La Philosophie à Paris

104. Préambule sur les signes de l’autonomie (4).

14 Février 2013, 19:56pm

Publié par Anthony Le Cazals

Les philosophes tragiques à l’inverse des moralistes ne font que nous inciter à prendre des risques en nous offrant des garanties, celles du rebond ou de la grande santé et non plus l’abri de la morale. Les philosophes moralistes et décadents s’imaginent que ce qui a été acquis par la pensée une fois l’est une fois pour toute et resurgit au détour d’un même parcours, au travers de la lecture d’un texte. C’est leur grande leçon de Platon à Husserl. Il n’y a rien à attendre ni à espérer. Pourtant ce n’est pas cet esprit qu’il faut retenir mais la lettre du génie — si français — qui enfante : il suffit d’activer les signes et à travers eux d’activer une « nouvelle » pensée, en réalité une nouvelle capacité à penser, une vibration différente de l’esprit ou de l’automate spirituel. Passé ce dithyrambe, on peut dire que certes, la philosophie s’est amorcée avec l’axiome de Parménide qui pose que le Même est à la fois penser et être et auquel Platon adjoindra le thème de l’Autre comme début de la pensée transcendantale. Mais depuis ses débuts la philosophie, donc, ignore les zones obscures où s’élaborent les forces effectives qui agissent sur la pensée, les déterminations qui nous forcent à penser DzPS_116, l’exil comme chez les penseurs pieds-noirs qui met en contact avec l’absence, la guerre d’où reviendront Socrate, Descartes, Nietzsche ou d’autres et qui confronte à l’impersonnel, le milieu artistique comme le cercle wagnérien ou goethéen et la Dresde artistique. Quand bien même il y aurait une unité de la vie et de la pensée, du penser et des changements et transmutations, cette unité ne nous assigne nullement à une vie ordinaire ou à une pensée prévisible, c’est pourquoi les problèmes que nous aborderons sont ceux propres à toute activité mais pas forcément ceux du quotidien puisque tout l’intérêt de la vie et de la philosophie est de nous sortir de ce quotidien ou de son contraire l’oisiveté contemplative qui permet l’étude — la scholè qui fera école. S’il est un philosophe pessimiste, il ne pourra que penser que les voies de l’existence humaine ordinaire se limitent à la souffrance et à l’ennui ; ces voies, empruntées par les classes supérieures pour l’ennui et par les classes inférieures pour la souffrance et que symbolisent les peines de la semaine laborieuse et l’ennui du dimanche oisif, conduisent à un rythme qui ne permet pas l’étude et qui évite la contemplation. Amenons-y un peu de joie impersonnelle et de gai savoir. Au fond on pense comme on sort dans la rue, avec élan, entrain, envie, enjouement, goût. Tous ne le font pas et s’en tiennent aux réflexions solitaires oubliant la gana et le gusto. Si l’envie et l’entrain apparaissent aux yeux de ces derniers ils seront non stimulation mais offense. Et par là même négligeons les modèles même celui de « la vie ». Ce sont bien les destins qu’il suffit de construire non des systèmes qu’il faut articuler. L’autogène, l’autonomie est ce qui est tout autre qu’un modèle de « vie ».

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