La Philosophie à Paris

618. Et Badiou de continuer la longue marche.

15 Février 2013, 23:29pm

Publié par Anthony Le Cazals

Nous ne produisons ici qu’une synthèse pour montrer comment les personnes qui ont été prises de stupeur et d’étonnement dans leur jeunesse comme Platon avec le suicide de Socrate ou Badiou avec le meurtre que commit Althusser pendant sa crise de démence, peuvent pour ne pas s’effondrer s’appuyer sur la faiblesse des gens, en associant à leurs interprétations pleines de mépris le vocable de vérité : ces interprétations deviennent sous la règle mathématique, des « forçages ». C’est entre les gens du commun et la Vérité présentée comme vide que se tient le prêtre immortel qui seul sait manipuler la pince que le commun des mortels ne peut pas percevoir. Ce qui paraissait révolutionnaire à un moment donné ne vaut qu’à être dépassé, car ceci se rabat sur une « liberté » absolue qui n’est atteinte qu’« en principe » et sur un sujet plein de la conscience pathétique 633 du « mal ». On retrouve là en fait, tendue entre la liberté et l’égalité, la philosophie de l’ego transcendantal Hus/Sar. Suivez mes vertus disciples, je vous montrerai la voie de l’immortalité. Le système ainsi se perpétue cahin-caha. Peu de gens auront une vision d’ensemble de la pensée de Badiou et en arriveront au constat du « tout ça pour ça » sauf si on le dit dès à présent. Les deleuziens ou tous ceux qui procèdent selon un système empirique et ouvert à la nouveauté sont tombés comme des mouches dans la période obscure inaugurée par Badiou entre 1995 et 2012. C’est que Badiou a un fort effet dissolvant et dépeupleur 325. Il parvient à réduire à néant par le Deux les idées de Vie ou de Nature de ceux qui adhéreraient trop à son discours. Cela est l’effet du Deux, comme le rappelle Giuseppe Longo qui parle d’une mauvaise interprétation philosophique et d’une grave incompréhension du premier théorème d’incomplétude de Gödel (cf. Giuseppe Longo, « Mathematical intelligence, Infinity and Machines : Beyond the Gödelitis » ; Journal of Consciousness Studies, vol. 6, n°11-12, 1999). Il va même jusqu’à employer le terme de gödélite*. Toutes les formes de frégélite ou de gödélite* feraient décliner n’importe quel entrain, parce qu’elles sont l’affirmation de propositions « désintéressées », c’est-à-dire de propositions teintées d’un déclin de vie. Ce ne sont pas des fulgurances 914, qui, quant à elles, marqueraient un surplus de vie par la force de leur pensée, force qui provient des affects qui nous animent entre chaque pensée. Mais peu à peu on voit l’abstraction s’immiscer dans le discours qui devient un jargon fait de parasynonymes*. Certains ont toujours l’accrochement à la vie — le goût comme envie et comme entrain — suffisant pour éviter cela. Pour en revenir non à Gödel mais à Frege, il n'est qu’une réaction face à la possibilité de mathématiser les champs dynamiques ouverts par Riemann, ce qu'oublie de dire Badiou pour masquer sa crispation et sa stupeur. Un second point d'achoppement de votre entrain peut surgir si vous ne perceviez pas la réintroduction de la métaphysique au travers une axiomatique du virtuel. Deleuze touche là une variante de la chose en soi. Reste que le calcul est second et que les mathématiques ne sont ni une « ontologie » de l'actuel, ni une ontologie du virtuel. Si on est dans le mouvement, un peu à la manière de Bohr ou de Feynman qui ne font que des constats sans poser avant eux le calcul — toute fondation se faisant par truchement après coup — il n'y a pas besoin de recours au virtuel, mais au contraire de s'éprouver dans l'inertie, de maintenir sa légèreté dans la gravité.


Par l’exemple de l’égalité nous n’avons fait que montrer comment chacun fonctionne dans l’équivoque BdOT_18 qui pose un discours ésotérique* pour les initiés et un discours exotérique* pour le commun. La Grande Illusion de Badiou est donc de produire un espace des vérités où viennent se rejoindre les vérités et l’Idée BdLM, c’est-à-dire les vérités et les rêves. Ce n’est du reste que la quintessence d’un espace idéal, rien de plus, aucun déni, aucune occultation. Le risque, le désastre « crépusculaire » serait de produire une métaphore d’accès, comme nous avons déjà eu celle du garagiste pour les mathématiques dont il fallait changer le moteur pour en faire la mathématique. Déjà les effets « sophistiques » ne se font pas entendre, on nous disait qu’il n’y avait qu’une mathématique BdEE et nous apprenons, plus tard, qu’il y en a plusieurs, une pour le prétendu « être », une pour le prétendu « apparaître » BdLM_48, là où Sartre par exemple place respectivement les catégories du « faire » et celles de l’« être » SarSG_77. Il en va de même, dans le trajet aléatoire, de la révolution d’abord revendiquée puis rejetée BdEE. De même pour l’Un d’abord congédié, puis encensé à partir de mars 2008 comme le principe, le Dieu-Liberté. Il en va ainsi de la dialectique de pouvoir jongler avec aisance.

Commenter cet article