La Philosophie à Paris

REPONSE / Commentaires sur Philotropes

13 Octobre 2010, 10:14am

Publié par Anthony Le Cazals

1. Le samedi 9 octobre 2010, 18:14 par VictorVVV C'est peut-être mon coté Bisounours, mais je trouve effectivement que le deuxième paragraphe est malvenu. Ce n'est pas en faisant preuve d'aigreur que la philosophie analytique va se développer. En mettant l'accent sur le coté empirique, il aurait peut-être été possible de faire un article plus convenu qui aurait pu avoir un impact positif. (Avec des expériences on se rapproche des gens et on est moins dans l'académisme.)

 

2. Le samedi 9 octobre 2010, 18:17 par Florian Cova Tiens, c'est rigolo ça ! Non, ce n'est pas le §2 qui a posé problème. Mais ne soyez pas triste, je vous ferai un calinou quand même.

 

3. Le samedi 9 octobre 2010, 18:55 par Pablo Carnino Merci pour le résumé. Je ne vois pas bien ce qui peut avoir l'air aggressif dedans. Serait-ce une excellente stratégie pour attirer le lecteur? Autrement, Je donne ma langue au chat, comme on dit.

 

4. Le samedi 9 octobre 2010, 19:18 par Florian Cova Tout comme vous, j'ai moi aussi du mal à voir le côté "agressif", mais c'est apparemment dans l'avant-dernier paragraphe que se situe le problème (omagod ! j'ose dire qu'un auteur a tort !)

 

5. Le samedi 9 octobre 2010, 20:05 par julien dutant bah c'est facile pourtant, c'est "On peut néanmoins se demander si cette critique se fonde sur une véritable connaissance de ce mouvement"! En philo en France il est interdit d'émettre des doutes sur les compétences de ceux qu'on commente ;)

 

6. Le samedi 9 octobre 2010, 20:09 par VictorVVV Si c'est l'avant dernier paragraphe qui a posé problème, alors effectivement c'est bizarre de la part du journal. Je m'excuse.

 

7. Le samedi 9 octobre 2010, 20:22 par laurence harang Non la présentation n'est pas "agressive"; juste désinvolte...Donc ça ne plaît pas forcément:)

 

8. Le samedi 9 octobre 2010, 20:27 par Florian Cova Aaaahhhh... Laurence ! Vos remarques toujours si finement argumentées m'avaient manquées.

 

9. Le samedi 9 octobre 2010, 21:02 par laurence harang Je parlais de votre présentation pas de vous!! disons qu'on se montre cool... Faut savoir: soit on fait une présentation claire et bien informée; soit on s'amuse:) 10. Le dimanche

 

10 octobre 2010, 13:28 par pascal engel J 'ai pris connaissance récemment de ce numéro. Il me semble bien équilibré. D'un côté des articles de philosophes reconnus comme Gayon, de l'autre des discussions, comme celle sur la philosophie dite expérimentale, avec un essai d' un auteur ( Knobe) qui la défend et l'illustre, et de l'autre un critique dont le papier est bien venu et intéressant. Tout cela me semble conforme aux principes de la saine discussion. Mais il semble y avoir , de part et d'autre, des sous entendus. Alors on se prend à rêver : va -t _ on calment regarder , dans ces discussions les pro et les con ( les pros des uns sont les cons de l ' autre, c'est bien connu) ou bien va - -on suivre la mode gauloise ?

 

11. Le dimanche 10 octobre 2010, 16:17 par Anthony Mmmm, Mr Gayon un philosophe reconnu !?! Je me rappelle un article aujourd'hui disparu où Gayon faisait allégeance à la Biologie britannique. C'est peut-être pour cela que vous l'appréciez tant. Mais je vois mal en quoi il peut se réclamer comme continuateur du style français d'épistémologie quand il est un importateur du style britannique (j'insiste sur le terme de britannique et non d'anglais). Les britanniques ont tellement pris aux latins, c'est pour cela qu'il y a si peu de philosophie chez les uns comme chez les autres. Vive Lucrèce et les scolastiques. Suivons la mode gauloise... Vive les discussions dérangeantes où ne règne pas le consensus d'empire (pax romana et pax americo-britannica), bref le "comfort". Les empires mettent tant de tant à mourir qu'ils sollicitent la création de creusets de valeurs de plus haute définition ce dont était incapable la philosophie analytique jusqu'à l'arrivée de Julien Dutant et Florian Cova, qui ont permis l'introduction de jugements synthétiques moraux explicites, là où Wittgenstein disait qu'il ne pouvait y avoir de maximes éthiques, poussant l'hyperbole jusqu'à dire qu'il fallait taire l'essentiel... Dernière précision comment Jean Gayon pourrait-être un grand philosophe lui qui ne sait pas faire la différence entre diffamation et opinion, il a pourtant étudié nombre de querelles épistémologiques, il doit bien savoir que le délit d'opinion n'existe pas en démocratie, seulement dans les tyrannies éclairées. D'où l'éventualité de malsaines discussions gauloises.

 

12. Le dimanche 10 octobre 2010, 22:12 par Florian Cova @pascal engel : Je ne suis pas sûr que la critique de Kieft soit intéressante. Je m'explique. Il y a deux grandes façons de critiquer la philosophie expérimentale : (i) critiquer l'idée que la philosophie expérimentale apporte quelque chose à la philosophie / aide à avancer sur des questions philosophiques et (ii) critiquer la méthode utilisée lors des expériences (mais pas le but). La critique de Kieft se place d'emblée dans la seconde catégorie : c'est sur la méthode utilisée par les philosophes expérimentaux qu'il va porter sa critique. Du coup, sa critique ne peut avoir d'intérêt que s'il est vraiment au courant de ce qui se pratique. Or, je pense qu'il n'en a qu'une vision tronquée, ce qui fait que sa critique est tout bonnement "injuste". Reprenons la thèse centrale de Kieft : selon lui, les philosophes expérimentaux, dans leur "comportementalisme naïf", ne prennent pas en compte le fait que les réponses des sujets ne pourraient pas directement refléter leurs réponses. Notons que c'est un point méthodologique tout à fait vrai et important. Là n'est pas la question. Le problème, c'est la thèse selon laquelle les philosophes expérimentaux ne se sont jamais posés la question. Cette critique peut être considérée comme exacte si on se limite à la littérature parue / à l'état du champ avant 2004 (ce qui remonte tout de même à loin) : dès 2004, les expériences de Knobe suscitent de nombreuses contre-hypothèses, parmi lesquelles on peut mentionner : * celle de Adams et Steadman selon qui les sujets utilisent "intentionnellement" dans un sens non littéral pour impliquer pragmatiquement qu'ils désapprouvent l'action de l'agent. * celle de Nadelhoffer, selon qui les sujets sont biaisés par leurs réactions émotionnelles et n'utilisent pas "intentionnellement" selon les critères qu'ils suivent habituellement, * celle de Nichols et Ulatowski, selon qui les sujets utilisent le mot "intentionnellement" dans deux sens différentes, et change de sens d'un cas à l'autre, * etc. Ce genre de questions ne s'est pas posé que dans les études au sujet de l'action intentionnelle. Le débat sur les implicatures pragmatiques se retrouve dans les études au sujet de la causalité, celles sur le biais émotionnel dans les études au sujet du compatibilisme. En gros, dire que l'idée selon laquelle il ne faudrait pas prendre telle quelle les réponses des sujets parce que celles-ci pourraient ne pas refléter ce qu'ils "pensent vraiment" ne s'est jamais présenté à l'esprit des philosophes expérimentaux me semblent refléter une connaissance très lacunaire du champ (ce qui en soi n'est pas un défaut chacun sa spécialité mais est troublant dans le cas d'une personne qui se risque à proposer une critique méthodologique d'un champ entier). En fait, cette "erreur" provient d'un malentendu plus général, qui montre que Kieft n'a tout simplement pas compris ce qu'est très vite devenu la philosophie expérimentale. Il la compare à une entreprise de sondage, dont le but serait seulement d'avoir des statistiques descriptives sur les intuitions des sujets ("X% des sujets pensent que Y"), mais c'est loin d'être le cas : le but actuel est aussi de savoir quels sont les processus psychologiques à l'origine de ces réponses et les critères auxquels ils sont sensibles (projet existant depuis les expériences de Greene en 2001). Autrement dit : il ne s'agit pas seulement de dire quelles sont les réponses des sujets, il faut aussi les expliquer, et cela suppose de faire l'inventaire de tous les facteurs susceptibles de les influencer : effets de cadrage divers, effets d'ordre, façon de formuler les questions, etc. (thèmes sur lesquelles il existe déjà de nombreux articles). Tout ça pour expliquer pourquoi la critique de Kieft me paraît peu intéressante : elle est à côté de la plaque (si on ajoute à ça le ton légèrement supérieur de l'article, dans lequel l'auteur s'autorise de son expérience en tant que sondeur pour prendre de haut ces philosophes "naïfs", on a de bonnes raisons de ne pas apprécier sa lecture). @VictorVVV : Mais de quoi vous excusez-vous, voyons ? @Anthony : Vous m'aviez manqué aussi.

 

13. Le dimanche 10 octobre 2010, 22:27 par Florian Cova @Anthony : Votre "sens de l'histoire" philosophique m'a l'air sérieusement émoussé. G.E. Moore défendait déjà l'idée selon laquelle tout jugement moral est synthétique (et il est possible de formuler des jugements moraux) bien avant que Wittgenstein n'aborde le problème.

 

14. Le dimanche 10 octobre 2010, 23:49 par Arturs Logins Merci Florian pour cette recension! Il y a une chose que je viens de découvrire seulement après avoir lu la recension - ce numéro effectivement peut être vu comme respectant une thématique : "philosophie mise à l'epreuve de l'experience". Précis! En principe REPHA n'est pas une revue thématique. Alors peut être c'est un heureux hasard? Ou peut être c'est seulement une manière de lier les différents débats de différents domaines de la philo analytique répresentés dans REPHA II, en ce moment quand la philosophie experimentale est à l'heure de l'actualité? Auquel cas REPHA a réussie, grâce aux articles des auteurs, une des ses missions - de publier des articles sur des débats actuels en philosophie contemporaine. En tout cas, bien vu! Merci aussi pour cette discussion critique! Très importante pour une vraie culture philosophique! Si nous avons fait le choix de publier les points de vue différents sur la philosophie exprerimentale, c'est aussi dans l'espèrence d'une discussion francophone sur le sujet. Merci pour ton objection competente qui va surement permettre d'avancer dans la débat. En tout, cas REPHA is alive! Et cela grâce aussi aux personnes interesés aux débats de la philo analytique. Sans parler des auteurs et des rapporteurs! Et puis, cela continue! Nous attends toujours des nouveaux articles! Pour le numéro 3 et les suivants!

 

15. Le lundi 11 octobre 2010, 07:37 par pascal engel Je ne pensais pas, en saluant d'un commentaire assez banal la jeune revue REPHA, provoquer de telles vagues. Comme disait mon grand père, n'oublions pas en effet que les anglais ont brulé Jeanne d'Arc et empoisonné Napo , et méfions nous d'eux encore plus en philosophie. En plus ce sont des empiriques, autrement dit des philosophes expérimentaux avant la lettre. La langue anglaise n'est-elle pas pleine de mots concrets, et inapte de ce fait à la philosophie, même expérimentale ? Quant à celle ci, si elle est vraiment expérimentale, et de la science, je ne vois aucun inconvénient à ce que ses pratiquant deviennent, comme ils semblent y aspirer des psychologues et des neuroscientifiques, et je me réjouis s'ils font dans ce domaine des découvertes intéressantes . J'ai toujours soutenu qu'il était important pour les philosophes de faire de la psychologie et de s'occuper de ce domaine. Mais si on m'explique que les seules données importantes pour faire de la philosophie viennent de ce domaine et que je dois me mettre à tester des intuitions "folk", je revendique le droit de décliner gentiment de le faire, et je continue de trouver "intéressant" un commentaire qui tempère cet enthousiasme.

 

16. Le lundi 11 octobre 2010, 08:24 par laurence harang Bonjour, je me suis réveillée ce matin avec la même réaction !! J'essaie en effet de comprendre les enjeux de la méthode expérimentale en philosophie et en psychologie (longue conversation hier sur les questionnaires en psycho à l'université de Clermont-Ferrand ). Mais je trouve l'initiative heureuse (je vais me procurer la revue). Tout à fait d'accord:"Quant à celle ci, si elle est vraiment expérimentale, et de la science, je ne vois aucun inconvénient à ce que ses pratiquant deviennent, comme ils semblent y aspirer des psychologues et des neuroscientifiques, et je me réjouis s'ils font dans ce domaine des découvertes intéressantes . J'ai toujours soutenu qu'il était important pour les philosophes de faire de la psychologie et de s'occuper de ce domaine. Mais si on m'explique que les seules données importantes pour faire de la philosophie viennent de ce domaine et que je dois me mettre à tester des intuitions "folk", je revendique le droit de décliner gentiment de le faire, et je continue de trouver "intéressant" un commentaire qui tempère cet enthousiasme."

 

17. Le lundi 11 octobre 2010, 09:27 par pascal engel PS une muleta pour les philosophes expérimentaux http://www.philosophie.ch/phileas/f... 18. Le lundi 11 octobre 2010, 12:16 par Mikolka @ Pascal Engel (et un peu Florian) Je ne pense pas que les philosophes expérimentaux cherchent à occuper l'ensemble du paysage philosophique, à ne laisser aucune place à d'autres approches (historiques ou conceptuelles par ex.), et à obliger tous les philosophes à faire de la folk psychology. L'un de leurs points forts, c'est de pouvoir tester des théories philosophiques qui s'appuient sur des prémisses empiriques et des intuitions en les mettant à l'épreuve par des questionnaires ou d'autres tests développés en psychologie ou en anthropologie expérimentales. Mais la teneur théorique de certains problèmes philosophiques (les problèmes posés par la sémantique ou la syntaxe des logiques formelles, par ex.) disqualifient entièrement une approche de ce type dans certaines enquêtes philosophiques. Phénomène dont les philosophes expérimentaux sont à mon avis conscients. Les seuls philosophes qui doivent être inquiétés par la philosophie expérimentale et à qui on peut demander amicalement de changer d'approche, sont en gros ceux qui prétendent expliquer des phénomènes en s'appuyant sur des données empiriques dans leur théorie, avec une méthodologie de recueil de données empiriques dont la rigueur peut être sérieusement mise en doute.

 

19. Le lundi 11 octobre 2010, 13:23 par Florian Cova @pascal engel : Il paraît que l'avenir appartient à ceux qui bloguent tôt : vous nous enterrez tous. Je reprend ce que j'avais dit plus haut : il y a deux façons d'attaquer la philosophie expérimentale : (i) sur le terrain empirique, dire que sa méthode n'est pas adaptée à l'étude de son objet ou (ii) dire que les résultats de la philosophie expérimentale, bien que psychologiquement intéressants, n'ont que peu d'intérêts pour la philosophie (la troisième voie, maximale, consistant à attaquer sur les deux points en même temps). Personnellement, si je suis un fervent supporter de la philosophie expérimentale, c'est surtout sur le point (i) : je pense que ces recherches ont un intérêt psychologique important et qu'elles nous ont déjà appris pas mal de choses. Sur le point (ii), en revanche, mon avis est un peu mitigé : avec quelques exceptions très ponctuelles, je ne suis pas persuadé que les recherches expérimentales des philosophes expérimentaux aient un grand poids sur les problèmes traditionnels. Je n'y mettrai pas la main à couper. Je pense que du coup, on est d'accord sur (i) (ces recherches ont un intérêt psychologique) et dans les mêmes eaux sur (ii) (les données sur les "folk intuitions" ne sont pas nécessairement le matériau de base de la réflexion philosophique). Revenons maintenant à la critique de Kieft : Kieft se concentre sur (i) et ne porte jamais sur la critique (ii). En fait, il a plutôt l'air de commencer son article comme acceptant l'idée que la philosophie expérimentale et l'étude des intuitions a quelque chose à apporter à la philosophie et qu'elle est "salutaire". Toutes ses critiques se portent sur la méthodologie psychologique : les philosophes expérimentaux ont quelque chose à apporter à la philosophie, mais ils font mal leurs expés. Du coup, je vois mal comment quelqu'un qui se méfie de la philosophie expérimentale parce qu'il doute de son intérêt philosophique tout en reconnaissant son intérêt psychologique peut trouver intéressant l'article de Kieft : il ne fait aucune critique sur l'idée que la philosophie expérimentale peut apporter quelque chose à la philosophie (il l'admet) et toutes ses critiques "psychologiques" ratent clairement leur cible. (Maintenant, si l'on veut trouver des critiques plus "satisfaisantes" de la philosophie expérimentale, on peut par exemple aller consulter le dernier numéro de la Review of Philosophy and Psychology).

 

20. Le lundi 11 octobre 2010, 14:41 par pascal engel "L'un de leurs points forts, c'est de pouvoir tester des théories philosophiques qui s'appuient sur des prémisses empiriques et des intuitions en les mettant à l'épreuve par des questionnaires ou d'autres tests développés en psychologie ou en anthropologie expérimentale" Mais tout le problème est de savoir quelles sont les théories philosophiques qui entendent être " empiriques" en ce sens et s'appuyer sur des intuitions. "Toutes ses critiques se portent sur la méthodologie psychologique : les philosophes expérimentaux ont quelque chose à apporter à la philosophie, mais ils font mal leurs expés" On peut mal faire ses expériences parce qu'on ne suit pas la bonne méthodologie empirique. et on peut faire mal ses expériences parce qu'on demande des expériences là où elles ne sont pas pertinentes. Si des philosophes expérimentaux étaient venus trouver Galilée après ses expériences de pensée sur le mouvement en lui disant que les "folk" n'ont pas les mêmes intuitions, il y a fort à parier qu'il aurait décliné l'invitation. En fait les philosophes expérimentaux de l'époque étaient des aristotéliciens. Pour le reste laissons Xavier Kieft se défendre lui - même.

 

21. Le lundi 11 octobre 2010, 22:13 par Florian Cova Techniquement, les "folk intuitions" au sujet des expériences de pensée de Galilée n'ont-elle pas été testée par ceux qui font de la recherche sur la physique naïve ? Et faut-il nier qu'elles nous apprennent quelque chose ? (Certes, elles ne nous apprendront rien sur le fonctionnement du monde physique, mais elles nous apprennent des choses sur notre psychologie. Pareil pour la philo expé, donc : pas sûr qu'elle nous apprenne quelque chose sur la liberté / la connaissance / l'action intentionnelle / etc., mais elle nous apprend bien quelque chose sur nos "intuitions" à leur sujet et leur source. C'est tout ce que je voulais dire dans ma critique de Kieft, et c'est cela qu'il rejette.)

 

22. Le mardi 12 octobre 2010, 00:49 par Xavier Kieft D’un « ton légèrement supérieur » adopté aujourd’hui en philosophie – réponse à F. Cova Bonsoir, Un heureux hasard m’a fait lire cette page et, puisque j’y suis invité et que j’en ai le loisir, j’en profite pour poster une petite réponse. D’abord, merci beaucoup à F. Cova de sa recension qui, pour tonique qu’elle soit, me convient tout à fait. Merci également à l’équipe de REPHA sans qui cette discussion n’aurait pas lieu. Il y a vraiment beaucoup de choses dans ces messages. Mais si je comprends bien, F. Cova me reproche surtout (je cite le post 12) « une connaissance très lacunaire du champ » - i.e. du champ d’investigation de la philosophie x, notamment des six dernières années. Il précise toutefois que ce n’est « en soi... pas un défaut chacun sa spécialité mais est troublant dans le cas d'une personne qui se risque à proposer une critique méthodologique d'un champ entier ». J’aurais donc pris un risque peut-être inconsidéré qui me vaut une leçon de l’expert. Soit. Et même si ma « critique peut être considérée comme exacte si on se limite à la littérature parue / à l'état du champ avant 2004 » car, en la matière, apparemment, le goût est à la pointe de la nouveauté et ma critique est has-been. C’est noté, même si je ne crois pas mépriser les références postérieures à 2004 (il y en a d’ailleurs plusieurs qui sont citées dans ma note ; mais peut-être sont-ce des textes qui n’ont pas un contenu que F. Cova juge postérieur à 2004 : après tout, le copyright n’est pas une date de fabrication ou de validation de pertinence, comme mon texte en est peut-être la preuve). J’admets bien volontiers que F. Cova peut avoir lu davantage que moi en ce qui concerne la philosophie x, car il est clair pour quiconque aura effectivement parcouru ma note que je ne prétends certainement pas savoir ce que les gens ont – ou pas – dans la tête (comme on dit). Donc, F. Cova est aussi, à sa manière et à ses heures, un philosophe de salon. Et donc, (« chacun sa spécialité ») je ne devrais pas parler de ce que j’ignore : comme le suggère la fin de la recension, je ne maîtrise pas mon sujet. Et pourtant je me « risque » à le faire. Aïe ! Et en plus, « l'auteur s'autorise de son expérience » ! A propos d’une discipline expérimentale ! Malheureux que je suis ! Puisqu’il semblerait qu’il me faille me justifier, disons que je n’ignore pas les travaux de S. Stich, même postérieurs à 2004. Et que je n’ignore pas ce qu’on a jadis nommé l’éliminativisme. Disons aussi que je soupçonne que la philosophie x soit un éliminativisme déguisé et qu’à ce titre ses enquêtes puissent être présupposées sans objet (y compris par ceux qui la pratiquent). Disons même que je ne suis pas tout à fait contre l’hypothèse selon laquelle il se pourrait bien que les « intuitions » n’existent pas, et que je n’ai pas pour autant la prétention de faire preuve d’originalité, puisque je trouve des choses qui correspondent à cette hypothèse jusque dans cette honte que sont les vieux philosophes que je cite parfois. Disons en outre que c’est à ce titre que je trouve sympathique l’entreprise de la philosophie x, et que c’est encore à ce titre que je suppose qu’elle pourrait cesser de se présenter comme une enquête sur les « intuitions » (semblant jouer en ce sens le jeu de ceux qui croient que les « intuitions », cela existe bel et bien et que ce n’est pas qu’un objet interprétatif). Disons pour finir que je n’ai rien contre Derrida, Fish et les autres, qu’ainsi, les jeux interprétatifs me plaisent, et que, de surcroît, d’une manière générale, j’aime les plaisanteries. Nous verrons alors que ma critique, qui se voulait elle-même un peu plaisante (et pas seulement ironique à l’endroit de la philosophie x : « Descartes, notre gloire nationale » en prenant aussi pour son grade) n’a rien d’outrancier. Maintenant, si F. Cova avait voulu produire une réponse « bien trop agressive » (dixit notre homme), ou même une critique du genre de celle qu’on adresse à ceux à qui on dénie le fait qu’ils puissent savoir quelque chose et à qui il faut expliquer ce qu’ils n’arrivent pas à comprendre (ah… la leçon d’Althusser), je lui aurais réservé un aussi bon accueil que celui que je réserve à ses présentes remarques. Et je regrette bien que son texte n’ait pu être publié. (Mais qui sont donc ces protecteurs dont le zèle bienveillant m’a préservé de ces foudres ?) F. Cova note qu’il « voi mal comment quelqu'un qui se méfie de la philosophie expérimentale... peut trouver intéressant l'article de Kieft ». Fichtre ! Voilà une belle censure ! Que ceux qui se méfient de la philosophie x n’en lisent surtout pas la moindre critique ! Que ne suis-je Rousseau pour intégrer une chose pareille à un Kieft juge de Xavier ! Arrêtez, F. Cova, vous servez ma cause bien plus que je ne pourrai jamais la défendre ! D’ailleurs, quant à moi, je ne suis pas entièrement en désaccord avec vos remarques. Il y en a même une que je partage : « Au final, la « philosophie x » que combat Kieft se révèle plutôt être un épouvantail qui ne correspond à rien de réel ». Je n’aurais pas dit mieux. Vous êtes donc bien de ces gens qu’on doit désormais nommer « les philosophes x d’après 2004 » : ceux qui lisent les pensées d’autrui par-delà même ce qui s’en exprime. Bravo. Et merci encore.

 

23. Le mardi 12 octobre 2010, 01:33 par Florian Cova @Xavier Kieft : Eh bien, le taureau est enfin dans l'arène ! J'essaye de répondre à ce qui dans votre réponse en appelle une. 1) Vous semblez dire que ma critique selon laquelle votre critique n'est valide que pour la littérature avant 2004 est injuste, parce que vous avez utilisé des références d'après 2004. Ne vous inquiétez pas : j'ai remarqué l'existence de ces références. Mais je ne dis pas que vous n'avez pas utilisé de références d'après 2004. Je dis juste que l'idée selon laquelle les philosophes expérimentaux ne se sont jamais dit que les réponses des sujets pouvaient ne pas refléter ce qu'ils pensent est vrai si l'on se limite à la littérature avant 2004. Et le fait que vous utilisez des références datant d'après 2004 n'y change rien. 2) Alors certes on peut ironiser sur le fait que les critiques du genre "ça n'est pas valide après 2004", c'est avoir le goût de la nouveauté, etc. Mais si l'on considère que le nombre d'articles de philosophie expérimentale datant d'avant 2004 plafonne à 5/6 et qu'il existe maintenant plus d'une centaine de papiers, on peut se dire qu'une critique qui ne concerne qu'au maximum 5% du champ en question, c'est un peu léger, non ? 3) Parlons de Stich après 2004 : vous êtes sur qu'il a une posture éliminativiste ? Parce qu'il parle beaucoup des "intuitions" et de ses expériences sur les intuitions. Il a même une façon de les définir assez étrange, genre : "j'appelle intuition tout ce que les philosophes appellent intuitions". Puis il nous dit qu'elles varient (par exemple) avec le genre. Ca ne me semble pas très éliminativiste, tout ça. 4) La philosophie expérimentale n'est pas un éliminativisme caché, mais elle a effectivement pour effet de créer des distinctions fines dans les "intuitions", en cherchant la source psychologique des réponses. On pourra ainsi faire la distinction entre les intuitions comme réaction émotionnelle, comme signe de compétence linguistique, comme un effet d'un calcul coût-bénéfice, comme application d'un concept, etc. Bien sûr, cela demande "d'interpréter" les réponses des sujets pour savoir ce qu'elles signifient, de quoi elles sont le signe, etc. Mais le fait que les intuitions demande un travail interprétatif ne signifie pas qu'elles n'existent pas. Perso, il me semble que pour faire l'objet d'une interprétation, il faut déjà exister, non ? Donc je ne vois pas comment vous pouvez dire à la fois que les intuitions font l'objet d'un travail interprétatif et qu'elles n'existent pas. 5) Finalement, sur le manque d'intérêt de votre critique, ce n'est pas de la censure : je suis prêt à vous fournir tout plein de liens vers des critiques "intéressantes". J'appelle une critique inintéressante une critique qui, partant d'une mauvaise connaissance de son objet, lui attribue des défauts qu'il n'a clairement pas, ce qui fait que cette critique ne peut contribuer ni à la destruction de son objet, ni à son amélioration. Et c'est, d'après moi, le cas de la vôtre. 6) Le reste n'étant que littérature (et ironie), je me permettrai de ne pas vous suivre sur ce terrain là. Je ne suis pas très doué pour les fioritures.

 

24. Le mardi 12 octobre 2010, 13:57 par Steph Puisque tu parles du papier de Stich, c'est l'écart de ta position (nouvelle?) avec celle de quelqu'un comme Stich qui m'a surpris dans tes réponses. Il me semblait que tu défendais aussi l'idée que "nos" intuitions pouvaient être utilisées comme des évidences pour, au moins, affaiblir ou renforcer certaines thèses philosophiques. Tu sembles prendre tes distances avec cet usage quand tu dis "pas sûr qu'elle nous apprenne quelque chose sur la liberté / la connaissance / l'action intentionnelle / etc., mais elle nous apprend bien quelque chose sur nos "intuitions" à leur sujet et leur source." Tu notes par ailleurs un infléchissement général quand tu dis "le but actuel est aussi de savoir quels sont les processus psychologiques à l'origine de ces réponses et les critères auxquels ils sont sensibles". Cet infléchissement s'accompagne-t-il, comme peut-être chez toi, d'une prise de distance avec l'objectif d'utiliser dans des disputes philosophiques les résultats des expériences menées? Et dans la mesure où il me semble qu'il n'est pertinent de parler de PE - plutôt que de psychologie expérimentale étudiant la "philosophie naïve" - que si l'on considère pouvoir faire usage (autre que rhétorique - orienter utilement la recherche par exemple), dans des disputes philosophiques, des "intuitions" étudiées, je me demande si l'expression "philosophie expérimentale" commence déjà à tomber en désuétude dans l'enclos des jeunes toros? Sinon, puisque tu as l'air de bien connaître le champ, il y a des travaux sur les "intuitions" esthétiques?

 

25. Le mardi 12 octobre 2010, 14:04 par julien dutant Xavier: merci de prendre la peine de venir répondre ici. Je regrette toutefois que vous ne passiez que par hasard ;) ! Je dois dire que j'ai du mal à suivre cet (apparent) argument: 1. disons que vous n’ignorez pas les travaux de S. Stich, même postérieurs à 2004. 2. disons que vous n’ignorez pas [...] l’éliminativisme. 3. disons que vous soupçonnez que la philosophie expérimentale est un éliminativiste déguisé 4. disons que si la philosophie expérimentale est un éliminativiste déguisé alors ses enquêtes peuvent être présupposées sans objet 5. disons en outre que c’est à ce titre que vous trouvez sympathique l’entreprise de la philosophie expérimentale 6. disons que c'est à ce titre que vous supposez qu’elle pourrait cesser de se présenter comme une enquête sur les « intuitions » 7. disons pour finir que vous n'avez rien contre Derrida, Fish et les autres, 8. alors nous verrons que votre critique n’a rien d’outrancier. Selon Florian, votre critique est: * la méthode des philosophes expérimentaux supposent l'existence d'intuitions, mais que peut-être il n'y a pas d'intuitions. La critique que Florian fait de votre critique est: * les philosophes expérimentaux ont envisagé cette possibilité depuis un bon moment, et affinent leurs expériences pour contrôler s'il y a bien des intuitions. (Et ils ont aussi élaboré leurs concepts d'intutions) Je n'arrive pas à comprendre, sur la base de votre réponse, si (1) vous pensez que votre critique n'est pas ce que Florian dit qu'elle est, ou si (2) vous pensez que la critique que Florian fait de votre critique est fausse, ou si (3) vous acceptez tout ce qu'il dit mais dites que cela n'empêche pas votre article d'être une contribution utile! (Tout ce que vous dites c'est que vous "n'êtes pas entièrement en désaccord avec ses remarques": êtes vous d'accord avec une partie d'entre elles, et laquelle? ou êtes-vous partiellement d'accord avec toutes?)

 

26. Le mardi 12 octobre 2010, 17:11 par Florian Cova @Steph: A vrai dire, je n'ai pas encore de position fixe et déterminée sur toutes ces questions. Disons deux choses : * Je suis persuadé qu'il y a des cas où l'é-tude de nos intuitions, bien qu'intéressante en soi, ne nous donne pas la solution de certaines questions philosophiques. Par exemple : les intuitions morales. Vous pouvez avoir une théorie complète de nos intuitions morales, cela ne vous dira pas ce qui est bien ou mal, et ne vous aidera pas. Imaginez que vous défendez comme Ogien un minimalisme moral selon lequel l'inceste (disons entre frères et soeurs - ou frère et frère, soyons moderne) n'est pas mal. On vous explique que la plupart des gens trouvent l'inceste mal (on vous donne même une explication évolutionniste.) So what ? * Je suis persuadé aussi qu'il y a des cas dans lesquels certains arguments reposent sur des prémisses empiriques au sujet de ce pensent / ressentent les gens. C'est par exemple selon moi le cas en esthétique, où il est pris comme prémisse par de nombreuses personnes (dont Kant) que les gens ne considèrent pas leurs jugements sur le beau de la même façon que leurs autres jugements de goût (sur ce qui est bon à manger par exemple). Dans ces cas-là, je pense qu'on peut faire des choses intéressantes avec la philosophie expérimentale. (Et : non ! Je ne connais pas pour l'instant d'autres cas d'esthétique expérimentale en philosophie.) Entre les deux il y a la zone floue de l'appel aux intuitions (ce qui suit doit beaucoup à une discussion avec Julien Dutant). Prenons comme exemple une thèse (le Principe des Possibilités Alternatives) et un contre-exemple (les cas Frankfurt). Que se passe-t-il quand on fait appel aux cas Frankfurt pour contrer le PPA ? On peut au moins en donner deux interprétations différentes : * Version psychologique : Le philosophe P dit : la plupart des gens ont l'intuition dans les cas Frankfurt que l'agent est responsable même s'il ne pouvait pas faire autrement / Sur ce type de sujet, les intuitions les plus répandues (ou celles qui sont répandues dans tel ou tel groupe ont une grande autorité / Donc le PPA est vrai. * Version non psychologique : Le philosophe P dit : dans les cas Frankfurt, l'agent est libre même s'il ne pouvait pas faire autrement / c'est un contre-exemple au PPA / le PPA est faux. Notons tout de suite la différence entre les deux argumentations : la version psychologique de l'argument s'appuie sur l'appel aux intuitions et prétend être valable pour toute personne (même celles qui ne partagent pas l'intuition dominante au sujet des cas Frankfurt). La version non psychologique ne fait pas appel explicitement aux intuitions, mais a le défaut de ne pouvoir convaincre et de ne concerner que ceux qui partagent la prémisse de départ (que l'agent dans les cas Frankfurt est responsable sans pouvoir faire autrement). Si ce que font les philosophes quand ils font appel aux intuitions, c'est une argumentation du premier type (version psychologique), alors la philosophie expérimentale est pertinente, aucun problème : la prémisse peut (et doit) faire l'objet d'une évaluation empirique. Mais les philosophes peuvent dire que ce qu'ils font quand ils font appel aux intuitions, c'est un argument du second type, et dans ce cas, la philosophie expérimentale ne peut rien faire pour démonter l'argument. (Elle peut néanmoins dire si l'argument est susceptible d'avoir une portée rhétorique réelle : un argument qui se base sur une prémisse que partage 1% des personnes concernées est un argument peu convaincant.) Si donc on suppose que ce que font les philosophes quand ils font appel aux intuitions correspond plutôt à la version non psychologique, alors la philosophie expérimentale ne semble plus grand chose à avoir à dire (GAME OVER). Maintenant, je ne suis pas convaincu que les philosophes parviennent à s'en tenir à la version non psychologique. Imaginons deux groupes de philosophes : le groupe A (majoritaire) qui accepte une certaine prémisse et le groupe B (minoritaire) qui ne l'accepte pas. Le groupe A va-t-il se dire : notre argument ne concerne pas le groupe B, parce qu'il ne partage pas notre prémisse, et il faut respecter cela et trouver d'autres arguments ? Ou ne va-t-il pas y avoir tendance à ostraciser ceux qui ne "pensent pas pareil" et à considérer que ceux qui n'ont pas la même intuition que le plus grand nombre ont des intuitions dont il ne vaut mieux pas tenir compte ? Anscombe est ainsi célèbre pour avoir qualifié "d'esprits pervers" tous ceux qui ne partageraient pas son jugement au sujet d'un certain dilemme moral. Dans de tels cas, on glisse de façon imperceptible vers une version psychologique de l'argumentation (si on accepte la prémisse P, alors X , la plupart des gens acceptent que P, donc X) - et la philosophie expérimentale peut retrouver du travail. En gros, je pense que la portée de la philosophie expérimentale est dans de nombreux domaines incertaines, parce qu'il n'est pas facile de déterminer la forme que prend l'appel aux intuitions dans ces domaines. Il est fortement possible que jusqu'ici les philosophes pratiquait une forme mixte et que la philo expé les oblige à déterminer exactement ce qu'ils entendent par appel aux intuitions.

 

27. Le mardi 12 octobre 2010, 23:09 par Florian Cova @Julien : En fait, la thèse que je prête à Kieft est : * Trompé par leur comportementalisme naïf, les philosophes expérimentaux ne pensent pas que les réponses des sujets ne reflètent pas forcément ce qu'ils pensent. Une philosophie expérimentale à la française devra prendre en compte cette possibilité. Et je lui répond : * Cette possibilité a été envisagée très tôt par les philosophes expérimentaux. (Il suffit d'ailleurs à Kieft de relire un des articles qu'il cite, celui de Prinz et Knobe, pour s'en apercevoir.) Je n'ai pas porté ma critique sur l'autre aspect de sa critique, qui porte sur l'existence / l'élimination des intuitions, parce que la critique était courte et que commenter ce premier aspect me permettait au passage d'expliquer ce que Kieft entendait par "philosophie expérimentale à la française. Mais prenons maintenant sa critique sur l'existence des intuitions. On peut la résumer par l'argument suivant : * 1) Les intuitions dont parlent les philosophes expérimentaux doivent avoir une certaine "consistance" (c'est ce que Kieft appelle une conception "fonctionnelle" des intuitions). * 2) Les réponses des sujets n'ont aucune consistance et varient en fonction de facteurs non pertinents. * 3) Ergo, les "intuitions" qu'étudient les philosophes expérimentaux. Il y a pas mal de problèmes dans ce raisonnement. L'un d'eux est que Kieft semble tomber lui-même dans le piège du comportementalisme naïf : le fait que les réponses varient beaucoup selon certains facteurs montrent-ils vraiment que les intuitions ne sont pas consistante. Cela voudrait dire que les réponses reflètent fidèlement les intuitions des sujets, ce que Kieft critique plus loin. Kieft prend l'exemple suivant : si je demande à ma femme "tu m'aimes ?" pour la 10e fois en 5mn, il y a des chances pour qu'elle en ait marre et réponde "non". Mais cela ne signifie pas que son amour (comme disposition) n'est pas "consistant". Les réponses des sujets peuvent ainsi être variables sans que les intuitions le soient. De toute façon, La prémisse (1) me paraît bancale. Kieft se facilite la tâche en supposant qu'il ne peut pas y avoir d'intuitions dignes de ce nom si on ne trouve pas d'intuition stable qui se traduit par un schéma comportemental constant (ce qui n'est pas en fait une conception "fonctionnelle" mais "béhavioriste" de l'intuition. Kieft semble même demander que l'intuition ne soit causé par rien d'autre (???) Grand bien lui fasse, mais là encore, c'est à côté de la plaque, étant donné que ce n'est pas du tout ce que les philosophes expérimentaux entendent par intuition. Ils sont très contents de chercher les causes diverses des intuitions et même de montrer comment elles sont influencées par des effets d'ordre, de cadrage, etc. Ils ne demandent pas une "consistance" que seul Kieft exige. Je pense que ce qui correspond le plus à une caractérisation de ce qu'ils entendent par "intuition" est qqch comme : "A a l'intuition que x si A trouve x plus vraisemblable que sa contradictoire (non-x) et si cette inclination n'est pas causée par le fait que A accepte explicitement une théorie T dont x pourrait être déduite". Aucun réquisit de consistance là-dedans. De toute façon, il existe des intuitions consistantes. Un seul exemple suffit à démonter la thèse de Kieft. En voici un exemple, tiré des expériences de Greene : "Un docteur tue une personne en bonne santé pour lui voler ses organes et les donner à cinq patients qui en ont besoin. Est-ce acceptable ?" Pour l'avoir testé dans tous les sens, je peux vous dire que la plupart des gens ont des intuitions assez robustes à ce sujet. (Autre exemple, en philo de l'action, ce coup-ci : "Marc veut tuer sa tante pour toucher l'héritage. Pendant qu'elle dort dans son siège, il l'abat à bout portant avec son fusil (Marc est tireur d'élite). Marc a-t-il intentionnellement tué sa tante ?" (J'vous jure, c'est robuste aussi). (Et allez ! Un exemple en épistémologie : "X pense que les philosophes expérimentaux sont des comportementalistes naïfs. Or, il se trouve que X est mal informé et que les philosophes expérimentaux ne sont pas des comportementalistes naïfs. X sait-il que les philosophes expérimentaux sont des comportementalistes naïfs ?" Je l'ai pas testé, mais à mon avis, ça peut être robuste.)

 

28. Le mardi 12 octobre 2010, 23:41 par Xavier Kieft Bonsoir Julien, Et merci de ce message. Ramassons les choses. Il y a trois points dans l’espèce d’argument que vous me prêtez. Le premier (1+2=>3) dit que je suis fondé à croire que la philosophie x est un éliminativisme déguisé. Le deuxième (3+4=>6) dit que si la philosophie x est un éliminativisme, il y a quelque chose de trompeur à le taire et donc à faire croire qu’il y a quelque chose comme des « intuitions » qui existe. Mais je ne nie pas que les philosophes x puissent croire qu’ils ne sont pas des crypto-éliminativistes ; dans ce dernier cas simplement, estimé-je, ils se trompent sur ce qu’ils font. Le troisième point (5+7=>8 si l’on veut, mais en fait 8 est une transition vers la suite de mon post, comme l’indique l’alinéa), dit peut-être que dans tous les cas il ne s’agit pas là de susciter autre chose qu’une réflexion et que mon propos n’a jamais été d’agacer quiconque : tout au plus de distraire et de proposer quelques suggestions. NB : Exister ici (au sens où les philosophes x se trompent en pensant que les intuitions existent), c’est avoir une consistance propre ou une effectivité éventuellement persistante, indépendamment de ce que l’on peut en dire, comme si les interprétations pouvaient varier et l’intuition même (le datum du philosophe x) demeurer intacte. Je crois que cette situation (ce type d’existence, peut-être abandonné après 2004, mais j’en doute) est illusoire. En ce sens, une phrase comme : « Perso, il me semble que pour faire l'objet d'une interprétation, il faut déjà exister, non ? » me semble fausse. Les fantômes n’existent pas, mais on peut interpréter des propos prêtés à Casper le gentil fantôme ou les agissements du fantôme de Canterville. Cela n’engage à rien. Au reste, ma critique n’est pas ce que F. Cova dit qu’elle est si « supposent » dans la formulation proposée ici signifie « croient eux-mêmes ». Je n’ai pas moyen de le savoir ce que croient les philosophes x. Mais, s’ils croient que les intuitions existent, ils me semblent tomber sous le coup de la dissonance cognitive. Ma critique n’est pas non plus ce que F. Cova dit qu’elle est si « supposent » signifie « font comme si les intuitions existaient », car ils ne font pas « comme si » : il posent ou postulent l’existence autonome des intuitions, suspecté-je (fut-ce sous un concept reformé). Par contre, si « supposent » signifie « posent sans fondement et comme une pétition de principe qu’ils se feront fort ensuite de dénoncer », alors oui, ma critique est ce qu’en dit F. Cova. Sauf que cette « critique » n’est qu’un prétexte pour la suggestion qui lui fait suite et que je reprendrai tout à l’heure. Bref, le propos de ma note n’était pas, au fond, critique. Et comme cette « critique » n’était pas du tout l’enjeu principal de ma note, la critique que F. Cova adresse à ma « critique » ne me touche que peu. D’ailleurs, les lecteurs de ma réponse verront bien que je m’en prends essentiellement à l’autorité dont il fait montre en matière de philosophie x et que j’interprète comme une prise de possession d’un « champ » ou d’un enclos (selon le mot de Rousseau) dont il clame haut et fort qu’il est à lui, tel l’imposteur (le mot est encore de Rousseau) du début de la deuxième partie du second Discours. Et c’est de cela que je critique dans ma réponse la légitimité. Comme je critique à présent le fait qu’il y revienne dans sa réponse à ma réponse, car cet argument de l’autoritarisme et de l’appropriation du savoir est d’une faiblesse extrême (voyez Rancière passim). Dans tous les cas, il me semble que ce que dit F. Cova est passablement confus. Je soupçonne donc qu’il ne sache pas exactement de quoi il parle lorsqu’il parle des « intuitions » - et cela ne m’étonne guère : c’est le contraire qui m’aurait surpris. Je tiens à préciser que je ne critique en rien son aspiration à la recherche et son envie de savoir de quoi il parle, que je trouve salutaire, bon fondée, etc. Mais dans quel sens peut-il savoir que les « intuitions » existent, s’il ne sait pas ce qu’elles sont ? Je sais bien que dans la logique aristotélicienne scolaire An sit ? précède Quid sit ?, mais je doute que ce soit ce qui justifie ici sa démarche. Et, quant à moi, comme je suis un épouvantable suiveur de Descartes dont la logique inverse précisément cet ordre, je crois que pour une chose qui n’a pas de coordonnées spatio-temporelles (ce qui est une autre manière d’exister), il faut d’abord dire ce qu’elle est avant de pouvoir soutenir qu’elle existe. A ce titre, si F. Cova sait de quoi il parle, pourquoi se réfugier derrière l’autorité de Stich pour montrer que la philosophie x n’est pas un éliminativisme ? Stich « a même une façon de les définir assez étrange, genre : "j'appelle intuition tout ce que les philosophes appellent intuitions" » note F. Cova. En quoi cela prouve-t-il que Stich n’est pas éliminativiste ? J’appelle fantômes ce que les philosophes appellent fantômes, et je me fais fort de soutenir que les fantômes n’existent pas. Où est la difficulté ? De plus, j’ai tendance à croire qu’il n’y a pas grand chose de commun entre ce que les philosophes x francophones nomment « intuitions » et ce que les francophones ordinaires nomment « intuitions ». Car, des intuitions, le Français de la rue ne parle pas. Il peut éventuellement parler de l’intuition, qu’il assimile, me semble-t-il, plutôt à une faculté de percevoir les choses de façon non discursive ou sans y réfléchir, ou à une faculté de pressentir. Mais il n’y a pas d’usage idiomatique d’« intuitions » en français banal, et donc ce que les gens appellent « intuitions » ordinairement, cela n’existe pas non plus, lexicalement ou linguistiquement parlant. Et les « propres concepts d’intuitions » éventuellement construits par les philosophes x ne sont que des concepts particuliers que les gens ordinaires ignorent, ce qui fait qu’ils ne sont pas, en tant que tels, susceptibles de faire l’objet d’expérimentations et que la philosophie qui s’occuperait de construire de tels concepts, pour intéressante qu’elle soit, ne pourrait être pas se prétendre expérimentale dans un sens explicite ou obvie où l’on expérimente ce que les gens pensent à travers ce qu’ils disent ou peuvent se savoir penser. Et s’il s’agit de dire qu’il y a des choses que les gens pensent sans le savoir, c’est précisément ce que je remarquais après Descartes dans ma note. Si donc F. Cova veut dire que ce que je dis est vrai mais n’est pas nouveau, qu’il s’avise de constater que ma note a pour fonction d’introduire la traduction d’un article de présentation de J. Knobe qui date de… 2004. (Donc la critique que F. Cova fait de ma « critique » est fausse. Je le cite : « Reprenons la thèse centrale de Kieft : selon lui, les philosophes expérimentaux, dans leur "comportementalisme naïf", ne prennent pas en compte le fait que les réponses des sujets ne pourraient pas directement refléter leurs réponses. Notons que c'est un point méthodologique tout à fait vrai et important. Là n'est pas la question. Le problème, c'est la thèse selon laquelle les philosophes expérimentaux ne se sont jamais posés la question. » C’est sans doute un problème pour F. Cova, mais je n’ai pas soutenu cette « thèse ».) Bref, ce que je voulais exprimer avec mon troisième point, outre mon rejet de l’autoritarisme de F. Cova, c’est que les « intuitions » devraient à mon sens être remplacées par des morceaux de discours ou de textes, dont la signification est au demeurant toujours tributaire de son contexte. (Donc ma « critique » n’en est bel et bien au fond pas une et, dans tous les cas, ce que je dis n’est pas ce que présente F. Cova.) Mais, à ce compte, ferait-on encore de la philosophie x ? – Je n’en sais rien. Peut-être donc que celle-ci est sans objet, d’où mon accord apparent avec la citation que j’emprunte à F. Cova dans ma réponse. Et si, en réalité, cela n’implique nullement que je sois d’accord avec lui , c’est bien parce que je crois qu’il se fourvoie entièrement, et sur mon intention, et sur le sens de ma note. L’apparence d’accord dans ma réponse était ainsi (je crois qu’en réalité beaucoup de lecteurs l’auraient perçu de cette façon) un faux accord ironique qui reposait sur une dénonciation de la stratégie x d’extraction d’une citation ou d’une réponse hors de son contexte. En l’occurrence, j’ai tiré cette citation de F. Cova de son contexte (comme je l’ai fait pour plusieurs autres dans ma réponse), dans le but de susciter une réaction comme la vôtre, qui consiste à me demander de rétablir le sens des mon propre morceau textuel, c’est-à-dire de faire ce que je voudrais que fasse la philosophie x « à la française », et ce que F. Cova me semble vouloir refuser aussi sévèrement que possible de faire. Enfin, vos questions me laissent penser que vous souhaitez que je me positionne de manière fine (ou précise) face à F. Cova, ou peut-être que vous croyez que c’est ce que j’ai voulu faire dans ma réponse. Or, ce n’est pas le cas, car son opposition de principe à ma note publiée dans REPHA montrait suffisamment qu’il ne voulait rien avoir de commun avec moi. A sa guise ! Dans ma note, je ne me positionnais, comme je le disais à l’instant, que par rapport au petit article de J. Knobe (dont je n’aurais pas assuré la relecture et la correction de la traduction si j’avais voulu nuire à tout prix à la philosophie x). Dans ma réponse à F. Cova, j’explique un peu mes griefs et je reproche à F. Cova son ton grand seigneur (cette fois-ci, c’est du Kant). Mais de sa propre philosophie x je ne touche mot. Or, votre question fait de lui un référent en rapport auquel celui qui veut parler de la philosophie expérimentale en France devrait se positionner. Je ne crois pas que ce soit le cas et j’estime que nul n’a l’autorité suprême sur aucune discipline, et que nul ne saurait posséder un savoir ou une science comme son propre enclos. D’où mon pastiche rousseauisto-derrideo-ranciérien. Bien cordialement, XK

PS : Mince… Le temps que j’écrive tout cela, je vois que F. Cova en a rajouté. L’homme est rapide.

 

29. Le mardi 12 octobre 2010, 23:50 par Anthony C'est amusant d'être lu par quelqu'un qui ne vous lit pas. Mais Florian a tôt fait de louer sa promptitude matinale, ceci excuse-t-il peut-être cela. @ Pascal Engel, savez-vous ce qu'est un métier, vous qui n'êtes qu'une fonction ? @ Florian Cova, disons que G. E. Moore était un bon lecteur de Kant, lui, pour si bien le paraphraser. Il n'y a pas que mon "sens historique" qui soit émoussé, je crois que je me complais dans la lie. Et en passant, c'est vrai, le français n'est pas bon pour dissocier des termes abstraits, que dis-je des expressions comme maximes éthiques et jugements moraux, ne nous étonnons pas de la suite. C'est dans les mots que le bas blesse pas dans les personnes qui en font usage. Vive la philosophie synthétique ! A. L. C.

 

30. Le mercredi 13 octobre 2010, 00:13 par Anthony Rapide ? Le non-éliminetaviste l'est moins...

 

31. Le mercredi 13 octobre 2010, 00:34 par Azrael Anthony, j'ignore qui vous êtes mais vos propos sont insultants. En supposant que vous savez qu'ils le sont avant de les publier, je ne peux même me dire que vous ne vous contrôlez pas tout à fait – excuse que vous auriez pu partager avec bon nombre de Français (je ne parle évidemment pas des visiteurs de ce blog) qui, pour une raison qui m'échappe, trahissent une vanité démesurée lorsqu'ils sentent (souvent à tord) que l'image qu'ils ont d'eux-mêmes (souvent erronée) risque d'être froissée par une objection (souvent dépourvue de pertinence); à croire que, si le vêtement est une image de soi qu'on porte sur soi, l'égo de bon nombre de Français est un vêtement qui pend et en pendant, fait déjà beaucoup de plis. Trois remarques enfin. (1) Je fais cette remarque ici, s'agit d'une affaire franco-parisienne, mais j'aurais pu la placer au bas d'autres messages auxquels vous répondez par le dénigrement et la rancoeur. (2) Je suis moi-même Français et me sens parfois concerné par ma propre remarque. Mon remède: l'humour (je confesse un chauvinisme: l'humour français me touche particulièrement lorsqu'il est expurgé de tout vitriol). (3) Je n'ai aucune inimitié particulière à votre égard mais souhaite que votre comportement change de manière à rendre plus agréable mes visites sur ce blog peu ordinaire.

 

32. Le mercredi 13 octobre 2010, 01:22 par Florian Cova @Xavier Kieft, 28: Reprenons donc les choses du début. 1) Sur la question de l'autorité , je vous concède tout ce que vous voulez. Mettons donc que je Moi, Moche et Méchant, je sois un affreux imposteur qui veuille m'arroger le monopole du discours sur la philosophie expérimentale (en France du moins, pour le reste du monde, c'est déjà foutu - et même pour la France... faut que je pense à buter Machery un de ces jours, il devient trop encombrant pour mes diaboliques plans de conquête. C'est dur d'être le Bill Gates de la philosophie expérimentale.) Donc, voilà, je suis très très méchant (et en plein je pue et j'ai des poils dans le nez). Vous avez fini de chouiner ? Passons aux choses sérieuses. 2) Mettons que vous n'avez jamais dit que les philosophes expérimentaux étaient des comportementalistes naïfs qui ne prennent pas en compte la possibilité que les réponses des sujets ne reflètent pas toujours leurs intuitions. Tant mieux pour vous, ç'aurait effectivement été infiniment ridicule. Mais je me pose alors la question : pourquoi alors appeler de vos voeux une philosophie expérimentale à la française qui ferait la distinction entre les réponses verbales des sujets et leurs intuitions si vous pensez que les philosophes expérimentaux le font déjà ? N'est-ce pas complètement inutile ? 3) Mettons donc que votre point principal est 1) que les philosophes expérimentaux prétendent étudier les intuitions, 2) et que les intuitions qu'ils prétendent étudier n'existent pas, 3) ce qui rend "sans objet" la philosophie expérimentale. Vous ne parvenez à cette conclusion qu'en donnant une condition très forte à l'existence des intuitions : la "consistance". Appelons-donc "Kieft-intuitions" ces intuitions qui sont par définition robustes. Effectivement, de nombreux travaux des philosophes expérimentaux montrent que certains facteurs externes peuvent faire varier les réponses des sujets, ce qui pourraient mettre en doute la consistance des intuitions, et réfuter l'existence des "Kieft-intuitions". Les philosophes expérimentaux s'en foutent : ils n'ont jamais postulé que (toutes) les intuitions devaient être robustes ou "consistante". En fait, si on reprend l'exemple de Stich (ou Machery), on peut voir que certains philosophes expérimentaux sont très contents de dire haut et fort que les intuitions sont sensibles et varient - ce qui serait une contradiction s'ils entendaient par intuition quelque chose de "consistant". Il faut donc choisir entre deux hypothèses : (a) les philosophes expérimentaux n'ont jamais posé l'existence d'intuitions robustes ou (b) ils sont trop stupides pour se rendre compte qu'ils se contredisent. L'option (a) me paraît la plus probable : oui, certaines intuitions ne sont pas "consistantes", mais cela ne signifie pas qu'elles n'existent pas - juste qu'elles ne sont pas "consistantes". Cela va peut-être à l'encontre de votre définition d'intuition, mais puisque vous êtes le seul à vous en servir, je pense que ça ne touchera pas grand monde. La conception plus ou moins implicite que se font les philosophes expérimentaux des intuitions est d'après moi tirée du rôle qu'elles sont censées jouer en philosophie : servir à appuyer / réfuter des théories sans elles-mêmes dépendre d'une théorie. Autrement dit, une intuition est une certaine inclination vis-à-vis d'une proposition qui ne dépend pas causalement d'une théorie explicite dont cette proposition pourrait être déduite. Par exemple, dans le contraste entre Trolley et Footbridge, il est courant de dire que l'une au moins des deux réponses est une "intuition" parce que les sujets n'ont pas de théorie explicite permettant de dériver conjointement les deux propositions. De la même façon, dans le cas de l'action intentionnelle, de nombreuses expériences montrent que les théories explicites des sujets au sujet de l'action intentionnelle ne permettent pas d'expliquer toutes leurs réponses, ce qui montre que certaines d'entre elles au moins sont des intuitions. (Note : cela signifie aussi que toute réponse n'est pas forcément une intuition. Ainsi, Greene, qui considère que les réponses utilitaristes sont le fruit d'un raisonnement à partir de principes utilitaristes explicites, ne parle jamais "d'intuitions utilitaristes" mais toujours de "réponses utilitaristes".) Donc, pour résumer : (i) les philosophes expérimentaux partagent une notion assez consensuelle d'intuitions, (ii) cette notion ne pose aucun réquisit de "consistance" et (iii) les philosophes expérimentaux n'ont aucun problème à admettre que les intuitions peuvent être extrêmement sensibles. L'absence de consistance n'est donc pas une preuve de la non-existence des intuitions, et la philosophie expérimentale n'est pas un crypto-éliminativiste. Certes, si l'on prend votre définition de ce qu'est une intuition, alors on peut considérer la philosophie expérimentale de cette façon mais (a) qui se soucie de votre définition ? et (b) mais avec cette définition, il existe des intuitions robustes et consistantes, et donc les intuitions existent (voir fin du commentaire 27).

 

33. Le mercredi 13 octobre 2010, 01:44 par Anthony Raté :) (doublement). Je parlais de la langue : le français... puisque vous auriez pu lire plus haut que ce sont les mots en eux-mêmes et non leur usage qui seraient concrets, preuve que s'y connaît mal. Le mot en anglais est l'unité de sens, plus encore que l'allemand, langue qui déballe tout (cf. pour cette dernière, le pancréas : der Bauchpeicheldrüse, la glande qui ... l'estomac, je suis obligé de censurer tellement mes propos paraîtraient déplacés ici, alors que c'est l'allemand qui concrètement parle). Pour en revenir à la langue anglaise, tout traducteur vous le dira, il faut peu de mots pour exprimer ce que le français exprimera avec plus de nuance en une laisse épique. Laisse ne renvoie pas aux chiens-chiens, d'où la redondance style vers rimé, j'ador(n)e.

 

34. Le mercredi 13 octobre 2010, 07:29 par Anthony @ Azrael 31. Dois-je précisé encore une fois avant que mes propos soient mésinterprétés: - que le commentaire 29 répondait à Engel 15 et Cova 13. - qu'en 11. j'ai écrit "j'insiste sur le terme de britannique et non d'anglais" qui ne semble pas avoir lu 15. - que je suis juif en ce que la transgression de loi pour une nécessité vitale (Florian aime l'expression aristotélicienne de nécessité singulière) est une obligation même de la loi, et qu'alors s'il n'y a pas de "sens historique", de lecture possible de l'histoire, nous sommes condamné présentement à demeure dans "la lie" autrement appelé "la merde", ou par truchement dialectique d'imposer son discours "la crise". Définir les lois de l'histoire par un sens historique pour en dénoncer le non-sens est aller contre celui-ci, contre l'histoire est typiquement juif, on le retrouve chez Attali, chez Zagdanski, chez Slezkine, chez Spinoza dans son traité théologico-politique (précisons qu'il ne semble qu'il n'y ait que Zagdanski qui soit croyant)... Certains noms feront sourire, je sais, ici mais je parlais ici d'une "minorité". Le sens historique s'est retrouvé chez des personnages au pouvoir d'anticipation comme des personnes aussi opposées que . Cela n'a rien à voir avec les historiens ou les mémorialistes qui sont toujours des vaincus (Thucydide, le cardinal de Retz, La rochefoucauld). - je n'ai pas écrit Français avec un majuscule mais avec une minuscule parlant du style et de la langue, filant ainsi la logique Engel qui veux que ce soit la langue qui permette de penser ou non concret, puisque en 13. une confusion est faite entre des expressions bien concrètes(en 11.) de "maximes éthiques" et "jugements moraux", les uns portant en avant les autres jugeant le passé. (l'abstrait c'est avant tout de poser un jugement trop hâtif, ce qu'a fait Florian Cova, rien de plus, on ne va pas reprocher à la jeunesse son empressement). Avec la philosophie analytique tout perd sa saveur, notamment le plurivoque et les hétéronymes de l'autonomie. Bonne journée

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B
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M
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