KARL MARX / Le prolétaire n'est pas l'ouvrier
Principes du communisme (1847)
« X. PAR QUOI LE PROLETAIRE SE DISTINGUE-T-IL DE L’OUVRIER DE MANUFACTURE ?
L’ouvrier de manufacture du XVIe au XVIIIe siècle avait encore presque partout en sa possession un instrument de travail : son métier à tisser, son rouet pour sa famille, un petit champ qu’il cultivait pendant ses heures de loisir. Le prolétaire n’a rien de tout cela. L’ouvrier de manufacture vit presque toujours à la campagne et entretient des rapports plus ou moins patriarcaux avec son propriétaire ou son employeur. Le prolétaire vit dans les grandes villes et n’a avec son employeur qu’un simple rapport d’argent. L’ouvrier de manufacture est arraché par la grande industrie à ses rapports patriarcaux, perd la petite propriété qui lui restait encore et c’est alors qu’il devient un prolétaire.
Tous les pays semi-barbares, qui étaient restés jusque-là plus ou moins en dehors du développement historique et dont l’industrie avait reposé sur le système de la manufacture, furent violemment arrachés à leur isolement. Ils achetèrent les marchandises anglaises à bon marché et laissèrent mourir de faim leurs propres ouvriers de manufacture. C’est ainsi que des pays qui n’avaient réalisé aucun progrès depuis des siècles, tels que l’Inde, furent complètement révolutionnés et que la Chine elle-même va maintenant au-devant d’une révolution. L’invention d’une nouvelle machine en Angleterre peut avoir pour résultat de condamner à la famine, en l’espace de quelques années, des millions d’ouvriers chinois. De cette manière, la grande industrie a relié les uns aux autres tous les peuples de la terre, transformé tous les marchés locaux en un vaste marché mondial, préparé partout le terrain au progrès et à la civilisation et fait en sorte que tout ce qui se passe dans les pays civilisés doit nécessairement exercer ses répercussions sur tous les autres pays ; de sorte que si, maintenant, les ouvriers se libèrent en Angleterre ou en France, cela doit entraîner comme conséquence dans tous les autres pays des révolutions qui, tôt ou tard, aboutiront, là aussi, à la libération des ouvriers.
la révolution industrielle, partout où la grande industrie a remplacé la production manufacturière, a eu pour résultat un développement extraordinaire de la bourgeoisie, de ses richesses et de sa puissance, et a fait d’elle la première classe de la société. En conséquence, partout où cela s’est produit, la bourgeoisie s’est emparée du pouvoir politique et a évincé les classes jusque-là dominantes : l’aristocratie et les maîtres de corporations, ainsi que la monarchie absolue qui les représentait toutes deux. La bourgeoisie anéantit la puissance de l’aristocratie, de la noblesse, en supprimant les majorats, c’est-à-dire l’inaliénabilité de la propriété foncière, ainsi que tous les privilèges féodaux. Elle détruisit la grande puissance des maîtres de jurande, en supprimant toutes les corporations et tous les privilèges corporatifs. Elle leur substitua la libre concurrence, c’est-à-dire un état de la société où chacun a le droit d’exercer la branche d’activité qui lui plaît et où rien ne peut l’arrêter dans cette activité que l’absence du capital nécessaire.
(pourtant les métiers sont de plus en plus réglementés pour s'assurer l'asservissmeent vis-à-vis des escrocs qui eu peuvent continuer leur profession marchande)