La Philosophie à Paris

ALAIN BADIOU 7 / Sorti des nombres, des problèmes d’interprétation.

9 Décembre 2008, 22:07pm

Publié par Anthony Le Cazals

Sorti des nombres, des problèmes d’interprétation. — Voyons en quoi la dialectique de Badiou sous les termes de forçage et d’axiomatique produit aussi ses interprétations. Au fil des ouvrages-clés que constitue la série des l’être et événement, le lecteur sort de la transposition mathématique qui ne serait qu’axiomatique et sans définition, comme nous le relevons ici : « Dans Logiques des mondes, l’appareillage logico-mathématique est autosuffisant : tout est défini et démontré » LM_564. La part ontologique (dianoia) de la dialectique ne peut parvenir à réduire tout le langage en logique mathématique et en finalité là n’est pas son but : la visée de la méta-ontologie est morale. On peut alors difficilement douter de la prêtrise de Badiou. Qui douterait que celui-ci interprète l’esprit, plus qu’il n’expérimente la lettre, devra tout de même tout même noter la récurrence d’expressions comme « Quand Deleuze pose que … il faut l’entendre ainsi » BdCE_28, « il faudra plutôt dire » BdCE_26, , « Deleuze dira plutôt … Deleuze dira plutôt » BdCE_71. Tout est affaire de réécriture : « comme l’écrit Deleuze » BdCE_63 ou comme le réécrit Badiou devrait-on dire. Tout philosophe qui parle d’un autre philosophe, en bonne idiosyncrasie, parle avant tout de lui-même, met en avant son propre point de vue et nous n’y échappons pas. Mais ces problèmes d’interprétations ressurgissent souvent chez Badiou. Par exemple avec l’ennemi Nietzsche, Badiou lit ainsi «  Pour peu qu’on soit médecin, on peut même se demander qui a pu infecter de cette-maladie-Platon, / la plus belle plante humaine de l’antiquité » au lieu de « … qui a pu infecter Platon, la plus belle plante humaine de cette maladie ». Excessif et impatient, se voyant trop vite mis en joue, Badiou avec une « noble gaminerie et une gaucherie de débutant » dans l’interprétation. Il en est de même de la phrase emblématique de Badiou : « Le même, lui, est à la fois pensée et être ». Ce n’est qu’une traduction approximative de Jean Beaufret, qui fait apparaître des mots qui n’existaient dans le fragment original grec, mais cela arrangeant bien Badiou.  C’est sur ce genre de malentendu que l’on construit un trajet abstrait, mais c’est pourtant là aussi qu’affleure la stupeur de Badiou face à Nietzsche, sa réaction couvée pour tout ce qui ne touche pas à sa mathématique. Pour lancer une carrière, il suffit d’une phrase, de trois mots même : un « à la fois » qui rendrait indiscernable dans le « Même » la pensée et l’être. Travers des pensées dominantes, majoritaires ou fondées dirait Deleuze.
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