SPINOZA / Ce désir qui pointe sous notre volonté
Spinoza a le premier formulé cette idée capitale : nous ne désirons pas une chose parce quelle est bonne, mais nous la jugeons bonne parce que nous la désirons. Il n'y a donc rien de bon ni de mauvais dans l'absolu, ni Bien ni Mal mais en-deça de notre volonté quelque chose qui en nous désire. Dans le texte qui suit c'est l'Appétit, et en tant que nous le concevons, c'est le Désir. On peut aussi dire que bien avant Maine de Biran, Spinoza articule son système autour de la notion d'effort, l'effort pour persévérer dans son être, sur lequel reviendra Nietzsche, lui qui préfère une persévérance dans le devenir ; le devenir n'étant pas éternel (ou plutôt il faut s'en méfier, car les points d'arrêt comptent et forment des seuils dans l'existence). Aux mois de janvier-février, nous espérons dévellopper un peu plus Spinoza. En attendant pour faire un lien avec les deux articles précédent, voici le passage ou Spinoza introduit de manière centrale la notion de Désir dans la philosophie. Paris8philo
L'Esprit, en tant qu'il a tant des idées claires que des idées confuses, s'efforce de persévérer dans son être pour une certaine durée indéfinie, et est conscient de cet effort qu'il fait.
[...]
Scolie
Cet effort, quand on le rapporte à l'Esprit seul s'appelle Volonté ; mais quand on le rapporte à la fois à l'Esprit et au Corps, on le nomme Appétit, et il n'est, partant, rien d'autre que l'essence de l'homme, de la nature de qui suivent nécessairement les actes qui servent à sa conservation ; et par suite l'homme est déterminé à les faire.
Ensuite, entre l'appétit et le désir il n'y a pas de différence, sinon que le désir se rapporte généralement aux hommes en tant qu'ils sont conscients de leurs appétits, et c'est pourquoi on peut le définir ainsi : le Désir est l'appétit avec la conscience de l'appétit. Il ressort donc de tout cela que, quand nous nous efforçons à une chose, quand nous la voulons ou aspirons à elle, ou la désirons, ce n'est pas parce que nous jugeons qu'elle est bonne ; mais au contraire, si nous jugeons qu'une chose est bonne, c'est précisément parce que nous nous y efforçons, nous la voulons, ou aspirons à elle,ou la désirons".
Spinoza, Éthique, Partie III,trad. B. Pautrat, éd. Le Seuil, 1988, p. 219