La Philosophie à Paris

IMPOSSIBLE TRADUCTION / Die Bildung

19 Janvier 2013, 13:07pm

Publié par Anthony Le Cazals


Voici quelques rebonds plus qu'un réel prolongement sur le travail de Léonore Bazinek, qui va en quelques sorte chercher les orgines du mal qui a rongé l'Allemagne du XXe siècle. C'est une figure très récurrente de déculpabilisation dans l'Allemagne (on pensera à Georges-Arthur Goldschmidt ou Günter Grass). C'est pourquoi Léonore Bazinek s'intéresse beaucoup à la pédagogie. La notion centrale et intraduisible tant elle est centrale dans la culture allemande est celle de Bildung, les anglais parleraient de self-cultivation mais elle regroupe les faux-amis de Kultur (Civilisation) et Zivilization (Culture)* et est synoyme de Formation. Cette notion de formation se retrouve aussi bien dans le genre littéraire du roman de formation (bildungsroman, Wilhelm Dilthey, Vie de Schleiermacher, 1870) que dans la classe de la bourgeoise éduquée (Bildungsbürgertum). Parmi les romans de formation on peut citer Wilhem Meister ou en France Les illusions perdus ; Nietzsche en cite un autre comme le plus important livre du XIXe après les Conversation de Goethe. La Bildungsbürgertum subit en fait la critique de Nietzsche dans les deux premiers aphorismes du David Strauss, sous l'expression de philistinisme cultivé ; c'est une classe de la bourgeoisie qui veut se donner les atours d'une éducation idéale basée sur des valeurs idéalistes et l'antiquité classique. Un de ses dernier apôtre sera Claus von Stauffenberg dont le maître quiassura sa formation était un grand lecteur de Goethe.

De même que les Grecs disposaient d'un système culturel totalisant (p. 199) avec la Paideia Michel Espagne dans le Dictionnaire européen des philosophes de Barbarin Cassin, l'explique bien : "La notion allemenade de bildung enveloppe précisément un moment d'incomensurabilité programmée vis-à-vis de quiconque tente d'aborder le terme de l'extérieur" (p. 195). Cette auto-création (ou formation) de l'individu sur fond de culture va de pair avec le développement de la philologie allemande. On pensera à Jacob Burckhardt dont Nietzsche s'éloignera peu à peu mais qui est le parfait exemple de cette affirmation de l'individu sur fond de culture. La Bildung se forge sous l'occupation française de l'Allemange (qui se marque une simplificiation territoriale) et va de pair avec l'université allemande, où prend place la philologie. On pensera à la création tardive de l'université de Berlin par Humboldt en 1810, l'université de Cologne crée en 1388, est devenue une école centrale lors de l'occupation française et fut supprimé pendant un siècle pour ne pas faire concurrence à l'université de Bonn créée en 1818, celle de Dusseldorf fut créée par Murat et Napoléon entre 1806 et 1811. Il n'y a avant Cologne que les Universités de Prague en 1348, de Vienne en 1365 et de Heidelberg en 1386, lesquelles ne progressent que peu sous la renaissance et sous l'effet de la réforme luthérienne. Ceci explique pourquoi Nietzsche fustige l'esprit allemand comme un esprit de paysans dont les intellectuels essayent d'émerger, car il n'y avait pas d'universités allemandes à la différence de l'Italie (Bologne, Padoue) et de la France (Sorbonne, Montpellier).

 Cette question qui est au centre de l'oeuvre de Nietzsche qui eanticipe à vrai dire le nazisme (en rejetant par avance les effets conjoints du nationalisme et de l'antisémitisme, de tout ce qui est typiquement allemand) est même au centre du questionnement de Kafka à l'hiver 1911 : " Il est probable que par la puissance de ses oeuvres, Goethe retarde le développement de la langue allemande ". Plus qu'un ralentissement et indépendamment de Goethe, il semble qu'il y ait eu une régression.

 

* A noter que le clivage sémantique entre l'Allemagne et la France-Grande-Bretagne est entretenu puisque Kultur-Civilisation) et Zivilization-Culture. Ceci se retrouve avec Unbehagen in der Kultur de Freud, Malaise dans la civilisation. Ce point se retrouve p. 203-204 du dictionnaire européen des philosophes, Nietzsche et le problème de la civilisation de Patrick Wotling et m'a été donné par Léonore Balzinek.

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