les environs sont charmans & je suis grand promeneur, on viticibeaucoup mieux qu'à Berlin &à meilleur compte, surtout les Hotels &leurs table d'hôtes sont des meilleures de toute l'Europe, la basse classe & la moyenne des habitans est dune probité rare, ily a un bon théâtre: enfin, quant au bien-être physique, aux «Comforts», c'est le meilleur endroit de l'Allemagne: &quant aux hommes, à la société, qui jecrois est iciplus sotte encore qu'ailleurs, — je ne m'en embarasse point, étant depuis longtems rassasié &dégoûté du commerce des hommes, &sachant qu'ils ne valent pas la peine de perdre mon tems avec eux: partout ils forment, quant à l'aspect extérieur, — un cabinet de carricatures, quant à l'esprit, [7]un hôpital de fous, &quant au caractère moral, un cabaret de filous.Les exceptions sont trop rares, &se sont retirées chacune dans son coin de refuge. Je vis donc en solitaire, avec un barbet blanc, animal bonace &très intelligent, avec ma bibliothèque que j'aifait venir: &je suis loinde tout ennui, puisque le tems apris le mord aux dents &va le diable! — Je joue encore de la flûte, comme jadis: je parle le français encore avec la même facilité &le même accent qu'autrefois (quoiqu'à présent je sache & practise 7langues, qui tendent à se confondre) mais pour l'écrire je n'en ai nullement l'habitude: ce n'est que l'allemand &le latin que j'écris correctement. — Voilà donc mon compte rendu: ilm'a donné le plaisir de parler beaucoup de moi même: révange-toi [sic] et écris-moi bien au long comment c'est [sic] passé pour toi cette vie, que nous avions en prospectus & regardions avec méfiance — l'autre jour, couchés sous les chênes de Trittau: ilme semble que c'étoit hier. Ton histoire sera bien différente &autre chose que la mienne: Mais en tout cas elle fera grand plaisir.

       à Francfort sur Main                                                ton plus ancien ami
       le 10 Decr 1836                                                       Arthur Schopenhauer

P. S. Ce n'est pas ma soeur, c'est ma mère qui écrit les romans, elle est devenue très-célèbre & a vu 2 éditions de ses œuvres complètes en 24 Volumes. Elle est bonne romancière, mais bien mauvaise mère. Je ne l'ai pas vu [sic!] depuis 1814. Elle vità Bonn avec ma sœur, quin'est pas mariée.

Monsieur Jean Anthime Grégoire, au château de Juziers, près Meulan Dêpt de Seine & Oise
 

Grégoires Antwortbrief (imBesitz des Schopenhauer- Archivs) lautet:

Juziers le 19 Obre 1836.

        Les souvenirs d'enfance et de jeunesse ont pour moi un si grand charme, mon cher Arthur, que j'aurais désiré entretenir toujours avec toi des relations que jen'ai vu interrompues qu'avec un véritable regret; mais je n'ai jamais cessé de penser à toi et de te porter un desiderable intérêt. J'ai souvent cherché ton nom dans les journaux et tu te figurerois difficilement l'émotion que j'éprouvai en voyant un jour l'annonce d'un roman qui le portoit, il n'étoit pas de toi, mais je crus qu'il étoit de ta sœur. Je l'achetai immédiatement, quoique je lise peu de romans et je me dépêchai de le lire pour l'amour de toi.— Le désir d'avoir de tes nouvelles me préoccupa encore plus vivement à partir de cette époque et je me sais bon gré d'avoir enfin après tant d'années employé un moyen quim'a si bien réussi. — J'aurois cependant grande envie de te gronder, car c'est toi quia cessé notre correspondance et pour ne pas croire que tu m'oubliois, je me suis figuré en effet que tu étois mort; c'étoit une manière d'éviter d'être injuste. Mais au lieu de passer mon temps à me plaindre, je ne veux m'occuper que du plaisir que j'éprouve de savoir que tu vis et que tu as encore de l'amitié pour moi.Je lis et relis ta lettre et j'y trouve, je t'assure, un plaisir infini. Non certainement je n'ai pas oblié notre course à Trittau ni nos conversations, tout est aussi présent à ma mémoire qu'à la tienne. J'aurais voulu que tu n'eusses à me raconter que des êvènemens heureux, j'aurais bien mieux aimé me réjouir de ta gloire que de laisser ce soin à la postérité; mais tu as eu, mon pauvre ami, ta grande part des tribulations de ce monde, que tu aurais évitées si au lieu d'être un homme de génie, tu avois été, comme moi, un pauvre diable des plus ordinaires; mais tu en aurois eu d'autres, car cela ne t'auroit pas empêché d'avoir un coeur, et le mien a été mis à de rudes épreuves. — Les évênemens de ma vie donc j'arrivenaturellement à t'entretenir sont peu nombreux, mais fort tristes. Je n'airien à te dire des 5 ou 6 premières années quise sont écoulées depuis mon retour de Hambourg jusqu'à mon mariage, dont je crois t'avoir fait part dans le temps, c'était en 1813. La paix faite en 1814 me donna l'occasion de m'occuper d'affaires par respect pour l'ancienneté de ma maison et pour me conformer à l'opinion générale, qu'on doit avoir un état quelconque pendant une partie de sa vie. J'avois une belle existence, j'étais heureux dans mon ménage, mais ma femme était malheureusement d'une santé délicate, je la perdis en 1818. Elleavoit eu 3 enfans, un seul, une filleappelée Eugénie me restoit. Je quittai le Havre et le commerce en 1819, pour consacrer ma vie à ma filleet j'allai demeurer à Paris, où jela perdis aussi en 1827. Ce dernier malheur m'accabla, je ne sais en vérité comment j'ai pu le supporter; mais n'ayant pas succombé, je sentis le besoin de sortir de l'affreux isolement dans lequel je me trouvais et je me suis remarié. Je n'ai de ce second mariage qu'une fille appelée Marie, maintenant âgée de huit ans, elle me semble, comme de raison, charmante, J'aime ma femme de tout mon cœur et je suis aussi heureux qu'on puisse l'être après avoir éprouvé tant de chagrins que le temps adoucit, mais dont ilreste toujours un douloureux souvenir. J'ai acheté en 1829 avec l'intention de n'y passer que l'été, la maison de campagne que j'habite. — Nous nous y sommes trouvés si bien que nous y restons actuellement toute l'année, elle n'est qu'à 12 lieues de Paris, où nous allons souvent, dans la vallée de la Seine sur la route de Rouen, c'est une position délicieuse. Quelques amis et des parents — outre la société du voisinage, le curé auquel tu as pensé et surtout une bonne bibliothèque charment nos loisirs. La vie matérielle nous ne suffirait pas; nous prenons suivant la force de notre intelligence notre part de la vie intellectuelle. Je dirois presque et moi aussi je suis philosophe, si je ne craignois pas de te paraître un blasphémateur, car j'aime en vérité beaucoup la sagesse, mats vous autres philosophes, vous vous donnez beaucoup de peine pour établir des systèmes, et moi j'en trouve un tout établi dans le Christianisme, le plus beau, le plus pur, de tous ceux que je connoisse. Je m'y rattache de toutes mes forces avec l'espoir d'y puiser des consolations pour ma vieillesse, si j'y parviens. Tu crois que le christianisme tombe en ruine et moi j'ai besoin d'espérer qu'il se relèvera triomphant, tant je suis convaincu que rien ne peut le remplacer pour le bonheur des hommes. Cette différence d'opinions ne peut nuire en rien à notre amitié, dont tu ne me refuseras pas la continuation parce que je suis chrétien, que ta manière de voir ne diminuera la mienne. Je suis excessivement tolérant, mais je veux seulement paraître avec tout le monde et surtout avec mes amis ce que je suis réellement, ni meilleur, ni pire. J'ai éprouvé, comme toi, les vicissitudes de la fortune, j'ai mangé et perdu beaucoup d'argent, c'est chose peut-être plus difficilede conserver que d'acquérir. Il me reste cependant une assez jolie fortune, à peu près suffisante pour mes besoins. J'ai fait plusieurs voyages, cet été encore j'ai été à Vichy et ensuite en Suisse avec ma femme et ma fille. Nous en sommes sortis par Baie pour revenir par l'Alsace et la Lorraine et je t'assure que si j'avois su que tu étois à Francfort, j'aurois allongé ma route avec un grand impressement pour aller te voir. On voyage si facilement même sans chemins de fer, que j'espère que la fantaisie te prendra de revoir un ancien ami. Tu serois reçu de bon cœur et tu te plairois peut-être avec nous. Notre vie simple, le calme de la campagne te procureraient un repos dont tu dois avoir besoin après tant d'orages. Cela fait d'ailleurs tant de bien d'être aimé que je voudrais te persuader d'essayer de ce genre de jouissance, cela t'aideroit à supporter l'injustice des hommes. Je te plains d'être mal avec ta mère, que j'étois loin de croire encore vivante, elle doit être bien âgée. Si tu te dépêches de venir me voir, tu ne me trouveras pas encore des cheveux gris, mais je ne suis pas frais comme toi,ma figure est ridée. Du reste je me porte bien, je marche, quand je veux, comme un jeune homme et jepasse dans les rues de Paris presque tous ceux quisont avant moi. Tu ne m'indiques pas d'adresse. Je pense que c'est paru que cela n'êtoit pas nécessaire. Je regretterois cependant que ma lettre ne te parvînt pas. Nous approcherons quand tu la recevras de la nouvelle année que je te souhaite des plus heureuses. Adieu, mon cher Arthur, donne-moi quelque fois de tes nouvelles et surtout viens me voir: aime moi toujours et compte sur le véritable attachement de ton vieil ami.

J. A. Grégoire.

Commentaire en allemand

Diesem Brief folgt ein Schreiben Schopenhauers vom 17. Juli 1838, in dem er Grégoires Rat in der Leibrentenangelegenheit erbat. Auf Grégoires Antwortbrief vom1. Juli 1838 (DXIV,Nr. 273) hat sich Schopenhauer nicht mehr geäußert. Er legte trotz des Abratens seines Freundes einen Teil seines Vermögens bei einer Pariser Versicherungsgesellschaft an.
Sieben Jahre später kam es noch zu einem Wiedersehen zwischen den beiden Freunden. Indrei Briefen vom 25. April 1845 (D XIV,Nr. 330), vom 22. Mai 1845 (unveröffentlicht, im Besitz des Schopenhauer- Archivs) und vom 13. Juli 1845 (D XIV,Nr. 331) kündigte Grégoire seinen Besuch in Frankfurt an. Schopenhauer besorgte ihm Zimmer imEnglischen Hof (vgl. L. Jahrb. 1969, S. 129), fand aber mit seiner Wahl nicht den Beifall Grégoires. Das Wiedersehen fiel wenig erquicklich aus. Grégoires strenge Gebundenheit an das Christentum, von dem in seinem Brief vom 19. Dezember 1836 die Rede ist, scheint Schopenhauers Ablehnung hervorgerufen zu haben. „Ilprofesse, dit-il,la religion des lndous",heißt es in Grégoires Tagebuch (vgl.XXXXVII.Jahrb. 1966, S. 121).

Notes en allemand

1) Brief vom2. Dec. [1836], gedruckt XXXX.Jahrb. 1959, S. 28 ff.
2) Vgl-Jean Paul: Kleine Büchersdiau, Breslau 1825, 2. Bänddien, S. 200 ff.Die Rezension ist zuletzt bei Grisebach: Schopenhauer. Geschichte seines Lebens, Berlin 1897, S. 161 f., und im VI.Jahrb. 1917, S. 175 f. abgedruckt worden. — Goethe: Tag- und Jahreshefte (1830), unter dem Jahr 1819: „EinBesuch Dr. Schopenhauers, eines meist verkannten, aber auch schwer zu kennenden verdienstvollen jungen Manns, regte mich auf und gedieh zur wechselseitigen Belehrung."
3) Die öffentliche Züchtigung hat, in der 1836 erschienenen 1. Auflage des „Willens in der Natur", Prof. Anton Rosas getroffen, das verdächtige Lob J. D.Brandis (ed. Hübscher, IV,1, S. 14 ff.und 9 ff.).Inder 2. Auflage der Schrift (1854) hat sich auch dieses Lob in eine Züchtigung verwandelt.
4) Vgl. PI, S. 373 :»Der, welcher vonHause aus zu leben hat, wirdsich meistens ungebärdig stellen: er ist gewohnt, tête levée zu gehn, hat alle jene Künste [des Sichanpassens und der Kriecherei] nicht gelernt, trotzt dazu vielleicht auch noch auf etwanige Talente, deren Unzulänglichkeit vielmehr, dem médiocre et rampant gegen-über, er begreifen sollte; ...
5) Diese Erzählung bezieht sich auf die Anlage einer Geldsumme in mexikanischen Schuldverschreibungen, die Schopenhauers Freund Heinrich von Lowtzow empfohlen hatte (vgl. Schopenhauer an Lindner, 11. Februar 1856, D XV,S. 449). Die Erwähnung Alexander von Humboldts erklärt eine Stelle imBrief an Frauenstadt vom 6. August 1852 (D XV,S. 153): „Ichhabe ihn [Humboldt] grüßen lassen, weil wiruns persönlich sehr wohl kennen (1826 viel verhandelt haben, nicht Wissenschaftliches) ..."Humboldt war imSeptember 1826 von Paris nach Berlin gekommen und blieb bis MitteDezember, um dann erst imMai 1827 endgültig nach Berlin zurückzukehren. Als Kenner der mexikanischen Verhältnisse konnte er seit seiner südamerikanischen Reise gelten, die ihn zuletzt (vom März 1803 bis Januar 1804) nach Neu-Spanien geführt hatte — so bezeichnet er das damalige Mexiko mit den nördlichen, heute zur Union gehörigen Territorien. Sein Essai politique sur le royaume de laNouvelle-Espagne (1808), in dem er dieProbleme der politischen und wirtschaftlichen Geographie eindringlich behandelte, erschien in2. Auflage 1826. Im gleichen Jahre kamen die „Ansichten der Natur" in 2. Auflage heraus. Schopenhauer hat sie gelesen, imManuskriptbuch „Foliant", S. 312 (1827) findet sich ein längeres Zitat daraus. Die „Verhandlungen" Schopenhauers mit Humboldt dürften sich also nicht ausschließlich um geschäftliche Angelegenheiten bewegt haben. Die Vermutung Rudolf Bordis, es habe sich um die Vorbereitung der am 18. September 1828 eröffneten Naturforscherversammlung gehandelt und statt der von Schopenhauer genannten Jahreszahl 1826 müsse es 1827 heißen (XXXI.Jahrb. 1944, S. 101 f.) ist allerdings irrig.— Das Bankhaus Goldschmitt 8c Co. erscheint im Zusammenhang mit den mexikanischen Papieren mehrfach in den Geschäftsbriefen und Vermögensverzeichnissen Schopenhauers; die Papiere wurden 1851 konvertiert (vgl. D XIV, Nr. 286; D XVI,S. 186 ff.).
6) l'infâme affaire du Texas: Gemeint sind die Separationsbestrebungen der angloamerikanischen Siedler des Texas, die zur Unabhängigkeitserklärung vom 2. März 1836 führten (21. April 1836 Sieg am San Jacinto über den mexikanischen Präsidenten Santa Ana). Von 1836 bis 1845 war Texas eine unabhängige Republik, 1845 wurde es indie Union aufgenommen.
7 ) Deux bâtards: 1. eine früh, inDresden (schon 1819) verstorbene Tochter (vgl. Adeles Tagebücher, Leipzig1909, 11, 20, unter dem 27. April 1819); ferner Adele an Arthur Schopenhauer, 8. Sept. 1819: „daß deine Tochter todt ist, thut mirleid.. \u039b \u0395. \u039f. Lindner spricht in dem gemeinsam mit Julius Frauenstadt herausgegebenen Buch „Arthur Schopenhauer. Von ihm. Über ihn." (Leipzig 1864) irrigerweise von einem „unehelichen Sohn, der aber sehr frühzeitig gestorben ist".— 2. eine später, anscheinend in der Frankfurter Zeit geborene Tochter, von der Adele in Briefen an Ottilie (16. Januar 1836, D XVI,S. 313 f.und 6.Juni 1836, DXVI,S. 315 f.) berichtet. 8 ) Dieser Bericht zeigt, daß die Beziehungen Schopenhauers zu Caroline Medon schon indas Jahr 1821 zurückreichen. Caroline hatte 2Söhne: Johann Wilhelm Adolf, geb. 23. 5. 1820 (Vater wohl der „Geheimsekretär", als dessen "Witwe die Medon sich später bezeichnet) und Carl Ludwig Gustav Medon, geb. 6. 4. 1823 (Vater offenbar „un diplomat étranger"). Schopenhauers erster Berliner Aufenthalt dauerte vom 13. März 1821 bis 27. Mai 1822, der zweite vomMai 1825 bis 1831. In diese Zeit, 1826, fällt eine dritte Schwangerschaft der Medon, die anscheinend nicht zu einer Lebendgeburt geführt hat. Vgl.Robert Gruber: „Schopenhauers Geliebte inBerlin", Wien 1934; Charlotte vonGwinner: Sieben Briefe von Caroline Medon an Arthur Schopenhauer, XXX.Jahrb. 1943, S. 207-213; Bericht aus Indépendance, 29. 12. 1891, XXX.Jahrb. 1943, S. 273 f.;Rudolf Bordi:Caroline Medon, XXXI.Jahrb. 1944, S. 102-105.

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