La Philosophie à Paris

PHILOSOPHIE / La logique impérieuse contre la raison suffisante ou marchande

9 Mai 2018, 21:00pm

Publié par Anthony Le Cazals

PHILOSOPHIE / La logique impérieuse contre la raison suffisante ou marchande

La logique saura se démultiplier pour saisir la nuance, cela mènera le monde à son terme par l'énergie que cela requerra. D'où l'épuisement apparent de la planète qui est nécessaire à la rareté qui fixe le prix en tant qu'équivalence négociable. La logique de la pensée classique ou du Pli (que l'on nomme contemporaine), par ses histoires d'hexagone est apte à saisir les logiques ternaires du neutre ou de l'hétérogène mais pas de l'irréductible. La logique est impuissante à saisir :

— en philosophie le concept de concept

— en théorie des ensembles le prédicat d'appartenance

— en psychologie, le point impérieux ou aberrant de résilience.

— en physique les ruptures spontanées de symétrie (puisqu'elles sortent des modèles alors que la logique classique repose sur des symétries).

Face à la logique classique où prend quadruplement racine (1) le principe de raison suffisante qui est toujours le principe de la raison marchande ou du mercurien (2), survient la logique impérieuse ou quantique qui vient asseoir la pensée du Dehors. Après les catégories, voici donc une possible logique (3),  Resituons les catégories : Blanchot avait donné avec Barthes consistance à la catégorie de neutre. Ils rejoignaient l'hétérogène de Klossowski. Deleuze en avait donné une seconde qui n'est pas possible sans une sortie des paradigmes de la dialectique : c'est le fini-illimité entrevu à partir de de l'éternel retour de Nietzsche ou aussi le monde sans borne d'Hawking. Là il s'agit de voir que cette logique est une logique de l'altération (Blanchot) et de l'aberration (Deleuze). Remonter aux principes qui vont suivre à partir de l'hypothèse de l’existence de cette pensée dont les critères de valeur qui ne sont plus le Bien, le Vrai et le Beau. On peut leur substituer la capacité (4), l'importance et la commodité (5). Donnons à présent les trois principes de la logique issu de l'algèbre géométrique (ou logique musicale) qui se contraposent au trois principes de la logique classique. 

— Le principe de différenciation ou différance s’exclut du principe d’identité (A=A) : aucun terme n’est, posé deux fois, identique à lui-même si bien qu’en musique, répéter, c’est altérer. A ≠ A (6). C'est un premier pas, mais la pensée du dehors ne repose pas sur l'innocence du devenir mais sur un principe de divergence renforcé qui est : va là où personne ne va, deviens ce que personne n'a jamais été. C'est là plus qu'un idéalisme déçu, une réalisme obstiné à la Goethe et à la Nietzsche, une polymathie presque obligé. C'est le principe de la marche en avant contenu dans cette formule d’Einstein : "la vie c'est comme la bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l'équilibre".

— Un principe de négation contrainte s’exclut du principe de non-contradiction pour lequel 
(a → non[A et non-A]) (6) : tout élément doit se composer avec son contraire, c’est-à-dire qu'il doit se composer en devenir avec sa propre altération. Comprenez A → (A et non-A = A’).

— Le principe du tiers obligé s’exclut du principe du tiers exclu (A ou non-A) : tout terme musical posé doit se composer avec un autre terme qui est autre que la négation en devenir du premier, terme neutre puisqu’il n’est « ni l’un, ni l’autre ». 
A → (A et B).

On nomme parfois ces trois principes l'altération dialectique. La logique contemporaine distingue quatre figures de la négation :

— la négation classique des contradictoires : deux termes contradictoires ne peuvent être simultanément ni vrais ni faux (soit : l’un doit être vrai et l’autre faux) ;

— la négation intuitionniste des contraires : deux termes ne peuvent être simultanément vrais, sinon il y a incompatibilité ;

— la négation para-consistante des sub-contraires : deux termes sub-contraires ne peuvent être simultanément faux?

— la substitution qui considère que toute négation n'est qu'une transformation avortée et qui est la négation des trois négations précédentes. Celle-ci commettant un déni d'affirmation au sein de la substitution.

Dans le passage du classique au quantique que l'on peut nommer seconde renaissance, il serait hasardeux de penser que la musique se soit constituée, bien après le nouage avec la mathématique et la philosophie grecque. Par philosophie décadente grecque, entendons celle dont les critères de valeur sont le Bien, le Beau et le Vrai. Toute la question de la durée des notes en musique renvoie avant tout à ce que Loraux nommait le tempo de la pensée : les durées, qui évitent les écueils et les abîmes et qui, une fois regroupées, donnent le rythme. S'il y a une autonomisation de la logique d'écriture musicale, ce n'est que par rapport à une mathématique et à une philosophie socratique ou antique, s'il y a une autonomie de la physique quantique ce n'est que par rapport à la philosophie kantienne dont elle maintient le vocabulaire véhiculaire (comme par exemple symétrie, incertitude, ondes/corps, etc. ...). La critique kantienne, en tant que science (7), n'est rien d'autre qu'une analyse transcendantale des forces newtoniennes.
On ne peut dès lors soutenir que le langage serait le constituant primitif de toute pensée, quand, précisément, la pensée sort de son endormissement représentatif et réflexif, endormissement connu bien avant l'antiquité sous le terme de Mirah - le "miroir" dans Le pentateuque. On pensera aux trois siècles successifs que Nietzsche a régulièrement dénigré comme étant des affaissements de la pensée : le XVIIe siècle, le XVIIIe siècle sensualiste, le XIXe siècle pessimiste sont l'extension de l'âge classique. Cela est méconnaître qu'au travers de l'importance (comprenez de l'usage qu'a fait Heidegger, entre autres exemples, de la pensée), il n'y a pas la suprématie de la signification sur le dire, mais que celle-ci sort du pathétique par le logos endiatitos et non par le logos prophoricos. Le  logos endiatitos est tiré de l'observation la plus fine opérée au plus près d'un ressenti et ne s'attache pas à la vérité mais à l'honnêteté qui fixe l'importance du moment. Le logos prophoricos peut être entendu comme le langage formulé ou professé : il est avant tout une intégration subjective des opinions avisées qui parviennent à l'orateur et qui parfois le circonviennent ; ce n'est rien d'autre que la capture du signifiant vide ou maître-mot et l'introduction dans le discours du pervers et du secret. Rappelons que s'il y a secret de fabrication c'est surtout par la décomposition du dispositif de fabrication, du métier ou l'obsolescence de l'outil numérique ou informatique (8) ou dans le cas du discours dit abusivement philosophique l'occultation du processus d'intégration et donc des sources du registre, le tout nommé sous le signifiant Sujet. Enfin soulignons que c'est la pensée qui s'est plus largement autonomisée par rapport aux valeurs héritées de la tradition, lesquelles posent des catégories classiques mais vides puisque rapportées au sens divin et non au sens de la Terre comme en témoigne le génie du cœur (4) et la légèreté du rire d'or chez Nietzsche.

La philosophie qui se qualifierait de nouvelle, ne repose point sur un désir névrotique de nouveauté, la nouveauté comme ersatz, comme ceci fût le cas à toute les époques où l'on placarda un désir d'authentique (9). On sort d'emblée de l'intériorité démesurée du temps et de l'extériorité mesuré de l'espace, qui se nomment, d'une pièce, le Pli. On rompt le contrat classique et social de non-agression. Ce qui nous fait dire que la philosophie, renouvelée en sa logique, est aujourd'hui au commencement et bientôt en sa poursuite.

 

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Notes :
1. Schopenhauer, De la quadruple racine du principe de raison suffisante.

2. Cf. Slezkine, Le Siècle juif.

3. Réserve : "possible logique", car la question des principes est encore à affiner, c'est-à-dire faut-il la considérer la pensée du Dehors et du Surpli comme une axiomatique comme la pensée du philosophe Deleuze et celle du sophiste Badiou, disciple assumé des maîtres sophistes Lacan le charlatan, Althusser le giscardien, Mao l’inséminateur,

4. la capacité ou fitness dont la forme romantique issue de Pascal et de Nietzsche, au travers d'un intermédiaire romantique, est le génie du cœur. Là est la puissance entendue chez les hébreux, en tant que centralisée, comme royaume. Là est aussi la noblesse pour Nietzsche.

5. Car le critère de toute démonstration est le beau non le vrai, c'est-à-dire depuis Poincaré la commodité, ce qui admet certaines approximations pour tolérer l’obsolescence des théories, Poincaré qui est au passage l'inventeur de l'égalité, non de la formule, e=mc².

6. Voir le livre Gamma de la Métaphysique d'Aristote.

7. Voir la seconde préface de Kant à La critique de la raison pure.

8. Comme la logique dite musicale, n'est pas indépendante de la logique quantique, c'est un simple effet de parallaxe dû à la marche en avant que de penser que "La musique s’est constituée, bien après son nouage grec à la mathématique et à la philosophie, en monde autonome : en monde-Musique".

9. Cf. le paragraphe 27 d'Etre et temps d'Heidegger ou les placards des thèses de Luther.

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