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PERLES DE SAINT DENIS / La librairie Folies d'encre

5 Avril 2019, 02:52am

Publié par Les étudiants de Paris 8

PERLES DE SAINT DENIS / La librairie Folies d'encre

La seule librairie de la ville de Saint-Denis fête ses vingt ans d’existence.

Faut-il se réjouir qu’une librairie souffle ses vingt bougies ? L’événement passerait sans doute inaperçu ailleurs. Pas à Saint-Denis. Ici, on a fêté comme une victoire, il y a quelques semaines, la longévité de la librairie Folies d’Encre.

« Vous vous rendez compte, c’est la seule librairie, dans une ville qui compte plus de 100 000 habitants, quatre lycées et deux pôles universitaires ! », souligne Christine Parra, fidèle cliente qui revendique un « rapport affectif » avec le lieu, belle boutique blottie en pied d’immeuble, place du Caquet, en plein centre-ville. Un peu plus tôt, un ado a plié ses longues jambes pour s’installer sur un siège d’enfant, et bouquiner à son aise. « Je ne comprends pas les librairies qui interdisent aux enfants de toucher aux livres », confie Sylvie Labas.

C’est elle qui a fondé la librairie en 1998, dans une boutique bien plus petite, rue Jean-Jaurès. « J’avais travaillé à la librairie Folies d’encre de Montreuil. Quand Jean-Marie Ozanne [NDLR : fondateur de ce réseau de librairies indépendantes] m’a proposé d’aller à Saint-Denis, j’ai dit oui sans réfléchir. Je ne sais pas si je le referais… » Elle rit.

« Une bienveillance citoyenne »

Il est clair que la quinquagénaire ne regrette rien. « Economiquement, ça a été très dur. Mais la librairie a tout de suite été enveloppée par une bienveillance citoyenne », raconte-t-elle, encore impressionnée par la mobilisation des habitants face à l’ouverture d’un Virgin en 2005. « Même les ados du quartier, qui n’entraient jamais dans la librairie, nous défendaient ! »

Face au poids lourd, la boutique de Sylvie Labas a certes vacillé… Mais c’est Virgin qui a fini par baisser le rideau. Et la libraire a pu, en 2010, accrocher son enseigne à deux pas du métro, au fronton d’une belle boutique de 120 m2. « Là aussi, ça a été une bagarre, mais le maire [NDLR : Didier Paillard, à l’époque] nous a soutenus. »

La librairie a aussi tissé mille et un liens avec la population. Il a fallu combattre « la peur du prix », chez les plus désargentés. Régis, fidèle des débuts, « un vrai lecteur, mais qui touchait le RMI » avait pris l’habitude d’apporter des carottes, récoltées dans le cadre d’une association d’insertion : « Il me les vendait et l’argent lui permettait d’acheter un livre. » C’est ce que Sylvie Labas appelle « le quotidien de la librairie », ces multiples rencontres de tous les jours, avec des gens de toutes conditions. Comme Ricardo et Alejandro, deux petits garçons Roms, qui sont venus un temps réclamer « qu’on leur lise une histoire ».

Saint-Denis, jeudi 25 octobre. Christine Parra, une fidèle lectrice. LP/G.B.

Saint-Denis, jeudi 25 octobre. Christine Parra, une fidèle lectrice. LP/G.B.

« C’est plus qu’une librairie, c’est un point de repère »

Ces dernières années, Sylvie Labas constate « une vraie paupérisation ». « Mais il y a toujours cette envie du livre. Même quand il n’y a pas beaucoup d’argent, le travail dans les centres de loisirs et les écoles permet aux enfants d’avoir des bibliothèques dans la tête… »

Etre accessible à tous n’empêche pas d’afficher de belles exigences : résidences d’écrivains, rencontres avec des auteurs… L’équipe sélectionne avec soin les ouvrages qu’elle veut mettre en avant. « On veut faire découvrir autre chose que ce que les médias présentent, défendre une diversité de création », souligne Sylvie Labas.

Les lecteurs suivent : 58 274 livres vendus en 2017. « C’est beaucoup », assure Henri Causse, directeur commercial des éditions de Minuit. Qui n’y croyait guère en 1998, avoue-t-il : « Une librairie à Saint-Denis, ça me paraissait extrêmement risqué. Mais aujourd’hui, c’est plus qu’une librairie, c’est un point de repère. »

LA MUNICIPALITÉ LA SOUTIENT

L’aide de la municipalité PC a été déterminante pour permettre à Folies d’encre d’emménager en plein centre-ville. La mairie prend en charge le loyer, pour ce local commercial mis à disposition par Plaine Commune Habitat. C’est aussi auprès de la librairie que la ville passe commande des livres qu’elle offre chaque année aux écoliers en maternelle et en élémentaire. « Il faut défendre l’accès à la lecture, aux livres, et ce lieu où l’on se retrouve et on échange », estime Jaklin Pavilla, première adjointe au maire, qui rappelle que la commune a mis en place un « plan lecture » auprès des plus jeunes.

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