La Philosophie à Paris

934. Toute création part d'un silence : entre dynamique de vie et transmutation.

27 Février 2013, 19:21pm

Publié par Anthony Le Cazals

La dynamique et la pensée qui sous-tendent l'art et la trajectoire de création de Juliette Binoche. Dès lors que la création n'est ni divine ni humaine ni héroïque, elle devient surhumaine : elle vise le sens de la Terre 822. On ne parle alors plus d'être ou de devenir mais de se transformer. Se transformer c'est se remettre dans sa propre dynamique de vie, nous dit Juliette Binoche, voici un extrait d'un entretien avec Jérôme Clément (France Culture 05 01 2010). Cet entretien m'a profondément touché : la création y est décrite non comme expression d'une élévation intérieure mais comme le fait de renouer avec sa dynamique de vie qui un jour a pointé notre richesse imaginaire. La transmutation qui s’opère passe par un jeu avec les autres et insuffle une énergie dont ne sont pas capables les contemplatifs et les métaphysiciens. On pourra toujours projeter sur la richesse la notion tant morale de vérité (l'idée du vrai qui par le Bien tendrait à échapper à sa condition de vérité) mais cette richesse est une danse, une poésie qui ne tient pas dans le langage (Goethe et Kenneth White le rappellent admirablement). Méfiez-vous de ceux qui détiennent la vérité et en font la véridiction, ils ne sont que le symptôme du mépris pour l'homme et le dégoût de l'homme. Le combat a l'avantage de révéler les enjeux de révéler en pointant l'esprit de vengeance qui meut certains et d’ainsi éviter les excès de l'hyperbole 526 que contient le discours qui souhaite éviter l'angoisse d'où il part. Il est fou de voir que l'inhumanité (que la réaction chrétienne et royaliste fustige comme l'outre-modernité qui vient après la postmodernité du Sujet et de la Structure qui rompent avec les grands récits) est l'expression de la honte d'être un homme après les exactions fascistes. La création n'est pas d'outre-monde, elle n'est pas une tombe après la modernité mais affronte la réaction qui s'avance, le retour de la transcendance qui reconnaît que Dieu n'est pas de ce monde mais est le principe d'un autre monde, lequel n'existe pas, mais insiste dans les crises et les illusion comme manière de grever les dynamiques de vie et les transmutations.


Toute création part du silence, mais c'est un silence intérieur, c'est ce moment où on lâche, où l’on crée ce nu intérieur où on n’est pas entouré de projections. … Le silence dont je parle c'est au moment de la création, hors espace-temps, car le temps dont vous parlez est plus dans l'espace-temps, comment est-ce que je me débrouille avec mon emploi du temps, mes rendez-vous etc. Et à la fois, chacun a une dynamique de vie. Moi, j'ai eu la chance de reconnaître très tôt ce pour quoi j'étais faite. J'ai été appelée, comme on disait hier, par le désir, le désir de l'autre mais il y avait aussi en moi un fort appel, une envie d'exprimer l'invisible, l'indicible à travers une matière visible qui est l'expression artistique, alors cela se passe en peinture, en poésie, en danse, en jeu, en ce qu'on veut. Quand je fais la cuisine je le fais aussi avec art car pour moi les choses ne sont pas séparées. Je crois que chaque instant peut-être créateur. Quand on fait la cuisine il y a un temps de silence aussi dans lequel on met [dans la nourriture] sa propre énergie, son propre amour. Quand je suis avec mes enfants, quand je leur lis des histoires, je me bats aussi pour être là pour eux... et pour moi, parce que c'est partagé. Je ne dis qu'il n'y a pas aussi des tristesses de mes absences. Je pense qu'elles sont exprimées c'est le plus important. Nos manques aussi nous font avancer. Le problème que je peux voir également c'est quand les parents sont trop présents avec leurs enfants., parce que les enfants ne peuvent pas grandir, ne peuvent pas partir. Se séparer de ses parents c'est extrêmement dur et l'absence permet aussi aux enfants d'être dans leur propre parole et de prendre leur envol. Quand je pense à Jean Renoir et à Auguste Renoir, c'était des dynamiques de vie énormes l'un comme l'autre. Je pense qu'Auguste Renoir devait être plus à sa peinture, qu'à la cuisine ou avec ses enfants, il n'empêche que Jean Renoir a trouvé sa dynamique de vie. Alors je ne dis pas que tous les enfants des artistes doivent être artistes. Moi j'ai réussi à me déculpabiliser dans le sens où j'ai compris que j'étais ici pour des raisons plus grandes que je ne l'imagine, qui sont au-delà de ce que ma tête veut bien comprendre, quand je regarde des gens qui se transforment par exemple en regardant l'un de mes spectacles et qui se remettent dans leur propre dynamique de vie, à ce moment là pour moi ça a un sens. Ca n'enlève pas l'envie que j'ai de passer du temps avec mes enfants et de faire le maximum pour eux, etc...

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