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GANDHI | La marche du sel ou la désobéissance civile

9 Mai 2007, 16:01pm

Publié par Paris8philo

Pour inviter les petits émeutiers à plus d'intelligence, à ne pas accentuer l'imcompréhension des couches agées de notre population car la politique directe (ou affective) ne peut rien contre la politique réprésentative si elle n'est pas organiser et joue précisément sur la zone indiscernalbe qu'il y a entre légitimité d'une action et légalité d'une interdiction. La légitimité est toujours du côté des luttes d'émancipation ou des efforts de libération, les lois quant à elle sont posées par les dominants pour être transgresser par eux-mêmes mais que les gens humbles ne transgresseront pas, sauf si une légitimité les appuie. Le 12 mars 1930, Mohandas Karamchand Gandhi entame une «marche du sel» en vue d'arracher l'indépendance de l'Inde aux Britanniques. Voici donc toute la différence entre légitimité d'une lutte et autorité de la loi. Paris8philo

L'impôt sur le sel rapportait 15,000,000 de francs-or annuellement au gouvernement britannique. Le produit de cette taxe était investi dans le budget des dépenses militaires qui a lui seul représentait près de 30% du budget total et presque cinq fois celui des écoles.
C'est donc dire que cette taxe servait à maintenir l'Inde dans son état de servitude en fournissant à l'armée anglaise, qui occupait le pays par la force, l'argent dont elle avait besoin pour assurer son existence.
Le peuple était trop pauvre pour payer une telle taxe sur un produit aussi essentiel à leur survie et à celle de leur bétail. À cette époque, le revenu moyen par habitant (y compris celui des radjas millionnaires) n'était que de quelques centimes par jour. Ceux qui habitaient au bord de la mer auraient pu en fabriquer en faisant bouillir de l'eau mais cela était interdit.

Dans les années précédentes, le Mahatma (La grande âme) a multiplié les manifestations non-violentes et les grèves de la faim en vue d'obtenir pour l'Empire des Indes un statut d'autonomie analogue à celui dont bénéficient les colonies à population européenne telles que le Canada ou l'Australie.

Faute de résultat, certains membres de son parti, le parti du Congrès, s'impatientent et menacent de déclencher une guerre en faveur de l'indépendance.

Gandhi, pour ne pas être débordé, avertit le vice-roi des Indes que sa prochaine campagne de désobéissance civile aura pour objectif l'indépendance.C'est ainsi qu'il quitte son ashram des environs d'Ahmedabad, au nord-ouest du pays, accompagné de quelques dizaines de disciples... et d'une meute de journalistes.



Sur la plage, la foule, grossie de plusieurs milliers de sympathisants, imite le Mahatma et recueille de l'eau salée dans des récipients. Leur exemple est suivi partout dans le pays... À Karachi comme à Bombay, les Indiens font évaporer l'eau et collectent le sel au vu des Anglais. Ces derniers jettent plus de 60.000 contrevenants en prison.

Avant le début de cette campagne de désobéissance civile, Gandhi avait publié la règle à suivre par chaque volontaire qui désiraient le suivre dans ce geste de résistance non-violente. Les Indiens, fidèles aux recommandations de Gandhi, se gardent bien de résister. Le Mahatma lui-même est arrêté et passe neuf mois en prison. A la fin, le vice-roi reconnaît son impuissance à imposer la loi britannique. Cédant aux injonctions du Mahatma, il libère tous les prisonniers et accorde aux Indiens le droit de collecter eux-mêmes le sel.



Young India par M. K. Gandhi
27 février 1930
  • Le Satyagrahi ne se laissera pas aller à la colère
  • Il supportera la colère de l'adversaire
  • Il n'usera jamais de représailles mais il ne se soumettra, pour quelle que raison que ce soit, à aucun ordre donné dans la colère
  • Il se laissera arrêter et ne s'opposera pas à la saisie de ses biens
  • Il ne laissera quiconque s'emparer d'un bien qui lui aura été confié et il le défendra au prix de sa vie mais sans jamais rendre violence pour violence
  • Pas de représailles, pas de jurons ni de malédictions
  • Il n'insultera pas ses adversaires, ne se servira d'aucun des cris et d'aucunes formules contraires à l'esprit de l'ahimsa
  • Il ne saluera pas l'Union Jack mais il ne l'insultera pas non plus, ni les personnages officiels anglais ou indiens
  • Durant la campagne de désobéissance civile, si quelqu'un insulte ou s'attaque à un personnage officiel, il protégera ce personnage contre l'insulte ou l'attaque, même au risque de sa propre vie.

Ces règles ne s'adressaient pas à quelques ascètes ni à l'élite du peuple; elles étaient publiées à l'intention de tous et elles furent respectées à la lettre par des millions d'Indiens. La peur avait disparu. La prison était un honneur et même la terreur ne parvint pas à ébranler les convictions du peuple.

Le 5 avril, après un parcours à pied de 300 km, Gandhi atteignit la mer à Dandi avec ses disciples et des dizaines de milliers de personnes. Le lendemain, Il s'avance dans l'eau et recueille dans ses mains un peu de... sel. Par ce geste dérisoire et hautement symbolique, Gandhi encourage ses compatriotes à violer le monopole d'État sur la distribution du sel. Ce monopole oblige tous les consommateurs indiens, y compris les plus pauvres, à payer un impôt sur le sel et leur interdit d'en récolter eux-mêmes. Il est analogue à l'impôt de la gabelle sous l'Ancien Régime, en France.

Son exemple fut suivi partout en Inde et la police était en état d'alerte.
Les dirigeants du Congrès Indien furent arrêtés un par un et le Mahatma lui-même fut emmené de nuit à la prison de Yeravda.
Pour intimider le peuple, la police multiplia les charges à coup de lathis ferrés. Dans la ville de Peschavar, les forces de l'ordre ouvrirent le feu à bout portant sur la foule paisible. Les manifestants au premier rang tombèrent sous la mitraille et aussitôt après, un second rang se présenta, la poitrine découverte devant les soldats qui refusèrent de tirer.
Un camion transportant des prisonniers eut une crevaison. Les manifestants qui venaient d'être arrêtés se dirigèrent, au pas de course, à la prison où le conducteur du camion devait les amener. Le cortège fut ovationné tout le long de la route.
Un jeune écolier, refusant de rendre son sac de sel, est rué de coups. Le sang coule mais il demeure imperturbable devant cette violence. L'officier qui commande le peloton arrête ses hommes et dit au petit garçon: "Tu es brave. Je n'ai jamais vu faire la guerre de cette façon."
L'histoire de l'Inde parlera toujours de ces événements d'avril 1930. Dans les rues, 10, 20, 30, 40,000 personnes s'assoient par terre en bloquant toute circulation parce que l'on leur refuse le droit de défiler paisiblement. La cavalerie charge mais les chevaux s'arrêtent à quelques pieds des premiers manifestants. Les bêtes refusent d'avancer...

Mal inspiré, Winston Churchill, alors dans l'opposition parlementaire, ironise sur le «fakir séditieux qui grimpe à moitié nu les marches du palais du vice-roi».

Le Mahatma est reçu en triomphe à Londres par les libéraux britanniques qui se résignent à une prochaine indépendance de l'Inde. Celle-ci sera retardée par la deuxième guerre mondiale et les dissensions entre hindous et musulmans. Le 15 août 1947, l'Empire des Indes deviendra enfin indépendant mais au prix d'une sauvage guerre religieuse et d'une scission entre Inde et Pakistan. Gandhi y perdra la vie.



Cet article est la recomposition de deux articles : http://lpdw.free.fr/freedom/marchesel.htm et http://www.herodote.net/dossiers/evenement.php5?jour=19300312
Lire article sur la désobéissance civile et non civique.
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