La Philosophie à Paris

PENSEE JUIVE / La bénédiction des prêtres

31 Mai 2020, 02:17am

Publié par La Philosophie

La bénédiction des biens matériels… et des enfants «Que D. te bénisse et te protège» (6, 24).

Rachi dit: qu'Il te bénisse dans tes biens et qu'Il te protège des voleurs qui veulent s'emparer de ton argent !

S'il s'agit ici de la bénédiction des biens matériels, pourquoi est-il écrit qu'en entendant cette première partie de Birkath Cohanim/ de la bénédiction des Cohanim, il faut prier pour acquérir la Hokhma / la sagesse et pour avoir des enfants ?

«Les Justes font attention à leur argent plus qu'à eux-mêmes» disent nos Sages. Le Tsadiq connaît la valeur de l'argent, c'est-à-dire il sait que chaque sou lui a été octroyé par D. dans un but précis : pour remplir sa mission sur terre. La bénédiction qui concerne les biens matériels équivaut donc à une grande sagesse : celle de savoir gérer ses biens dans la bonne direction, pour la Avodath Hachem.

Tout le problème de la vie sur terre est de rester maître des choses matérielles. Qui est le plus grand bandit qui veut s'emparer de notre argent ? C'est le Yetser hara ! explique le Min'hath 'Ani. Il fait en sorte que l'argent nous possède et soit notre maître au lieu de nous appartenir ! Nous devons prier D. de nous aider à dominer notre avoir pour l'utiliser à bon escient et ne pas en devenir esclave. C'est là la plus grande sagesse. Quant à nos enfants également, n'oublions jamais que D. ne nous les a confiés que pour les élever et les diriger dans la voie qu'Il nous a indiquée. Si nous gardons toujours cette position vis-à-vis de tout ce qui semble nous «appartenir », c'est-à-dire nos enfants et notre fortune, nous bénéficierons de cette grande bénédiction: « Qu'Hachem te bénisse et te protège! » Le Yétser hara, ce «voleur », ne pourra ravir ni tes enfants ni ton avoir.

 

LA FAVEUR DIVINE

« Que D. élève Sa face vers toi [qu'Il te prenne en faveur] » (6, 26).

Le Midrach rapporte que les Anges de service ont dit devant le Saint béni soit-Il: «Il est pourtant écrit dans Ta Tora (Devarim 10, 17)  "D. grand, fort et redoutable acher Io yissa panim /qui n'élève point Sa face (qui n'est pas partial) et n'accepte pas de cadeau corrupteur!" D. leur a répondu: «Comment ne pas avoir de parti pris pour les Enfants d'Israël ? Je leur ai dit "tu mangeras, tu seras rassasié et [seulement alors] tu béniras l'Et. ton D.". Mais eux, diqdeqou 'al atseman, ils sont tellement zélés qu'ils ont pris sur eux de réciter le Birkath hamazone même s'ils n'ont consommé qu'une petite portion de pain du volume d'un œuf ou même d'une olive!»

D. favorise Israël au-delà de la justice, au-delà de ce qui lui est dû car Israël aussi va au-delà du Din, de la loi stricte! Dans quel domaine ? Non pas dans des actes héroïques, des œuvres grandioses mais dans le Diqdouq hamitsvoth, dans son empressement à obéir à la volonté divine avec minutie, dans les moindres détails et même au-delà, pour ne pas risquer d'y manquer.

Certains, cependant, émettent des critiques: ne va-t-on pas tomber dans un formalisme desséché? Certes, le danger d'une pratique des Mitsvoth routinière, sans âme, existe. Le prophète la qualifie de «mitsvoth anachim méloumada» (Isaïe 29, 13). Quel est donc le seul remède au machinisme que peut engendrer l'habitude? Non pas l'évasion contemplative, comme on aurait pu le croire, mais bien l'effort dans l'accomplissement de la Mitsva dans ses moindres détails, le Diqdouq hamitsvoth. En effet, un acte accompli avec effort n'est jamais superficiel. L'attention nécessaire à l'application exacte de la halakha appelle obligatoirement la motivation, le cœur ; elle nous évite de tomber dans l'écueil de l'automatisme.

Le Midrach dit également à propos de la troisième bénédiction de la Birkath Cohanim: «Quand l'Et. élèvera-t-Il Sa face vers toi (aura-t-Il du parti pris pour toi?) Lorsque tu te tiens debout [devant Lui] et que tu pries ». De même, on pourrait se demander s'il n'est pas négatif d'enfermer la prière dans les entraves du rite, du temps et du Minyan. Ne faudrait-il pas laisser la prière à la liberté, à la spontanéité de chacun?

Certes, dans notre Tefila journalière, le danger d'une répétition mécanique est grand! Mais en réalité, le Diqdouq, la vigilance à répondre à tous les Dinim nous éveille à la concentration, à la ferveur et ne nous laisse pas nous endormir dans l'automatisme. La réglementation de la Tefila, l'exactitude dans sa récitation, la fidélité au Noussakh, au rite de sa communauté, n'entravent point l'ardeur et l'effusion; au contraire, elles les entretiennent. Une prière personnelle et spontanée est, certes, précieuse et agréée auprès du Tout-Puissant. Elle doit, sans conteste, faire partie également de notre vie et il est normal qu'elle soit dite avec ferveur. Par contre, mettre pareille kavana dans la prière quotidienne est combien plus méritoire ! Et elle l'est d'autant plus si elle est faite betsibour car elle démontre modestie (ma prière est insuffisante sans celle du minyan) ainsi qu'attachement et responsabilité vis à vis de la communauté.

C'est notre Diqdouq hamitsvoth, notre empressement et notre effort à accomplir au mieux Sa volonté qui nous feront mériter la faveur particulière de D. telle que les Cohanim nous la promettent dans leur bénédiction.

NOTRE RECONNAISSANCE ENVERS D.

« Que D. élève Sa face vers toi...» (6,26)

D. a expliqué aux anges qu'Il privilégie les Enfants d'Israël parce qu'ils vont au-delà de leur devoir en récitant le Birkath hamazone pour la consommation d'un petit morceau de pain, même s'ils ne sont pas rassasiés.

Pourquoi est-ce justement la 'Houmra du Birkath hamazone, l'empressement à remercier D. après le repas même pour un petit bout de pain, qui nous fait bénéficier de ce favoritisme ? Car là est la source de la Berakha. Si nous tenons à exprimer notre reconnaissance pour le moindre des bienfaits que D. nous accorde, Il nous en prodiguera d'autres avec largesse, bien plus que nous en méritons. En effet, prononcer le Birkath hamazone même pour un kezaïth de pain, c'est souligner que chaque bouchée de nourriture que D. nous donne est déjà un immense 'hessed, une bonté qui ne nous est pas dûe. En récompense de notre empressement, Il nous comblera au-delà de ce qui nous est dû.

A l'inverse, faire preuve d'ingratitude en se plaignant d'insuffisance, en omettant de remercier D. pour ce que l'on possède déjà, risque, 'hass véchalom, de nous causer un plus grand manque encore. Comme cela a été institué dans la prière de la 'Amida, nous ne devons pas oublier, après avoir présenté nos requêtes, de louer D. pour les bontés qu'Il nous prodigue sans cesse, à chaque instant de notre vie.

Prononcer les Berakhoth et particulièrement le Birkath hamazone avec ferveur et reconnaissance en restant attentif à toutes les lois qui les régissent, représente la plus grande source de bénédiction.

 

PAR LE MERITE D'AVRAHAM

« Ainsi vous bénirez les Enfants d'Israël » (6,23).

Par quel mérite Israël a-t-il mérité la bénédiction des Cohanim? Grâce à la bénédiction faite à Avraham «ainsi sera ta descendance » (Beréchith 15, 5) dit le Midrach.

Cette bénédiction, explique le Ketav Sofer, a été donnée à Avraham après qu'il soit écrit, dans ce même verset: «Il le fit sortir dehors ». Ceci signifie, d'après le Derach, que D. a dit à notre patriarche: «Sors de tes spéculations astrologiques! ». Le Tsadiq, ou les Cohanim, canalisent la Berakha qui leur revient et la dirigent vers ceux qu'ils bénissent. Or, si l'on ne dépendait que du Mazal, que du déterminisme d'un destin aveugle, quel sens aurait la Berakha?

Grâce à Avraham Avinou et à sa foi infaillible, nous sommes sortis de la conception naturelle du monde et grâce à lui «Israël ne dépend pas du Mazal» (Chabbath 156a). La réussite est donnée par le Saint béni soit-Il selon les mérites de chacun. C'est cela la bénédiction spécifique d'Israël: ce sont les actes de l'homme et non le destin qui déterminent les évènements de sa vie.

Dans le même ordre d'idées, on peut expliquer le Midrach disant qu'on mélangeait aux eaux amères données à la femme Sota: de la terre de l'Autel, 'afar hamizbéa 'h, par le mérite de Avraham Avinou qui avait dit «anokhi 'afar vaefere / je suis poussière et cendre ». L'emplacement du Mizbéa 'h représente le centre du monde et il est dit, dans Beréchith (2, 4): «Voici l'histoire des cieux et de la terre lorsqu'ils furent créés / élé toldoth hachamaïm vahaarèts behibaream ». Ce dernier mot, dit le Midrach, peut se lire «beAvraham» pour nous enseigner que le monde entier a été créé pour Avraham Avinou car c'est lui, le premier, qui a répandu la connaissance de D. dans le monde et qui a donné un sens à la Création. Par la puissance de sa foi, notre patriarche a amené le monde à sa réalisation en soustrayant sa descendance au déterminisme des astres: c'est le comportement moral de l'homme qui fixera l'histoire du monde . . . et sa propre existence. Et c'est là l'enseignement que l'on fait entendre à la femme Sota en lui faisant absorber la terre du Mizbéa 'h: elle est entièrement responsable de sa vie ou de sa mort!

C'est en prenant conscience de l'influence de notre comportement sur notre destinée que nous pourrons bénéficier de l'abondance de Bien prodiguée par D. à travers la bénédiction des Cohanim.

 Source : IMREI COHEN, Rav Guerchon nous parle

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