412a. L’esprit de surplomb.
L’esprit de surplomb est l’autre nom de l’esprit de sérieux et de certitude. L’Esprit de surplomb est le privilège de la philosophie du jugement qui referme la pensée sur des essences, cautionnant ainsi tout le système de la représentation classique par la gouvernance et par la reconnaissance. Celui-ci est marqué par un fort sentiment de supériorité, qui par le travail de la mélancolie s’est retourné chez les philosophes en vengeance jusqu’à la Révolution quantique. Il a permis de produire un discours qui professe, un discours dominant et non de s’intéresser au rapport que chacun a avec son vécu intime. C’est sur le vif 530 de chacun qu’un discours incisif et des pratiques combatives peuvent se greffer. Ce discours incisif n’est déjà plus le logos endiathetos mais le discours qui s’affirme encore marqué du scepticisme de sa haute hiérarchie. Le discours grec de la fin de l’hellénisme est un premier pas vers un discours qui prône un « Être tout puissant » à savoir Dieu, nécessaire à la transcendance des idées. C’est le motif de la vie et de la pureté de Dieu qui précède la figure de la mort de Dieu comme impureté à travers la décadence. L’« Esprit » de synthèse en tant qu’il détient un principe et en tant qu’il prétend, de ce principe, déployer des vérités pour le « commun des mortels », se maintient aussi dans l’illusion de son conservatisme. Si « Dieu est mort », cet esprit n’est pas mort et persiste sous un autre nom : principe, axiome. C’est le grand raté politique de Platon puisqu’il indique un impossible : la Politeia, cette civilité-citoyenneté galvaudée sous le terme de République par les Latins à partir de Cicéron. L’Esprit n’est qu’une manière de se représenter « l’homme » ou plutôt de le surplomber par des idées. C’est là une étrange circonvolution ou contrition qui fait précisément que l’homme en tant que paradigme n’a pas pensé. L’Esprit n’est qu’une manière de penser parmi d’autres, où penser est envisagé comme un outil de domination. Alors que jusque là, tout se découpe suivant la Pensée et l’Etendue, en Esprit et en Corps, Nietzsche en se débarrassant de ces présupposés, a pu avancer : Voici l’homme. Il faut redonner au « corps » la puissance d’agir ou plus encore d’exercer et donc de « se libérer » de l’Esprit, même si une déconstruction n’enlève jamais la tension qui lui est inhérente. La libération vis-à-vis de l'Esprit est libération vis-à-vis de l'ancienne image de la pensée, vis-à-vis du spirituel, vis-à-vis de l'image d'un esprit gouvernant un corps, d'une élite gouvernant une masse, c'est toute la critique que Spinoza fait de Descartes et de l'empire dans l'empire, de l'empire de l'esprit sur le corps SzE°II,préf et SzE°II,2,sc.. L’Esprit de surplomb par des modèles de pensées philosophiques a manipulé le discours dominant et la pensée abstraite, loin des contingences et des situations substituant une gouvernance de la mauvaise conscience à la tension « originelle » de l’esprit. Les philosophes, qui détenaient le pouvoir d’élocution, ont soutenu les hommes supérieurs au travers du Dieu métaphysique, de l'Esprit, mais tout ce jeu n'est que le symptôme du spirituel, du pouvoir symbolique sacré (hiér-archie) qui éduque lentement les corps. Il s’est agi de leur faire incorporer des vérités « éternelles » ou déjà prêtes. Ce sont ces modèles qui fabriquent des « sujets » observés et des « êtres » d’autant plus dociles qu’ils sont déterminés.