La Philosophie à Paris

SCHOPENHAUER / La philosophe et l'Université

20 Mars 2007, 18:08pm

Publié par Paris 8 philo

Dans notre série Qu'est-ce qu'un philosophe ? Quelques extraits de textes de Schopenhauer tirées du besoin métaphysique de l'humanité (supplément XVI à la première partie du Monde comme représentation et comme volonté : SchMRV) et de Contre la philosophie universitaire (tiré de Parerga et Paralipomena : SchPP). Certains passages de Contre la philosophie universitaire (SchPP) inspirerons de le §8 du Scopenhauer Educateur de Nietzsche. (SchPP)

 

« Que la philosophie ne se prête pas à être un gagne-pain, c'est ce que Platon a déjà démontré dans ses peintures des sophistes, qu'il oppose à Socrate ; au début du Protagoras, en particulier, il a décrit de la façon la plus amusante, avec un comique incomparable, la manière de faire de ces gens-là et le succès obtenu par eux. Gagner de l'argent au moyen de la philosophie, c'était, chez les Anciens, le signe qui distinguait le sophiste du philosophe. Le rapport des sophistes aux philosophes était, en conséquence, tout à fait analogue à celui d'une jeune fille qui se donne par amour, comparée à la fille de joie qui se fait payer. C'est ainsi que Socrate dit, par exemple (Xénophon, Mémoires sur Socrate, Livre I, chap. VI) :« Antiphon, ne voyons-nous pas parmi nous qu'on peut faire de la beauté, comme de la sagesse, un emploi honnête ou honteux ? Celui qui trafique de la beauté avec qui veut la lui payer s'appelle un prostitué ; mais celui qui, connaissant un homme vertueux, cherche à s'en faire un ami est estimé un homme sensé. Il en va de même de la sagesse : ceux qui trafiquent avec qui veut la leur payer s'appellent sophistes ou bien prostitués ; mais celui qui, reconnaissant dans un autre un bon naturel, lui enseigne tout ce qu'il sait de bien et s'en fait un ami est estimé un homme fidèle aux devoirs d'un bon citoyen. » Que pour cette raison Socrate ait rangé Aristippe parmi les sophistes, et qu'Aristote ait fait de même, je l'ai déjà démontré dans mon œuvre principale. » (SchPP)

Le passage en question : « Une seconde, quoique moins nombreuse, catégorie d'individus qui tirent subsistance de ce besoin métaphysique de l'humainté, sont ceux qui vivent de la philosophie Chez les Grecs on les appelait sophistes, et chez les modernes, professeurs de philosophe. Aristote (Métaphysique, II, 2) range résolument Aristippe parmi les sophistes, et Diogène Laërce (II, 95) nous en fournit l'explication : c'est qu'il fut le premier qui fit payer ses leçons. Lui-même voulut payer Socrate, qui dut lui renvoyer son cadeau. Chez les modernes - en général du moins sauf de rare exceptions - ceux qui vivent de la philosophie ne sont pas très différents de ceux qui vivent pour elle ; il sont souvent leurs adversaires, leurs ennemis secrets et irréconciliables ; car toute étude purement et profondément philosophique jetterait trop d'ombre sur leur travaux, et de plus ne se plierait pas aux vues et aux réglementation de la confrérie ; aussi en tout temps, s'est -elle efforcé d'étouffer ces études suivants les époques et les circonstances, elle a employé habituellement contre elles, tantôt le silence, tantôt la négation, le dénigrmeent, les invectives, les calomnies, l'altération, les dénonciations et les poursuites. C'est ainsi qu'on a vu maint grain génie se trîner péniblement à travers la vie, méconnu, sans gloire, sans récompense, jusqu'à ce qu'enfin , après sa mort, le monde fût désabusé et sur lui, et sur ses ennemis. Ceux-ci cependant ont atteint leur but [...] ils ont vécu de la philosophie avec leur femmes et leurs enfants, tandis que le grand homme méconnu vivait pour elle. Aussitôt qu'il est mort, revirement complet : la nouvelle génération des professuers de philosophie se fait l'héritière de ses travaux, s'y taille une doctrine à sa mesure, et se met à vivre de lui.») (ScMV_854-855, puf) Et Schopenhauer de continuer avec l'exception que fut KantSi Kant a pu vivre pour la philosophie et d'elle, il le doit à une circonstance bien rare, qui ne s'est reproduite qu'une fois depuis les Antonins et les Juliens : il y avait alors un philosophe sur le trône (Frédéric II). C'est uniquement sous de tels auspices que la Critique de la raison pure pouvait voir le jour. Mais à peine le roi est-il mort, qu'aussitôt nous voyons Kant saisi de peur, car il appartenait à la confrérie. Dans la deuxième édition, il modifie son chef-d'œuvre, il le mutile, il le gâte, et, en fin de compte, il est menacé de perdre sa place. .») (ScMV_855, puf) « Quant à l'exception qui confirme la règle, à savoir que Kant a été professeur, je me suis déjà expliqué plus haut à ce sujet. J'ajoute simplement que la philosophie de Kant lui-même aurait été plus grandiose, plus décidée, plus pure et plus belle, s'il n'avait pas occupé une chaire ; il tint toutefois, très sagement, le philosophe le plus séparé possible du professeur, car il n'enseignait pas sa propre doctrine dans sa chaire (Voir Rosenkranz, Geschichte der Kantischen Philosophie, p. 148). » (ScPP) « Qu'on vienne ici, au moyen d'habiletés, faire valoir le faux et le prôner partout comme vrai, à grand renfort de voix de stentors appointés, et nous aurons ces résultats : l'esprit du temps est empoisonné, toutes les branches de la littérature se corrompent, tout essor intellectuel élevé s'arrête, et un obstacle de longue durée vient s'opposer au développement du bon et du vrai. Tels sont les fruits de la φιλοσοφία μισθοφόρος (philosophie salariée). Voyez, comme, preuve à l'appui, ce que, depuis Kant, on a fait de la philosophie, et ce qui est ainsi advenu d'elle. L'histoire réelle de la charlatanerie hégélienne, et la façon dont elle s'est répandue, suffira d'ailleurs à illustrer un jour au vif ce que je viens d'établir.» (SchPP) La charlatanerie hégélienne que l'on peut atténuer puisque celui-ci concédait au final : Spinoza ou pas de philosophie. « Oui, j'incline de plus en plus à l'avis qu'il vaudrait mieux, pour la philosophie, cesser d'être un métier et d'intervenir dans la vie bourgeoise, sous le patronage de professeurs. C'est une plante qui, telles la rose des Alpes et la double-cloche, ne prospère qu'à l'air libre des montagnes, et dépérit quand on la cultive artificiellement. Les représentants de la philosophie dans la vie bourgeoise ne la représentent le plus souvent que comme le comédien fait le roi. Les sophistes que Socrate attaqua sans se lasser, et que Platon prend pour cible de ses railleries, étaient-ils autre chose que des professeurs de philosophie et de rhétorique ? Et n'est-ce pas en réalité cette attaque vieille comme le monde, qui n'a jamais cessé complètement, que je reprends à mon tour'? Les efforts suprêmes de l'esprit humain ne s'accordent pas avec le métier ; leur noble nature ne peut s'amalgamer avec celui-ci. On pourrait encore s'entendre avec la philosophie universitaire, si les maîtres appointés se contentaient de remplir leurs fonctions en transmettant à la génération qui se développe, à la façon des autres professeurs, le savoir existant qui vaut, en attendant, comme vrai, c'est-à-dire s'ils exposaient fidèlement et exactement à leurs auditeurs, en leur mâchant les choses, le système du plus récent philosophe véritable ; on pourrait encore s'entendre, dis-je, surtout s'ils apportaient dans leur exposé du jugement ou au moins du tact, au lieu de présenter comme des philosophes de purs sophistes tels, par exemple, qu'un Fichte, un Schelling, et à plus forte raison un Hegel. Or, non seulement les qualités mentionnées leur font en général défaut, mais ils se livrent à la sotte illusion qu'il appartient à leur emploi de jouer eux-mêmes au philosophe, et d'enrichir le monde du fruit de leurs profondes méditations. Cette illusion engendre ces productions aussi misérables que nombreuses, dans lesquelles des cerveaux ordinaires, et parfois même moins qu'ordinaires, traitent les problèmes dont la solution a provoqué depuis des milliers d'années les efforts suprêmes des intelligences les plus rares, pour vues des aptitudes les plus grandioses, auxquelles l'amour de la vérité a fait oublier leur propre personne, et que l'aspiration vers la lumière a poussées parfois jusqu'en prison, et même sur l'échafaud ...» (SchPP) (SchPP) La charlatanerie hégélienne que l'on peut atténuer puisque celui-ci concédait au final : Spinoza ou pas de philosophie. (SchPP)

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O
Traduction à la lettre, soit ; les oyseaulx sans domicile fixe n'ont pas les moyens de vérifier ; il n'empêche qu'en français on dira : des Julien l'Apostat, sans marque de pluriel, tandis que : des Juliens, cela ne peut désigner que les Julio-Claudiens, ce qui va à l'encontre du sens du texte, si on a lu Tacite.
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A
Que dire, j'avoue mes insuffisances :)
P
<br /> AIDEZ FABRICE !<br /> En résumé :<br /> Fabrice est un petit garçon atteint d'une maladie rare, la leucodystrophie...<br /> De nouveaux essais clinique sont en cours et Fabrice aurait enfin peut-être un espoir, mais ce traitement lui est refusé sous prétexte qu'il est trop vieux de 4 mois... Son père à décidé de lancer une pétition... Si vous désirez aidez Fabrice et sa famille vous trouverez toutes les infos sur mon blog... Merci pour lui...<br /> <br /> Peter Pan...<br />
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O
Y aurait-il une lettre de trop à « Juliens » ? Selon toute vraisemblance, il doit s'agir, dans l'esprit de l'auteur, de l'Apostat, et non de la dynastie julio-claudienne ?
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P
C'est la traduction à la lettre :)